L’ours polaire est devenu le symbole des conséquences des changements climatiques dans l’Arctique. La glace de mer, qui permet à l’ours de chasser, fond à un rythme en augmentation constante.
Pour d’autres espèces, les effets des changements climatiques ne sont pas aussi directs. Pourtant, le rapport sur l’état des populations d’oiseaux au Canada 2019 révèle que les insectivores aériens, comme le martinet, l’hirondelle rustique et l’engoulevent d’Amérique, ont diminué de 59 pour cent depuis 1970. Parmi les causes de cette baisse, le rapport cite les changements climatiques et la difficulté d’accès aux insectes en raison des conditions météorologiques violentes.
Par ailleurs, selon Lauren Meads, directrice de la Burrowing Owl Conservation Society of B.C., les épisodes météorologiques extrêmes liés aux changements climatiques ont affecté les habitats où sont libérées les chouettes des terriers réadaptées, ce qui nuit à leur capacité de retourner dans leur zone de reproduction l’année suivante.
Ceux et celles qui travaillent à la préservation d’espèces sont convaincus qu’il faut s’attaquer avant tout à la cause première du déclin. Bien que les perturbations climatiques exacerbent la situation de nombreuses espèces, celle de l’ours polaire et de ses voisins arctiques est, dans une certaine mesure, particulière. En effet, le déclin de la plupart des espèces menacées au Canada s’explique en premier lieu par la perte et la dégradation de leur habitat.
Certaines industries utilisent l’évolution de la crise climatique pour faire obstacle à la protection et à la restauration des habitats. Lorsque le secteur forestier a réclamé le report de mesures de restauration nécessaires, arguant la nécessité d’étudier les effets des changements climatiques sur les populations de caribou, certains spécialistes du caribou ont répondu « qu’il existe peu de preuves du rôle des changements climatiques dans la dégradation de la situation du caribou à son niveau actuel et la diminution rapide des populations et du territoire du caribou dans de nombreux endroits. »
Il ne faut pas complètement assimiler l’urgence écologique qui met en péril des espèces à la crise climatique.
Bien qu’il y ait convergence, il ne faut pas complètement assimiler l’urgence écologique qui met en péril des espèces à la crise climatique. L’extinction des espèces est causée par l’absence de limites suffisantes au développement, à l’agriculture et à l’extraction de ressources. La crise climatique est causée par l’absence de limites suffisantes aux émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère.
Cela ne signifie pas que les causes et solutions ne se rejoignent pas.
Un rapport de la Société pour la nature et les parcs du Canada (SNAP) affirme que : « Les activités humaines, notamment l’agriculture industrielle, l’exploitation forestière, l’exploitation minière, les projets hydroélectriques et l’exploration pétrolière et gazière, sont à l’origine de ces deux crises écologiques étroitement interreliées. » On peut également lire dans le rapport Des solutions nature pour le climat que : « La diminution des perturbations humaines dans les écosystèmes du Canada, en particulier dans les milieux humides, pourrait contribuer largement à la réduction des émissions et procurer d’importants avantages pour la biodiversité. »
Ce constat s’applique tout particulièrement en Alberta et dans le nord-est de la Colombie-Britannique où l’exploitation pétrolière et gazière a dévasté l’habitat du caribou et mis en péril la faune et les communautés autochtones qui en dépendent. L’activité industrielle a perturbé 96 pour cent de l’aire de répartition du caribou de Little Smoky et de 70 à 80 pour cent des aires de répartition du caribou boréal de Chinchaga, de la rive ouest de la rivière Athabasca, de la rive est de la rivière Athabasca, du lac Cold, de Nipisi et du lac Slave.
Ces niveaux élevés de perturbation réduisent les probabilités de maintien des populations de caribou à moins de 20 pour cent. Pour augmenter ces probabilités, il faut réduire considérablement la coupe forestière, l’empreinte du développement pétrolier et gazier, et d’adopter des mesures de restauration énergiques.
La protection d’habitats comme la forêt boréale, riche de tourbières, contribuerait également au stockage du carbone.
La protection d’habitats comme la forêt boréale, riche de tourbières, contribuerait également au stockage du carbone.
Le déclin de la faune n’est pas qu’un enjeu écologique. En Colombie-Britannique, dans la vallée de la Peace River, plus des trois quarts du territoire traditionnel des Premières nations de la rivière Blueberry se trouvent à quelques minutes de marche de zones de perturbations industrielles. En mai 2019, ces Nations ont intenté une poursuite contre la province, alléguant que les conséquences cumulatives des activités industrielles, essentiellement pétrolières et gazières, ont grandement affecté les terres et la faune de leur territoire traditionnel et, de ce fait, leurs droits de chasse et de pêche issus de traités.
Bien qu’il existe diverses façons de contrer les deux crises, leurs causes fondamentales — négliger notre devoir de restaurer ce que nous avons détruit, d’encadrer les activités humaines et de prendre les mesures qui s’imposent — sont les mêmes, comme le sont les grandes solutions : reconnaître notre impact sur la planète, assumer nos responsabilités en regard de ces impacts et agir de manière concertée et déterminante. Comme l’indique le rapport de la SNAP, la protection et la restauration des forêts, des tourbières, des prairies et des terres humides peuvent favoriser la biodiversité et la réalisation des objectifs climatiques.
Malgré le découragement que peuvent susciter ces deux crises, nous ne pouvons pas baisser les bras. Nous devons y faire face et changer le cours des choses.
Tous les organismes vivants dépendent d’un climat stable et d’écosystèmes fonctionnels. Notre planète est la seule où l’on retrouve des blaireaux, des libellules… et du chocolat ! Elle vaut la peine que l’on se batte pour elle.
Traduction : Monique Joly et Michel Lopez