Les bidets, une alternative écologique au papier de toilette?

Toilette moderne de haute technologie avec bidet électronique

Populaires dans de nombreuses régions du monde depuis des centaines d’années, les bidets commencent seulement à gagner en popularité en Amérique du Nord. Pourquoi?

Lorsqu’il s’agit de rendre nos routines quotidiennes plus écologiques, l’impact environnemental des habitudes que l’on a dans la salle de bain est souvent négligé.

Prenons l’exemple du papier hygiénique – omniprésent dans la culture occidentale. Existe-t-il une solution plus écologique? C’est là que le bidet entre en scène.

Le parcours de l’arbre aux toilettes

Le parcours du papier hygiénique commence dans la forêt, bien avant qu’il n’arrive dans une salle de bains. Mais son histoire ne s’arrête pas là. Même après avoir été jeté dans la cuvette des toilettes, il continue à avoir un impact environnemental : coupes à blanc des forêts, changements climatiques à long terme et pollution toxique.

L’impact du papier de toilette sur la forêt boréale

Les arbres sont une ressource renouvelable, mais l’exploitation des forêts primaires (c’est-à-dire celles qui n’ont jamais été perturbées par l’industrie) a des répercussions importantes sur la biodiversité et le climat sur Terre.

L’exploitation forestière fragmente l’habitat, comprime le sol, introduit des maladies et des espèces envahissantes, perturbe les cycles des nutriments, augmente le risque de feux de forêt et entraîne souvent la destruction des forêts anciennes. Les forêts sont également des puits de carbone, ce qui signifie qu’elles absorbent et stockent plus de dioxyde de carbone de l’atmosphère qu’elles n’en rejettent.

L’utilisation la plus consternante des arbres est la fabrication de produits jetables comme le papier hygiénique.

En 2019, le Natural Resource Defense Council (NRDC) a publié Le problème des mouchoirs en papier : Comment les Américain.e.s jettent les forêts aux toilettes (The Issue with Tissue: How Americans Are Flushing Forests Down the Toilet). Il est expliqué comment les grands fabricants américains de produits en papier contribuent à la dégradation de l’environnement en utilisant des fibres provenant de forêts primaires pour fabriquer des produits à usage unique. Chaque année, l’industrie forestière canadienne dégrade près d’un demi-million d’hectares de forêt boréale (le « poumon du Nord »), essentielle pour le climat et riche en carbone – en partie pour répondre à la demande américaine de papier hygiénique! – ce qui a un impact dévastateur sur le climat dans le monde entier.

En 2020, le NRDC a publié Le problème des mouchoirs 2.0 (The Issue with Tissue 2.0), notant les changements dans le paysage industriel. En 2022, il a publié un tableau de bord actualisé (en anglais) pour refléter l’urgence croissante avec laquelle les scientifiques appellent à la protection des forêts primaires. Le tableau de bord 2022 fournit un aperçu de la durabilité du marché du papier hygiénique, des essuie-tout et des mouchoirs en papier, révélant quelles entreprises adoptent des produits respectueux du climat et lesquelles continuent d’alimenter la dégradation des forêts et les changements climatiques.

L’exploitation forestière contribue aussi au déclin du caribou boréal, qui a besoin de vastes étendues de forêts intactes pour se déplacer. Actuellement inscrit sur la liste des espèces menacées d’extinction en vertu de la Loi sur les espèces en péril, le caribou boréal est une « espèce parapluie », donc la protection de son habitat profite à d’autres espèces sauvages.

Les impacts de l’exploitation forestière pour le papier hygiénique sont aussi ressentis par les communautés autochtones. Le film documentaire An Issue with Tissue, sorti en 2023, rassemble les connaissances de plus de 50 aîné.e.s, écologistes et scientifiques autochtones pour raconter l’histoire complexe de l’impact de l’industrie du papier hygiénique sur la postérité de la plus grande forêt intacte du monde.

La production de papier de toilette

La fabrication de papier hygiénique utilise de l’énergie et de l’eau, y compris pour la découpe, le dépulpage, le blanchiment et le séchage.

Des « produits chimiques éternels » dans le papier de toilette

Le papier de toilette contient des substances perfluoroalkyles et polyfluoroalkyles (PFAS), souvent appelées « produits chimiques éternels » parce qu’elles ne se décomposent pas facilement. Parce qu’elles résistent à l’eau, aux taches et à la chaleur, les PFAS sont utilisées dans toute une gamme de produits industriels, commerciaux et de santé personnelle. Elles sont liées à des problèmes de santé importants, tels que le cancer, et peuvent nuire aux fonctions reproductives, immunitaires et cognitives de l’être humain. Les PFAS présentes dans le papier de toilette peuvent continuer à contaminer le système d’eau après que la chasse d’eau a été tirée et que le papier a été envoyé dans les stations d’épuration. Les marques qui utilisent du papier recyclé contiennent autant de PFAS que celles qui n’en utilisent pas.

Un lavabo et un bol de toilettes dans une salle de bain

Ce qu’il ne faut pas jeter dans les toilettes

Un grand nombre de choses ne peuvent être jetées dans les toilettes. Protégez les sources d’eau, la vie aquatique et les écosystèmes – une chasse d’eau à la fois.

Apprenez-en plus sur ce qui peut être jeté ou non

Tabous autour des toilettes : pratiques culturelles d’hygiène

Tout au long de l’histoire, l’être humain a utilisé une variété d’outils et de matériaux naturels pour se nettoyer, des éponges sanitaires traditionnelles aux pierres en passant par les coquillages et les fourrures d’animaux. Les coutumes locales, le climat et la hiérarchie sociale ont eu un impact sur les habitudes d’hygiène – dont certaines existent encore aujourd’hui.

La culture et les coutumes jouent aussi un rôle dans la manière dont nous parlons des habitudes aux toilettes. Les tabous peuvent limiter les discussions sur leur impact environnemental et empêcher les gens d’adopter de nouvelles pratiques écologiques.

Les attitudes culturelles ont été amplifiées au début de la pandémie de COVID-19 lorsque les gens ont rapidement vidé les étagères des magasins de papier de toilette, révélant ainsi le rôle sociétal important du papier hygiénique. Il est temps de changer cela!

L’histoire des bidets

Les bidets sont des cuvettes munies d’une arrivée d’eau qui servent à laver des parties du corps. Populaires dans de nombreuses régions du monde depuis des centaines d’années, ils commencent seulement à gagner en popularité en Amérique du Nord. Pourquoi?

La première référence écrite connue au bidet remonte à 1710 en France.

Le nom vient du mot français pour « poney », une allusion ludique au fait que la cuvette doit être chevauchée lorsqu’elle est utilisée. Cependant, il a aussi pris ce surnom parce que la royauté utilisait le bidet pour se laver après une promenade à cheval. Les bidets étaient répandus dans la haute société, mais tout au long des années 1800, et avec l’introduction de la plomberie intérieure, un « boom des bidets » s’est produit. Bientôt, d’autres classes sociales en France et dans d’autres pays d’Europe occidentale, d’Amérique latine, du Moyen-Orient et d’Asie ont commencé à adopter cette pratique d’hygiène à leur manière.

Malgré leur popularité mondiale, les bidets étaient associés au sexe et au scandale aux États-Unis et en Grande-Bretagne. Les différentes formes de douches intimes étaient supposées prévenir les grossesses, donc les bidets étaient perçus comme une forme de contrôle des naissances.

Bien que cette notion soit aujourd’hui dépassée, il y a encore en Amérique du Nord une stigmatisation et une crainte répandues selon lesquelles les bidets ne sont pas aussi « hygiéniques ou efficaces » que le papier hygiénique. Ce n’est pas le cas. Les bidets restent un élément essentiel de la salle de bains en Europe continentale, au Japon, au Venezuela et en Argentine. Leur popularité ne cesse de croître dans le monde entier.

Le bidet classique est un équipement miniature, semblable à une petite baignoire, situé à côté des toilettes, avec des robinets à une extrémité. Vous pouvez encore voir des bidets de style classique dans les hôtels et les bâtiments anciens d’Europe et d’Amérique du Sud. Mais les bidets ont énormément évolué grâce à l’innovation technologique. Les nouvelles itérations technologiques ont également rendu les bidets beaucoup plus abordables. Vous pouvez désormais acheter un bidet semi-discret (que vous pouvez installer sur la cuvette de vos toilettes) pour seulement 40 dollars.

Les bidets sont-ils une option plus écologique?

Oui!

Les bidets peuvent éliminer complètement le besoin de papier hygiénique. Quoique certaines personnes puissent encore utiliser du papier de toilette pour se sécher, elles en utiliseront beaucoup moins. Et une petite serviette peut tout aussi bien faire l’affaire!

Un mythe répandu à propos des bidets est qu’ils gaspillent de l’eau – une quantité en réalité insignifiante comparée à la quantité d’eau utilisée pour produire du papier de toilette. Kai Chan, de l’Institute for Resources, Environmental and Sustainability de l’université de Colombie-Britannique, a déclaré : « quoique le bidet utilise un peu plus d’eau à la source, c’est absolument négligeable par rapport à l’eau qui servirait à fabriquer le papier hygiénique ».

Les obstacles aux bidets

Malheureusement, les bidets pourraient ne pas être une solution réaliste pour tout le monde. Voici quelques raisons :

  • Le coût : Le coût initial d’un bidet ou d’un accessoire de bidet est plus élevé que celui du papier de toilette. Même s’ils sont devenus beaucoup plus abordables grâce à l’innovation technologique, cela ne signifie pas que tout le monde peut s’en acheter un. Ils sont rentables avec le temps, car vous utilisez moins de papier hygiénique.
  • L’installation : Selon le modèle, l’installation d’un bidet peut être un processus complexe qui nécessite de faire appel à un.e professionnel.le. Les accessoires de bidet plus simples peuvent également avoir des limitations en fonction de la taille de votre cuvette de toilette et de l’accès au tuyau d’alimentation en eau.
  • Le manque de disponibilité : Si vous vivez dans une communauté rurale ou plus isolée, il se peut que les bidets et les accessoires de bidet ne soient pas disponibles ou ne puissent pas être expédiés.
  • L’accès à l’eau : Tout le monde n’a pas un accès constant à l’eau potable. Les bidets doivent être raccordés à l’alimentation en eau de vos toilettes. Si cet accès est limité, le bidet n’est pas pratique.

Les alternatives au papier de toilette et aux bidets

Chaque toilette, chaque personne et chaque salle de bains ont des besoins différents. Quelle que soit votre situation, vous pouvez quand même prendre des décisions bonnes pour l’environnement.

Si vous n’êtes pas prêt.e ou capable de renoncer au papier de toilette, choisissez des produits qui ne contiennent pas de fibres d’arbres vierges (mais vous serez tout de même exposé.e aux PFAS). L’Environmental Paper Network signale que le papier hygiénique fabriqué à partir d’arbres a trois fois plus d’impact sur le climat que le papier hygiénique fabriqué à partir de matériaux recyclés. Optez pour du papier de toilette fabriqué à partir de matériaux recyclés après consommation ou d’autres matériaux (par exemple, le bambou).

Voici quelques autres options respectueuses de l’environnement pour répondre à l’appel de la nature :

  • Le papier de toilette lavable. Généralement fabriqué en coton biologique. Gardez une poubelle avec couvercle à côté de vos toilettes pour les stocker après utilisation et jetez-les dans la laveuse lorsqu’elle est pleine. C’est l’idéal pour une utilisation en combinaison avec un bidet.
  • Une bouteille d’eau. Fabriquez votre propre bidet portatif. Découpez un petit trou dans le bouchon pour créer un jet d’eau concentré. (Apprenez à reconnaître les matières plastiques!)
  • Les feuilles de molène. Communément appelées « le papier de toilette de la nature », ces feuilles douces et très absorbantes se trouvent presque partout en Amérique du Nord. Pensez à vous en procurer et à en emporter pour vos aventures dans la nature.
  • Le papier. En cas d’urgence, rassemblez de vieux journaux, du papier brouillon et des pages d’annuaire téléphonique et trempez-les légèrement dans l’eau pour les ramollir. Ne les jetez pas dans les toilettes.

L’équipement de salle de bains le plus respectueux de l’environnement est la toilette sèche (ou « à compost »). Bien qu’elles ne soient pas accessibles ou pratiques pour tout le monde (en raison du prix, de l’installation, etc.), les toilettes sèches gagnent en popularité en tant que solution sans eau et sans odeur pour les maisons hors réseau et les propriétaires d’auto-caravanes. Elles ne nécessitent pas de raccordement à la plomberie, à une fosse septique ou à un égout. Les toilettes « à compost » collectent les déchets humains et les transforment en compost ou en matière riche en nutriments. (Ne l’utilisez pas pour nourrir votre potager ou d’autres plantes comestibles.)