25 pour cent des quartiers les plus démunis sur le plan socioéconomique se trouvent à moins d’un kilomètre d’un important complexe industriel polluant, comparativement à sept pour cent des quartiers les plus aisés. (Photo : Ella Ivanescu via Unsplash)

La diversité constitue une force. Dans la nature comme dans la société humaine.

Pourtant, de récents drames ont démontré que cette société n’a pas bien saisi ce principe. Bottom of Form

Les décès tragiques de George Floyd, Breonna Taylor, Regis Korchinski-Paquet à Toronto, Chantel Moore de la Première Nation Tla-o-qui-aht et de nombreux autres — aux mains de ceux qui ont pour mandat de servir et protéger — ont mis en lumière la discrimination raciale continue, souvent violente, à l’encontre des Noirs, des Autochtones et des personnes de couleur au Canada et aux États-Unis.

Le vibrant appel général à mettre un terme à la discrimination fondée sur la race exige que nous prenions acte et passions à l’action. Et cela comprend l’analyse des conséquences disproportionnées des dommages environnementaux sur les populations vulnérables et les communautés marginalisées.

La Loi sur la protection de l’environnement, la principale loi canadienne en matière de prévention de la pollution, document de 269 pages, ne fait aucune mention de justice environnementale, de droits de la personne, ni de populations vulnérables.

25 pour cent des quartiers les plus démunis sur le plan socioéconomique se trouvent à moins d’un kilomètre d’un important complexe industriel polluant, comparativement à sept pour cent des quartiers les plus aisés.

Or, en milieu urbain, 25 pour cent des quartiers les plus démunis sur le plan socioéconomique se trouvent à moins d’un kilomètre d’un important complexe industriel polluant, comparativement à sept pour cent des quartiers les plus aisés. Au Canada, les inégalités de revenu comportent également une dimension raciale. Une analyse de 2019 a révélé que pour chaque dollar gagné par les hommes non racialisés, les hommes racialisés gagnent 78 cents par dollar, les femmes racialisées 59 cents et les femmes non racialisées 67 cents.

Environ 40 pour cent du secteur pétrochimique canadien se trouve dans un rayon de quelques kilomètres de Sarnia et de la Première Nation Aamjiwnaang, exposant ainsi les membres de cette communauté à un éventail de polluants nocifs. Dans le Grand Nord canadien, les Inuits sont confrontés à des risques accrus de pertes économiques et de problèmes de santé en raison des changements climatiques et du réchauffement rapide de l’Arctique qui met en péril leurs activités de chasse et autres.

Les communautés marginalisées sont aussi plus vulnérables à l’exposition insidieuse à des produits toxiques. Par exemple, les perturbateurs endocriniens, même à des niveaux faibles, peuvent altérer le fonctionnement hormonal. Nous y sommes tous exposés de diverses façons : résidus de pesticides dans les aliments, ingrédients de produits d’hygiène personnelle, traitements, conditionnement, pollution de l’air de source industrielle, etc. Des chercheurs américains ont observé chez les minorités ethniques des niveaux d’exposition plus élevés et, parallèlement, des problèmes de santé connexes plus grands. Ils ont avancé l’hypothèse que les comportements culturels, les habitudes de consommation et la proximité d’installations industrielles et de décharges pourraient contribuer à ces disparités.

Ce ne sont là que quelques exemples. Or, les politiques environnementales insensibles entraînent au sein des communautés canadiennes désavantagées une concentration des risques de la pollution — et un accès inadéquat aux bienfaits environnementaux.

Cette année, la députée Lenore Zann a déposé le Projet de loi C-230, Loi sur la stratégie nationale visant à remédier au racisme environnemental. En préambule, il reconnaît qu’« un nombre disproportionné de personnes qui vivent dans des zones qui présentent un danger sur le plan de l’environnement font partie d’une collectivité autochtone ou racialisée ». Le Projet de loi exigerait du ministre de l’Environnement qu’il examine les liens entre la race, la situation socioéconomique et les risques environnementaux, qu’il élabore une stratégie pour remédier au racisme environnemental et qu’il fasse régulièrement rapport des progrès.

À l’instar de la plupart des pays, le Canada devrait reconnaître le droit humain à un environnement sain et légiférer pour protéger les communautés vulnérables contre la pollution et les substances toxiques.

À l’instar de la plupart des pays, le Canada devrait reconnaître le droit humain à un environnement sain et légiférer pour protéger les communautés vulnérables contre la pollution et les substances toxiques.

L’évaluation des effets sur les droits de la personne pourrait permettre d’opérationnaliser les droits environnementaux. Cette approche se fonde sur l’identification, la compréhension et la recherche de solutions aux effets discriminatoires potentiels d’une mesure donnée, ainsi que sur l’engagement à prévenir ses conséquences néfastes sur les droits de la personne. Le processus débute souvent par une mesure aussi simple que la collecte de données pour mieux cerner les dimensions raciales des effets potentiels.

L’Organisation de coopération et de développement économiques recommande cette approche dans son Guide sur le devoir de diligence pour une conduite responsable des entreprises destiné aux sociétés qui font affaire à l’étranger. L’an dernier, le Haut-commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme a adopté des principes directeurs relatifs aux évaluations de l’impact des réformes économiques sur les droits de la personne. Un processus parallèle pour les règles environnementales pourrait faire en sorte que tous bénéficient de mesures de protection environnementale.

Dans leur lettre de mandat, les ministres canadiens de la Santé et de l’Environnement se sont vu confier la responsabilité de « mieux protéger les gens et l’environnement des toxines et d’autres polluants, notamment en renforçant la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) ». En 2020, le renforcement des lois environnementales doit inclure les droits de la personne.

Cette perspective des droits de la personne permettrait d’éliminer un angle mort et d’en faire un élément incontournable du processus décisionnel, en assurant ainsi un environnement sain à tous et à toutes. Elle contribuerait à prévenir le racisme environnemental, alors que le projet de loi de la députée Zann vise à corriger des préjudices antérieurs.

Lorsque le Parlement reprendra ses travaux, les députés devraient en priorité adopter le projet de loi et les amendements de la députée Zann, afin de renforcer la Loi sur la protection de l’environnement, notamment ses clauses sur les droits environnementaux. Les effets inéquitables des dommages environnementaux doivent s’inscrire dans la réflexion sur le racisme systémique. Mais il faut en faire davantage. Il est grand temps d’intégrer la notion des droits de la personne dans le processus décisionnel.

 

Traduction : Monique Joly et Michel Lopez