Le coût environnemental du magasinage en ligne

Femme qui magasine en ligne sur son ordinateur portable

Le magasinage en ligne est pratique et présente certains avantages pour l’environnement. Mais la planète paie le prix de la surconsommation, l’emballage, le transport, les retours et la mise en décharge. (Photo : Karolina Grabowska via Pexels)

Le magasinage en ligne a révolutionné notre manière d’acheter. Avec le cybercommerce, qui relie mondialement acheteur.euse.s et vendeur.euse.s, un seul clic suffit pour se faire livrer à sa porte tout et n’importe quoi : vêtements, épicerie, meubles. La commodité et l’accessibilité du magasinage en ligne sont indéniables, mais la révolution du cybercommerce a un coût – un coût environnemental.

L’essor et la prédominance du magasinage en ligne

La numérisation de la vie moderne, conjuguée aux avancées et aux innovations technologiques, a transformé la manière d’acheter, sans manquer d’influencer fortement le comportement des consommateur.rice.s et la culture contemporaine.

Le premier boom du cybermarché remonte à 1995, soit l’année de fondation d’Amazon et d’eBay (autrefois AuctionWeb). Le magasinage en ligne a explosé au début des années 2000, quand des détaillants traditionnels comme Walmart ont déployé leur présence sur le Web. Assez vite, les détaillants (traditionnels et virtuels) ont commencé à investir massivement dans des plateformes de cybercommerce. Le magasinage en ligne a ainsi continué à gagner en popularité à vive allure, propulsé par l’essor du téléphone intelligent et de l’achat par mobile au début des années 2010. Cette nouvelle possibilité d’achat a donné le coup d’envoi aux réseaux sociaux et au marketing d’influence, venant à la fois faciliter et accélérer la découverte et l’acquisition de produits.

La transition vers le magasinage en ligne s’est accélérée de plus belle avec la pandémie de COVID-19 : le confinement obligatoire, les règles de distanciation et les mesures de sécurité ont tourné de plus en plus d’acheteur.euse.s vers le cybercommerce. De février à juillet 2020, alors que les ventes au détail ont chuté à un niveau jamais vu au Canada, les ventes au détail en ligne ont bondi de 67,9 %. La même année, le géant mondial du cybercommerce, Amazon, a battu des records avec un revenu de 386 milliards de dollars.

Conséquences économiques du magasinage en ligne au Canada

Le Canada compte près de 27 millions d’acheteur.euse.s en ligne, qui sont responsables de près de 110 milliards de dollars de ventes au détail en ligne. Selon les prévisions, le nombre d’acheteur.euse.s en ligne au Canada augmentera et atteindra 31,8 millions d’ici 2027, soit la quasi-totalité de la population (38 millions en 2023). Il s’agit d’un pouvoir d’achat immense qui, si bien utilisé, peut changer la donne!

Le magasinage en ligne peut devenir presque inévitable, mais la façon dont nous le faisons peut contribuer à réduire son impact sur l’environnement.

Conséquences environnementales du magasinage en ligne

Le magasinage en ligne a fait plus que révolutionner notre manière d’acheter : elle a aussi influencé des tendances sociétales plus larges, sans parler de notre vision de la commodité, du consumérisme et de l’économie mondiale. Cette culture continue de modeler nos attentes, nos conduites et nos interactions dans la sphère du commerce.

Surconsommation, emballage, transport, retours, produits jetables, voilà autant d’éléments qui façonnent le système et la culture du magasinage en ligne et ses conséquences sur l’environnement. Pouvons-nous trouver un équilibre plus harmonieux entre commodité et durabilité?

Quand les gens achètent moins, on constate aussitôt une baisse des émissions, de la consommation de ressources et de la pollution. Cette baisse surpasse de loin les résultats des technologies vertes.

J.B. MacKinnon

Amazon, l’expéditeur de changements climatiques

Amazon s’est emparé du marché mondial du cybercommerce avec sa rapidité, sa commodité et sa structure tarifaire qui encourage la consommation. Mais son succès n’est possible qu’en exploitant la main-d’œuvre et les ressources limitées de la planète, tout en augmentant les émissions de carbone responsables du bouleversement climatique.

En 2021, Amazon a généré pas moins de 71,54 millions de tonnes métriques de CO2, soit environ la production annuelle de 180 centrales au gaz (article en anglais). Voilà une hausse de 18 % par rapport à 2020, malgré l’initiative « Climate Pledge » (L’engagement climat) de l’entreprise. Cette initiative problématique lui permet de s’en tirer avec une méthode de comptabilisation du carbone trompeuse, qui n’inclut pas les émissions issues de la fabrication de nombreux produits Amazon.

Qui plus est, le géant du commerce en ligne a fait l’objet d’une enquête, soupçonné d’avoir détruit des millions de produits inutilisés ou retournés (source en anglais). Il semblerait que les ressources de la Terre soient converties en biens et transportées à gauche et à droite pour, au bout du compte, finir en déchet.

Le côté sombre du Vendredi fou et du Cyberlundi

Chaque année, les acheteur.euse.s attendent par millions des événements de magasinage en ligne comme le Vendredi fou et le Cyberlundi (et les soldes de l’Après-Noël au Canada).

Se déroulant le week-end suivant les vacances de l’Action de grâces aux États-Unis, le Vendredi fou et le Cyberlundi comptent parmi les événements de vente au détail en ligne les plus attendus. Moteurs de ventes pendant la période des Fêtes, ces journées sont devenues les journées d’achat en ligne les plus occupées et les plus lucratives de toute l’année. Durant ces grands événements de magasinage, les détaillants en ligne concoctent une série d’offres alléchantes, attirant les portefeuilles avec des rabais à durée limitée et des promesses de livraisons rapides.

Cette pression du temps et l’impression de rareté entretiennent un faux sentiment d’urgence, qui précipite le passage à la caisse en empêchant la réflexion sur les décisions d’achat. Selon une étude de l’Université de Leeds (en anglais), jusqu’à 80 % des achats du Vendredi fou finissent au dépotoir après une durée de vie très courte.

Du podium au dépotoir

Le monde de la mode éphémère est peut-être éblouissant, mais son empreinte écologique est loin d’être admirable.

Le coût environnemental de la mode éphémère

Le magasinage en ligne : durable ou non?

Le magasinage en ligne peut comporter des avantages pour l’environnement, mais c’est une question complexe…

Une équipe de recherche du MIT a publié une étude (en anglais) destinée à examiner et à mesurer les émissions de carbone associées à deux types d’achats : les achats en ligne et les achats en magasin. Après des centaines de milliers de simulations, l’équipe a découvert que 75 % du temps, le magasinage en ligne est une option plus durable que le magasinage sur place. Autrement dit, une fourgonnette qui effectue 100 livraisons est plus écologique que 100 voitures qui se rendent au magasin.

Cela dit, cette étude portait surtout sur l’ultime étape de la chaîne d’approvisionnement, soit le « dernier kilomètre », qui marque la fin du processus de livraison. Par exemple, vous achetez une couverture en lin dans une boutique indienne en ligne et vous la faites livrer chez vous, au Canada. Eh bien, votre commande devra être expédiée de l’Inde au Canada, généralement par voie aérienne ou maritime, après quoi elle sera triée et sera soit acheminée vers un autre centre de distribution, soit chargée dans un véhicule pour livraison à domicile. La seconde où votre couverture entrera dans ledit véhicule, elle amorcera son « dernier kilomètre ».

Une analyse limitée à la dernière étape de la distribution fait fi d’une grande partie du voyage d’un colis depuis son point de départ, qui pourrait être plus ou moins générateur d’émissions de carbone selon la distance. Étant donné que la Chine est derrière près de 50 % des transactions mondiales, on peut conclure que la plupart de nos achats en ligne impliquent un kilométrage élevé.

Pour que le magasinage en ligne soit vraiment bénéfique pour l’environnement, vous devez faire preuve de diligence. Voici six conseils à suivre (et écueils à éviter) pour rendre vos achats en ligne plus écologiques :

Six conseils pour un magasinage en ligne plus responsable

1. Remplacer au lieu d’ajouter

Lorsque l’on magasine en ligne en plus de faire des achats en personne, on mobilise d’autres véhicules en plus du nôtre.

Imaginez que vous allez au supermarché en voiture pour faire l’épicerie de la semaine. Une fois sur place, vous constatez que votre produit préféré n’est pas disponible et, au lieu de choisir une option de rechange sur les lieux, vous décidez d’acheter ledit produit en ligne chez un autre détaillant, avec votre téléphone. Ainsi, à votre déplacement au magasin s’ajoute le déplacement d’un véhicule pour la livraison chez vous.

Magasinez en ligne à la place de le faire en personne, mais ne faites pas les deux. En adoptant cette approche, vous réduisez les émissions inutiles liées aux transports et honorez les vertus environnementales du cybercommerce.

2. Penser au transport et à la livraison

L’acheminement des biens achetés en ligne depuis les entrepôts et les centres de distribution jusqu’au domicile contribue lourdement aux émissions de carbone, surtout celui des colis d’outre-mer, qui mobilisent plusieurs modes de transport.

Pour répondre à la demande grandissante, les entreprises de livraison cherchent à agrandir leur flotte. On estime d’ailleurs que le nombre de véhicules de livraison augmentera de 36 % d’ici 2030, un pourcentage qui représente 7,6 millions de véhicules (à essence pour la plupart). Cette multiplication des véhicules sur la route entraînera non seulement une hausse des émissions de carbone de 6 milliards de kilogrammes, mais aussi une hausse de la congestion routière, qui se traduira par l’allongement du temps de déplacement de 21 % (source en anglais).

Plus la livraison est rapide, plus l’environnement en paie le prix. En effet, livraison rapide rime souvent avec expédition aérienne. Le transport par avion génère environ 50 fois plus d’émissions de carbone par kilomètre que le transport par bateau.

Selon une étude (en anglais) du MIT, le magasinage en ligne génère deux fois moins d’émissions de carbone que le magasinage sur place, mais seulement à condition que la livraison rapide ne soit pas réclamée. Quand les entreprises de livraison doivent respecter un délai d’un à deux jours, elles ne peuvent pas attendre qu’arrivent tous les produits à acheminer à une même adresse avant de les envoyer. Elles n’ont pas le choix de mobiliser des camions et des avions qui ne sont pas remplis au maximum, ce qui augmente l’empreinte carbone de chaque article livré.

Solutions :

  • Prenez-vous d’avance et, dans la mesure du possible, évitez les livraisons rapides. Vous donnerez ainsi la chance aux détaillants de maximiser leur efficacité en consolidant les commandes.
  • Évitez les livraisons manquées et les déplacements superflus. Vous ne savez pas si vous serez à la maison lors de la livraison? Choisissez comme adresse d’expédition le bureau de poste le plus près de chez vous.
  • Groupez vos achats. Il vaut mieux commander plusieurs articles en même temps pour qu’ils soient tous empaquetés ensemble. Si vous passez une commande sur un cybermarché qui réunit différents vendeurs, optez pour l’emballage de tous vos articles ensemble.
  • Encouragez les entreprises qui compensent les émissions de carbone de leurs livraisons en investissant dans des projets environnementaux ou d’autres activités carboneutres.
  • Privilégiez les commerces et produits locaux pour réduire les déplacements derrière vos achats.
  • Encouragez l’adoption de solutions plus durables pour la livraison du « dernier kilomètre », comme le vélo ou la fourgonnette électrique.
  • Pour ce qui est des produits trouvables seulement en ligne, achetez-les en gros pour éviter de multiplier les commandes.

3. Faire attention à l’emballage

Le carton, le papier bulle et la mousse de polystyrène sont des matériaux d’emballage à usage unique courants souvent surutilisés par les vendeurs, soucieux de réduire les risques d’endommagement pendant le transport et la livraison. Les emballages plastiques à matériaux et à couches multiples sont rapidement devenus populaires en raison de leur durabilité, mais ils sont notoirement difficiles à recycler. En fait, selon une étude (en anglais) publiée en 2022, il n’y aura pas de solutions grand public pour recycler ce type d’emballage dans les 5 à 10 prochaines années.

Selon l’Environmental Protection Agency (EPA), en 2018, les contenants et les emballages ont totalisé plus de 80 milliards de kilogrammes de déchets solides municipaux aux États-Unis, un chiffre auquel le cybercommerce contribue grandement. Par ailleurs, d’après une étude de la Fondation Ellen MacArthur, parmi les 86 milliards de kilogrammes d’emballage plastique produit chaque année dans le monde, à peine 14 % sont recyclés.

Solutions :

  • Encouragez les entreprises qui limitent l’emballage ou utilisent des matériaux d’emballage écologiques.
  • Réutilisez, récupérez ou recyclez l’emballage autant que possible.

Quels types de plastiques sont recyclables?

Le plastique est partout et c’est difficile de savoir quels types sont réutilisables ou recyclables et comment réduire leur usage.

Découvrez les sept types de plastique

4. Éviter les retours et les échanges

Selon une étude (en anglais) de Deloitte, le magasinage en ligne quintuple les retours. En effet, environ 40 % des articles achetés en ligne sont retournés, contre seulement 7 % de ceux achetés en magasin. Le retour de produits fait grimper le coût environnemental du magasinage en ligne.

Les retours impliquent le renvoi des articles au magasin ou au centre de distribution et, par conséquent, une hausse des émissions de carbone liées au transport et une multiplication des déchets d’emballage. Et ce n’est pas tout : quand les articles retournés et leur emballage ne sont plus en bon état, ils ne peuvent plus être revendus et finissent au site d’enfouissement. Bref, encore plus de déchets.

Solutions :

  • Assurez-vous de lire tous les renseignements sur les produits (taille, matériaux, évaluations de la clientèle) pour éviter les retours dus à des attentes irréalistes.
  • Si vous avez acheté un article en ligne que vous n’aimez pas au bout du compte, que vous n’utilisez pas ou qui ne vous convient pas, essayez de le revendre près de chez vous.
  • Votre produit est brisé ou défectueux? Avant de le retourner au détaillant, écrivez-lui pour demander s’il existe dans votre région un centre de distribution où le renvoyer ou un service de réparation autorisé qui peut régler le problème. Autre solution : faites appel à votre communauté et recherchez des services de réparation à proximité.
  • Demandez aux détaillants s’ils sont dotés de programmes de recyclage, de réutilisation ou de récupération. (Veillez toujours à bien recycler vos déchets électroniques.)

5. Éviter la surconsommation

Aujourd’hui, un moteur central de la crise écologique, la surconsommation et les achats impulsifs sont encouragés par la multiplicité des produits, les campagnes de spécialistes en marketing, la vitesse de la livraison et les promotions en ligne. La surconsommation est renforcée par les tendances continuellement mouvantes. Celles-ci engendrent un sentiment d’insatiabilité qui pousse à acheter, acheter, acheter. D’ailleurs, il a été démontré que l’anticipation d’une récompense (par exemple, la livraison d’un colis) entraîne la sécrétion de dopamine. Selon une étude (en anglais), 76 % des gens aux États-Unis trouvent plus excitant d’attendre la livraison d’un article commandé en ligne que d’acheter l’article en magasin, préférant donc l’anticipation à la gratification immédiate. Une dépendance au magasinage peut ainsi se développer.

Solutions :

  • Pensez avant de cliquer. Magasinez consciemment.
  • Avant de passer à la caisse, faites des listes d’achats et des recherches poussées sur les produits.
  • Réduisez votre consommation dans toutes les sphères de votre vie.
  • Trouvez d’autres sources de dopamine (méditation, musique, exercice, connexion à la nature, etc.)

L’ère du consumérisme et des combustibles fossiles doit cesser!

On nous a fait croire que le bonheur se trouvait en achetant toujours plus et en prenant le volant, mais c’est faux. Il nous faut revenir à l’essentiel et apprendre à respecter les forces naturelles dont notre survie dépend.

Lisez l’article de David Suzuki

6. Dire non à la culture du « jetable »

Le magasinage en ligne a alimenté une culture du « jetable », où les produits sont achetés pour un usage à court terme avant d’être remplacés ou jetés. Cette culture contribue au modèle de consommation linéaire « extraire, fabriquer, jeter », qui épuise les terres et l’eau, produit des déchets, détériore la nature, ignore la justice et perpétue l’iniquité. Nous utilisons les ressources de la planète à un rythme 1,7 fois plus rapide que sa vitesse de régénération, alors c’est important que vous aidiez à déconstruire la culture de l’usage unique et du jetable.

Solutions :

  • Quand vous achetez, pensez durabilité. Choisissez des produits conçus pour durer. En cas d’hésitation, lisez bien les avis.
  • Trouvez des options de rechange écologiques à des produits à usage unique que vous utilisez souvent (soie dentaire, masques pour le visage, pailles, etc.).
  • Encouragez les marques qui favorisent la durabilité et la facilité de réparation. Un objet brise? Avant d’en racheter un tout neuf, voyez d’abord si vous pouvez seulement racheter la partie de l’objet abîmée.
  • Engagez-vous à éliminer le gaspillage et le plastique à usage unique.