Le 45ème Salon du livre de l’Estrie s’est tenu du 12 au 15 octobre derniers, au Centre de foires de Sherbrooke. La directrice générale de la Fondation David Suzuki (FDS) pour le Québec et l’Atlantique, Sabaa Khan, y a présenté et dédicacé l’ouvrage La nature de l’injustice, Racisme et inégalités environnementales, qui a été écrit sous sa direction et celle de Catherine Hallmich.
« Nous avons créé ce livre pour illustrer la nature systémique, diversifiée et mondialisée des injustices environnementales » a-t-elle déclaré.
L’auteur du chapitre Haro sur les claims miniers, ces instruments de torture coloniale et co-porte-parole de la Coalition Québec meilleure mine, Rodrigue Turgeon, s’est également joint aux conférences organisées dans le cadre de cet événement.
« Écrire ce chapitre était un véhicule tout désigné pour partager nos idées d’amélioration du cadre juridique du secteur minier, qui est profondément injuste au niveau environnemental et raciste à l’égard des peuples autochtones » a-t-il énoncé.
Nous avons créé ce livre pour illustrer la nature systémique, diversifiée et mondialisée des injustices environnementales.
Inégalités systémiques et solutions
Les injustices environnementales se rapportent au fardeau disproportionné vécu par les communautés défavorisées, marginalisées et racialisées face aux préjudices environnementaux, qui sont inhérents à nos lois et à nos institutions de pouvoir.
« Les gens réclament un avenir sécuritaire. Nous avons besoin de solutions radicales, telles que la redistribution des richesses », pointe Sabaa Khan.
Elle cite entre autres le chapitre écrit par Lisa Koperqualuk, traitant des iniquités de santé affectant les Inuits au Nunavik. En effet, ces habitant.e.s de l’Arctique sont exposé.e.s entre deux à onze fois plus aux polluants organiques persistants, que l’on retrouve entre autres dans les cosmétiques.
Les gens réclament un avenir sécuritaire. Nous avons besoin de solutions radicales, telles que la redistribution des richesses.
Le réchauffement climatique est également plus élevé dans cette région, se répercutant directement sur les espèces et la sécurité alimentaire. Cette dernière affecte au moins 50 % des ménages, dont le revenu annuel moyen est de 24 000 $ tandis qu’il est de 34 000 $ dans le reste du Canada.
En outre, le livre offre des pistes de réflexion et de solution. Rodrigue Turgeon pointe notamment le chapitre écrit par Ellen Gabriel, portant sur son rapport au territoire, au colonialisme et à la façon dont elle envisage l’avenir en Amérique du Nord, afin de protéger l’identité de sa nation et de vivre en harmonie avec les autres personnes qui occupent les terres.
« Cet ouvrage est admirable pour la pluralité des visions qu’il offre, ainsi que pour le portrait englobant des différentes réalités qui sont vécues ici, comme ailleurs » commente-t-il.
Améliorer le cadre juridique du secteur minier
Un boom minier sévit sur l’ensemble du Québec, en raison de l’augmentation de la valeur des métaux sur les marchés boursiers et des incitatifs gouvernementaux à l’égard des ressources telles que le lithium, le nickel ou le graphite. En Estrie, l’or mène la course.
Quiconque peut donc acheter un claim minier sur le territoire, sans avoir besoin de consulter les propriétaires et les peuples autochtones au préalable. Or, un titre d’exploration octroie un droit de recherche exclusif de substances minérales durant trois ans.
« Le gouvernement pense encore aujourd’hui que la création d’une mine est la meilleure utilisation que l’on puisse faire du sol », regrette Rodrigue Turgeon.
En plus d’être effectués à la dérobée, ces droits passent avant tout autre aménagement du territoire et sont conséquemment une entrave aux projets d’aires protégées. De plus, ils peuvent avoir des répercussions significatives sur l’identité des peuples autochtones, qui tirent leur essence spirituelle et culturelle de la nature.
« Cet accaparement des ressources se fait sans consultation et sans consentement des personnes directement visées, en raison d’un système inscrit dans nos lois depuis 1864 » explique l’auteur.
Cet accaparement des ressources se fait sans consultation et sans consentement des personnes directement visées, en raison d’un système inscrit dans nos lois depuis 1864.
Dans une perspective de réconciliation, il est indispensable que les instruments internationaux existants soient intégrés dans nos lois et que celles-ci supplantent les projets extractifs sur les territoires des Premières Nations, comme le souligne Rodrigue Turgeon.
Dans ce cadre, la directrice générale pour le Québec et l’Atlantique de la FDS a travaillé avec la communauté autochtone de Kahnawá:ke sur la réforme législative environnementale de cette réserve. Des principes fondamentaux du droit naturel des Mohawks ont ainsi été insérés, tels que l’indivision entre l’être humain et la nature.
De son côté, la mobilisation de la société civile a poussé le gouvernement à organiser une consultation publique au sujet de l’encadrement minier au printemps dernier.
Une demande de révision en profondeur du régime minier a été faite et la ministre des Ressources naturelles et des Forêts, Maïté Blanchette Vézina, a annoncé que la loi sur les mines sera modifiée au début de l’an prochain.