Le fascisme de fin des temps est un fatalisme sombrement festif, un dernier refuge pour ceux qui trouvent plus facile de célébrer la destruction que d’imaginer vivre sans suprématie. (Photo : Mike Baumeister via Unsplash)

L’urgence pour la population canadienne de se concentrer sur la protection et la restauration de la nature et de faire avancer la justice sociale n’a jamais été aussi grande. Cependant, nos gouvernements alimentent l’accélération du développement industriel tout en bafouant les droits autochtones. C’est consternant.

Partout au Canada, des gouvernements raniment leur zèle extractiviste, qui s’accompagne souvent du non-respect des droits autochtones. Ce zèle se présente souvent de façon opportuniste comme une réaction à l’instabilité de la situation géopolitique causée par les bouleversements politiques étatsuniens.

La Colombie-Britannique vient d’adopter le projet de loi 15 pour accélérer les projets d’infrastructures. Selon les Premières Nations, cette loi « donne les coudées franches à la province pour réduire à néant les droits des premiers peuples ainsi que les protections environnementales ».

En Alberta, on a carrément laissé tomber la prétention de défendre la faune. Le gouvernement propose de laisser l’entreprise basée aux États-Unis Weyerhaeuser couper à blanc les derniers territoires d’hivernage de deux populations de caribous de montagne menacés. Ce plan autoriserait également l’augmentation de la production pétrogazière dans leur habitat naturel.

L’effet de ressac et de recul devant les récentes avancées n’est pas anodin.

Le gouvernement ontarien a fait passer le projet de loi 5, la « Loi pour protéger l’Ontario en libérant son économie ». Celle-ci prévoit de désigner des « zones économiques spéciales » où différents projets n’auront pas à se soumettre aux lois provinciales ou municipales. Ainsi, la province se soustrait à son devoir d’obtenir le consentement préalable, libre et éclairé des nations autochtones.

Le fédéral s’est mis de la partie en essayant de faire adopter sous bâillon la « Loi visant à bâtir le Canada », une autre manœuvre pour faire avancer des « projets d’intérêt national » jugés « d’intérêt public », même si ces derniers s’avèrent nocifs pour l’environnement.

Ces politiques oublient de reconnaître que des économies en santé dépendent d’écosystèmes en santé.

Comment expliquer ce qui se passe, alors que nous savons quelles mesures adopter pour remédier aux crises liées au climat et à la biodiversité? (Nous devons limiter les projets d’extraction des ressources, laisser les combustibles fossiles sous terre, investir dans les énergies renouvelables et restaurer les écosystèmes dégradés.) Pourquoi à ce moment précis, alors que nous commençons enfin à freiner et à inverser la perte de biodiversité et à défendre les droits autochtones?

L’effet de ressac et de recul devant les récentes avancées n’est pas anodin. Ceux qui se sont rempli les poches avec le butin de l’extraction industrielle se battent pour défendre le statu quo et pour éliminer les dernières protections qui freinent leurs désirs. Le pouvoir, la politique et les profits forment une alliance étroite.

Avec tout le chaos qui règne dans le monde, on comprend la tentation d’une certaine forme de fatalisme.

Dans leur article du Guardian, « The rise of end times fascism », Naomi Klein et Astra Taylor décrivent que « partout dans le monde, les personnes puissantes (au gouvernement ou encore celles qui les influencent) ont abdiqué leurs responsabilités envers la planète et le collectif. Elles y préfèrent un avenir constitué d’intelligence artificielle, de rédemption religieuse et de libertarisme dévastateur. Plutôt qu’investir dans le social et réparer la nature, ces personnes investissent pour extraire de plus en plus de ressources le plus rapidement possible. Leur fixation se tourne vers d’autres planètes à coloniser, sachant que leur négligence a entraîné l’effondrement de la nôtre.

Klein et Taylor écrivent : « En effet, dans une étrange réinterprétation de l’Ancien Testament, Musk et ses collègues milliardaires du secteur technologique se sont arrogé des pouvoirs divins. Mais ils ne se contentent pas de construire des arches. Ils font tout leur possible pour provoquer le déluge. »

Les puissants ont tendance à adopter une mentalité de « fin des temps » plutôt que d’envisager de changer leur propre statut : « Le fascisme de fin des temps est un fatalisme sombrement festif, un dernier refuge pour ceux qui trouvent plus facile de célébrer la destruction que d’imaginer vivre sans suprématie. »

Avec tout le chaos qui règne dans le monde, on comprend la tentation d’une certaine forme de fatalisme. Comment ne pas se sentir découragé.e face à la destruction continue de l’environnement et d’avoir à lutter année après année contre les nombreux projets politiques et industriels qui causent ces ravages?

Nous pouvons contrer le discours apocalyptique en affirmant notre engagement indéfectible envers l’avenir de la Terre, la collectivité et la diversité des espèces végétales, animales, microbiennes et autres qui peuplent les recoins de la planète, des océans, des rivières, des forêts et des champs, les remplissant de chants et de couleurs.

Mais l’écologisme découle de l’amour de la planète et d’une profonde compréhension de ses capacités régénératrices. La plupart d’entre nous savent également que les êtres humains ont le pouvoir d’agir pour le bien : corriger les erreurs, défendre la justice sociale, favoriser la réconciliation et susciter des changements positifs.

Nous pouvons contrer le discours apocalyptique en affirmant notre engagement indéfectible envers l’avenir de la Terre, la collectivité et la diversité des espèces végétales, animales, microbiennes et autres qui peuplent les recoins de la planète, des océans, des rivières, des forêts et des champs, les remplissant de chants et de couleurs.

Comme Klein et Taylor le soulignent, nous sommes en mesure de proposer un autre récit que celui qui guide actuellement les politiques de gestion de la nature et des relations humaines : « Un récit qui n’est pas celui de la fin des temps, mais celui de temps meilleurs; non pas un récit de séparation et de suprématie, mais celui d’interdépendance et d’appartenance; non pas un récit d’évasion, mais un récit de persévérance et de fidélité à la réalité terrestre troublée qui nous imbrique et nous relie. »