Nous pouvons toutes et tous contribuer à ramener la nature chez nous, dans nos quartiers. Cette histoire commence par un plan de financement participatif d’un réseau de « parcs nationaux de quartier » et par des bénévoles enthousiastes qui ont rempli un canot de fleurs.
Il y a près de dix ans, des bénévoles ont cultivé des plantes dans un canot hors d’usage, retiré du service actif, et placé dans un espace vert du centre-ville de Toronto, sur le site historique de Fort York. Ils et elles ont percé le canot de trous pour le drainage, l’ont rempli de terre et l’ont transformé en une jardinière remplie de fleurs sauvages indigènes.
L’objectif initial était de cultiver des plantes dans des canots placés dans les parcs et les cours d’école le long de l’ancienne Garrison Creek, une « rivière perdue » qui avait été intégrée au réseau d’égouts souterrains de la ville à la fin du 19e siècle. Chaque canot serait un clin d’œil à un passé écologique pas si lointain, lorsque le ruisseau traversait le quartier, et offrait un habitat indispensable aux abeilles et aux papillons locaux.
Au cours des trois années suivantes, des bénévoles ont cultivé des plantes dans des douzaines de canots reconditionnés placés dans les villes de Toronto, Markham et Richmond Hill. Aujourd’hui, le réseau de jardins canots s’étend du Cap-Breton à l’île de Vancouver, offrant des lieux de pollen et de nectar aux bestioles locales et des jardins fantaisistes de présentation de plantes indigènes aux passant.e.s.
Aujourd’hui, le réseau de jardins canots s’étend du Cap-Breton à l’île de Vancouver, offrant des lieux de pollen et de nectar aux bestioles locales et des jardins fantaisistes de présentation de plantes indigènes aux passant.e.s.
L’idée de cultiver des plantes dans une flotte de canots a été inspirée par l’auteur et entomologiste américain Douglas Tallamy. Dans son livre Bringing Nature Home, Tallamy a proposé une nouvelle façon d’augmenter la biodiversité dans les communautés. Au lieu de compter sur les agences gouvernementales pour créer des espaces verts tels que des parcs et des réserves de conservation, il a encouragé les habitants à créer des « parcs nationaux de quartier » (Homegrown National Parks). Contrairement aux parcs nationaux traditionnels, ces patchworks d’habitats seraient gérés par les citoyen.ne.s. Ils peuvent être situés sur des terrains privés ou publics et, surtout, être plantés de plantes, d’arbustes et d’arbres indigènes qui sont propices aux insectes et la faune de la région.
La Fondation David Suzuki a relevé le défi de Tallamy de créer le premier « parc national de quartier » au Canada et a fait appel à quelques douzaines de bénévoles, dont Aidan Dahlin Nolan, un résident de Toronto, qui est devenu l’un des premiers patrouilleurs des parcs de quartier (Homegrown Park Rangers) en 2013.
Après quelques années de plantations, d’événements et de parades musicales, le projet national de parcs de quartier (Homegrown National Park Project) s’est transformé en l’Effet Papillon en 2017. Toujours propulsé par les patrouilleurs et patrouilleuses, il est passé d’une initiative locale de verdissement à un réseau national de bénévoles qui créent des voies pour papillons (Butterflyways) – des corridors d’habitat à l’échelle du quartier pour les pollinisateurs et d’autres espèces sauvages.
La boucle est désormais bouclée. La Fondation David Suzuki collabore avec la nouvelle organisation étatsunienne Homegrown National Park, cofondée par Tallamy. Les gens au Canada peuvent maintenant se joindre officiellement à ce mouvement en pleine croissance en téléchargeant leurs jardins de plantes indigènes sur la carte canadienne (en anglais) des parcs nationaux de quartier (Homegrown National Park). L’objectif est de mettre en lumière tout ce qui se passe sur le terrain – en rassemblant un patchwork international de plus en plus large d’actions individuelles en un grand mouvement inspirateur.
Les gens au Canada peuvent maintenant se joindre officiellement à ce mouvement en pleine croissance en téléchargeant leurs jardins de plantes indigènes sur la carte canadienne.
Le projet est très amusant, mais il est motivé par des tendances inquiétantes pour les minuscules créatures qui animent le monde : les insectes. Bien qu’elles constituent le groupe d’organismes le plus vaste et le plus diversifié de la planète, les populations d’insectes ont chuté de 45 % au cours des 40 dernières années en raison de l’agriculture industrielle, de l’urbanisation, des espèces envahissantes et des changements climatiques. Dans les zones rurales, l’habitat naturel a été remplacé par des monocultures maintenues à l’aide d’engrais chimiques et de pesticides. Les zones urbaines se caractérisent par des surfaces imperméables, des températures élevées et une végétation non indigène – tous ces éléments entraînent une diminution du nombre d’insectes.
La bonne nouvelle, c’est que la décroissance des insectes n’est pas inévitable. Chacun.e d’entre nous peut jouer un rôle concret en aidant à rétablir les populations locales. Contribuer à des initiatives locales de base pour créer des habitats, telles que le projet primé Butterflyway, et ajouter des plantations à la carte du Homegrown National Park sont des petites actions simples qui, lorsqu’elles seront multipliées par des milliers de bénévoles, de groupes et d’agences, feront une grande différence.
Douglas Tallamy est un scientifique capable de communiquer sur des concepts compliqués, tels que la décroissance des insectes et la conservation, de manière simple et inspirante. Après des décennies d’efforts inlassables pour ramener la nature chez soi, il affirme que la tâche n’est pas aussi énorme qu’il n’y paraît. « Vous ne pouvez pas inverser le déclin des insectes par vous-même, mais si nous faisons chacun notre petite part, non seulement nous pourrons restaurer les populations d’insectes, mais nous créerons le plus grand effort collectif de conservation de l’histoire », a-t-il écrit dans un article paru en 2020 dans le Washington Post.