Vue aérienne d'une usine chimique

La commodité offerte par ces produits chimiques ne vaut pas les dangers importants et durables qu’ils représentent. (Photo: Tom Fisk via Pexels)

Des dizaines de milliers de produits chimiques dangereux inondent quotidiennement le marché mondial. Nous ne savons pas vraiment comment la plupart d’entre eux affectent la santé humaine et l’environnement.

La recherche scientifique a toutefois démontré que leur dispersion à grande échelle cause des problèmes de santé importants, y compris une « pandémie silencieuse de toxicité neurodéveloppementale » – c’est-à-dire qu’ils affectent le système nerveux humain tout au long de la vie des personnes exposées, même avant la naissance. L’exposition peut entraîner des troubles du déficit de l’attention avec hyperactivité, la dyslexie, le cancer, des dommages au système reproducteur et immunitaire, et plus encore.

Les produits chimiques sur lesquels nous comptons dans notre vie quotidienne provoquent également des déclins « catastrophiques » des populations d’oiseaux et de pollinisateurs, entre autres.

La mondialisation du commerce et des chaînes d’approvisionnement fait en sorte qu’il est difficile de cartographier la variété de substances toxiques que les produits manufacturés peuvent contenir. En raison des multiples niveaux de sous-traitance répartis sur plusieurs continents et des protections juridiques sur les informations commerciales confidentielles, il est souvent difficile de savoir de manière exacte de quoi sont composés de nombreux produits, d’où ils proviennent et quels sont les risques qu’ils présentent. De nombreuses multinationales ne sont pas en mesure d’assurer une traçabilité approfondie de leurs chaînes d’approvisionnement.

La recherche scientifique a toutefois démontré que leur dispersion à grande échelle cause des problèmes de santé importants.

Les substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées, ou PFAS – souvent appelées « produits chimiques éternels » parce qu’elles ne se décomposent pas facilement – sont utilisées dans une vaste gamme de produits industriels, commerciaux et de santé personnelle, des ustensiles de cuisine aux vêtements en passant par les matériaux de construction, en partie en raison de leurs propriétés de résistance à l’eau et aux taches.

Non seulement ces substances prennent beaucoup de temps à se dégrader dans l’environnement, mais elles parcourent aussi de longues distances dans l’air et dans l’eau, et elles ont été détectées dans l’environnement, les animaux et les humains dans presque toutes les régions du monde. Aux États-Unis, une étude en a trouvé dans le sang de 97 % des personnes testées.

Comme d’autres polluants organiques persistants, les PFAS s’accumulent dans la région arctique, causant des dommages toxiques disproportionnés aux communautés éloignées des chaînes de production et de consommation des PFAS.

Des études remontant aux années 1960 ont révélé que ces substances étaient nocives, ce qui a finalement mené à l’élimination progressive de plusieurs d’entre elles. Mais, comme cela a été le cas tout au long de notre historique d’utilisation des produits chimiques, ceux-ci sont souvent remplacés par d’autres produits chimiques de synthèse qui présentent des risques similaires pour la santé humaine et environnementale.

La présence de produits chimiques éternels dans les plans d’eau et de « biosolides » – matières organiques issues du traitement des eaux usées et utilisées comme engrais pour le sol – a causé des dommages importants aux communautés d’agriculteurs et de pêcheurs aux États-Unis, ce qui a donné lieu à une avalanche de litiges et à une réglementation plus stricte dans un certain nombre de juridictions. La récente révélation concernant l’exportation de biosolides contaminés des États-Unis vers le Canada a suscité des inquiétudes quant au fait que nous ayons pris du retard par rapport aux autres juridictions dans la réglementation de ce risque intergénérationnel, étendu et actuellement incontrôlé pour la santé publique.

L’Union européenne étudie actuellement une proposition visant à interdire plus de 10 000 PFAS, et les États-Unis renforcent également les mesures visant à lutter contre la contamination par les PFAS et à restreindre leur utilisation. Il est crucial que les gouvernements fédéral et provinciaux du Canada comblent notre énorme retard réglementaire. Bien que le gouvernement fédéral soit compétent en matière de substances toxiques et qu’il se soit engagé à élaborer un rapport sur l’état des lieux des PFAS qui devrait être publié cette année, les gouvernements provinciaux ont également un rôle primordial à jouer dans les domaines relevant de leur compétence, par exemple en ce qui concerne la gestion des bassins versants et des déchets, les rejets d’effluents industriels et la salubrité de l’eau potable.

Il est crucial que les gouvernements fédéral et provinciaux du Canada comblent notre énorme retard réglementaire.

Le récent sommet international sur la biodiversité, la COP15, qui s’est tenue à Montréal, a souligné la nécessité de réduire la pollution due aux produits chimiques hautement dangereux, une finalité incluse dans l’objectif 7 de l’accord global qui a été conclu. Les gouvernements fédéral et provinciaux doivent accélérer leur action en matière de réglementation et de restriction des PFAS afin de protéger la santé publique et environnementale contre ces substances dangereuses qui ont été commercialisées à grande échelle sans tenir compte des dommages durables qu’elles causent.

Nos cadres juridiques actuels de gouvernance des risques chimiques se sont avérés inefficaces et incapables de suivre la vitesse à laquelle de nouvelles substances sont introduites sur le marché. La réalité est que les cadres de gouvernance des produits chimiques ont été guidés principalement par des objectifs économiques, et non par des préoccupations environnementales ou de santé publique. En fin de compte, nous avons besoin d’une autre vision de la gouvernance du risque chimique, une vision qui non seulement intègre, mais donne la priorité aux principes et objectifs environnementaux, tels que l’équité intergénérationnelle et les préoccupations communes de l’humanité.

Donner la priorité au profit et à la croissance économique, au détriment de la santé humaine et de l’environnement, est un mode de vie à courte vue et de plus en plus coûteux qui menace notre survie même. La commodité offerte par ces produits chimiques ne vaut pas les dangers importants et durables qu’ils représentent. Il est temps de faire en sorte que les produits chimiques « éternels » appartiennent au passé.