L’évolution du territoire et de nos approches de conservation doit s’accompagner d’une évolution de nos structures sociales. La justice climatique et la justice sociale sont étroitement liées. (Photo : K8 via Unsplash)

Nous vivons sur une planète en mutation. Le réchauffement mondial anormalement rapide altère tout, les terres comme les eaux. Les données démontrent que nos émissions de gaz à effet de serre ont déjà atteint un niveau suffisant pour modifier les écosystèmes et leurs composantes. Comme de nombreux gaz, notamment le dioxyde de carbone, demeurent dans l’atmosphère durant des centaines d’années, leurs effets à l’échelle planétaire se feront sentir même si nous stoppons les émissions atmosphériques demain matin.

Face aux catastrophes climatiques, nos approches de conservation évoluent également. Les aires protégées ont d’abord été créées au bénéfice de la population : pour préserver des zones de reproduction d’animaux prisés pour la chasse ou pour optimiser les aires de loisirs. Depuis quelques décennies, les mesures ont davantage visé à préserver l’intégrité écologique des parcs canadiens et à reconnaître le leadership autochtone dans la conservation et la gestion.

Les territoires protégés peuvent s’avérer d’excellents outils d’atténuation des changements climatiques. Les forêts matures, tourbières, océans et marécages abritent d’importants sites de stockage de carbone. Or, la perturbation de ces écosystèmes libère du dioxyde de carbone dans l’atmosphère.

Tout indique que la Terre se réchauffe à un rythme accéléré qui dépasse la capacité de nombreuses plantes et espèces animales à s’adapter. Pour préserver la biodiversité, il a fallu modifier la planification des aires protégées pour répondre à la transformation des habitats causée par le dérèglement climatique.

Cette planification n’est pas nouvelle. Il y a vingt ans, le World Wildlife Fund a publié un guide de résilience aux changements climatiques intitulé « Buying Time : A User’s Manual for Building Resistance and Resilience to Climate Change in Natural Systems », fondé sur l’idée que des mesures de préservation stratégiques pourraient laisser à la nature un certain répit, le temps d’effectuer la transition des combustibles fossiles aux énergies renouvelables.

La question clé : que pouvons-nous faire, outre la réduction rapide de nos émissions de CO2, pour accroître la résilience de ces écosystèmes aux changements climatiques ?

Selon le rapport du WWF, « les changements climatiques sont là, et c’est la nature qui en subit les conséquences en premier. Qu’il suffise d’observer les récifs de corail, les mangroves, les zones arctiques ou les régions montagneuses : partout, les changements climatiques imposent aux écosystèmes un éventail de problèmes complexes et effarants. La question clé : que pouvons-nous faire, outre la réduction rapide de nos émissions de CO2, pour accroître la résilience de ces écosystèmes aux changements climatiques ?

L’équipe du WWF a élaboré trois grandes approches : protéger les aires appropriées, limiter tous les stress non climatiques et mettre en œuvre une gestion et une évaluation stratégique adaptatives. Il faut viser le maintien d’écosystèmes fonctionnels et d’espèces clés. Il faut également réduire d’autres facteurs de stress, notamment les polluants chimiques, la fragmentation des routes et les activités industrielles. Il faut, enfin, évaluer périodiquement les résultats des modes de préservation et les repositionner au besoin.

Récemment, un article paru dans la revue Environmental Research Letters a exploré « la connectivité climatique », des aires de connexion naturelles destinées à favoriser la migration animale et végétale en réponse aux changements climatiques ».

La connectivité climatique analyse diverses stratégies de préservation dans le contexte de la crise climatique, qui s’inscrivent dans l’émergence de nouveaux écosystèmes : augmentation du nombre d’habitats préservés à l’échelle du territoire, ajout de corridors entre les aires protégées, création de petits habitats « tremplins », prise en compte du rythme d’évolution des différents habitats de façon à pouvoir neutraliser les aires en transformation rapide par celles en mutation plus lente, et maintien de points chauds biologiquement riches.

Le principe des corridors de connexion pour relier les aires de conservation se veut un moyen d’assurer à la faune des voies propices à leur parcours de survie. L’article note qu’il est important de s’attacher « aux caractéristiques géophysiques qui favorisent la diversité des microclimats, car ils peuvent atténuer les effets des changements climatiques et, ainsi, assurer aux espèces la possibilité et le temps de suivre les changements climatiques ».

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat a constaté que les changements climatiques affectent et continueront d’affecter de manière disproportionnée les populations pauvres et les plus vulnérables, au Canada et à l’échelle mondiale.

L’évolution du territoire et de nos approches de conservation doit s’accompagner d’une évolution de nos structures sociales. La justice climatique et la justice sociale sont étroitement liées. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat a constaté que les changements climatiques affectent et continueront d’affecter de manière disproportionnée les populations pauvres et les plus vulnérables, au Canada et à l’échelle mondiale.

Les humains font partie intégrante de la nature. Nous formons ce que des spécialistes des sciences sociales appellent un « système écosociologique ». Nous devons aussi faire preuve de résilience dans nos propres vies et soutenir les moins privilégiés que nous, la résilience humaine s’appuyant sur de nombreux facteurs : notre lieu de vie, notre relation à la terre, les structures de soutien gouvernementales à notre disposition, ainsi que nos ressources financières et sociales personnelles.

L’activisme constitue l’une des formes de résilience. Il aide à combattre le découragement. En tant que citoyens canadiens, nous devons contribuer à transformer les structures sociales et économiques, afin de promouvoir la résilience climatique et écologique. Pour cela, il nous faut revendiquer la création d’aires protégées pour contenir le carbone, soutenir les initiatives de préservation des Autochtones, et demander justice pour les personnes déplacées et appauvries par les changements climatiques, à l’intérieur et à l’extérieur de nos frontières.

Traduction : Monique Joly et Michel Lopez