Face à l’incertitude, la nature apporte réconfort et subsistance. (Photo: Tory Johnson via Unsplash)

Pour bon nombre, la pandémie a été l’occasion de renouer avec le besoin inné de reconnecter avec la nature. Les gens se sont mis à cultiver sur les rebords de fenêtre, dans les arrière-cours et les jardins communautaires. Ils ont préparé le levain pour leur pain et sont sortis marcher, courir, nager et faire du vélo.

Face à l’incertitude, la nature apporte réconfort et subsistance. Des études ont démontré que le temps passé en forêt — ou même simplement à regarder des arbres ou des photos d’arbres — renforce le système immunitaire, réduit le stress, améliore l’humeur, la capacité de concentration et la qualité du sommeil, en plus d’accroître le niveau d’énergie.

C’est pourquoi nous devons prendre conscience de la façon dont nous parlons du monde naturel. Selon Steven Nitah, ancien chef élu de la Première nation dénée Lutsel K’e et quatre fois membre de l’Assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest, un changement de discours contribuerait à mieux comprendre ce monde. « Nous devons revoir nos plans d’utilisation du territoire pour en faire des plans de relations avec le territoire. » Il nous incite à réinventer et à réorienter notre relation à la nature, afin de gérer l’abondance dans une optique de réciprocité, et de reconnaître notre responsabilité à l’égard de la terre, de l’eau et de l’air.

Notre société continue d’excéder les limites biologiques du territoire, augmentant ainsi l’exposition collective au risque de notre espèce. Face au dérèglement climatique, notre refus de restreindre nos émissions de carbone met en danger notre bien-être et notre survie.

Dans son essai, The year America melted down, Omar El Akkad observe que « le port du masque a été politisé, tout comme l’ont été les tueries dans les écoles et les changements climatiques, et que toute mesure de survie communautaire au détriment du profit individuel sera aussi inévitablement politisée ».

Les droits individuels n’ont d’importance que s’ils s’inscrivent dans l’intérêt commun et dans la responsabilité de chacun.

Des choses qui ne devraient pas être politisées le sont, mais El Akkad soutient que les luttes se poursuivent autour d’enjeux qui opposent les droits individuels et la défense de l’intérêt commun. Pourtant, les droits individuels n’ont d’importance que s’ils s’inscrivent dans l’intérêt commun et dans la responsabilité de chacun.

En cette période de multiplication des crises — pandémie, racisme aliénant, inégalités croissantes et escalade des risques climatiques — nous n’avons plus le loisir d’écouter les défenseurs de l’intérêt individuel ou ceux qui affirment, à tort, que les avantages consentis aux riches et puissants « ruisselleront » sur le reste de la population. Au Canada, les familles qui se situent dans le 0,5 pour cent des plus fortunées détiennent 20,5 pour cent de la richesse — soit 2,4 billions $ — et l’inégalité des revenus ne cesse de croître. 

Si, comme l’affirme El Akkad, la polarisation s’accentue entre ceux qui défendent le droit individuel aux profits et ceux qui préconisent la responsabilité collective à l’égard de la population et de la planète, nous devons poser des gestes clairs en faveur de l’équité, de l’inclusion et de relations plus équilibrées avec le monde naturel.

Nous avons la possibilité d’investir dans un avenir meilleur. Pourquoi ne pas emprunter cette voie ? Qu’est-ce qui nous en empêche ?

Pour envisager de nouvelles façons de faire et pour agir différemment, il nous faut créer ensemble des scénarios possibles et valables.

Dans son livre Braiding Sweetgrass : Indigenous Wisdom, Scientific Knowledge and the Teachings of Plants, Robin Wall Kimmerer, ethnobotaniste, professeure et membre de la Citizen Potawatomi Nation, nous encourage à considérer le monde comme un cadeau. L’humilité, soutient-elle, nous aidera à faire de meilleurs choix.

Nous devons faire revivre les récits anciens ancrés dans leurs lieux et commencer à en écrire de nouveaux. Nous ne sommes pas de simples conteurs ; nous sommes aussi des créateurs.

Les récits ont toujours aidé les humains à comprendre le monde. Pour Kimmerer, ce sont des outils efficaces pour restaurer le territoire et les liens que nous entretenons avec lui.

« Nous devons faire revivre les récits anciens ancrés dans leurs lieux et commencer à en écrire de nouveaux. Nous ne sommes pas de simples conteurs ; nous sommes aussi des créateurs. »  Nous avons la capacité de raconter des récits différents qui contribuent à rétablir nos liens et à faire en sorte que nous travaillions dans l’intérêt de tous.

Bien que nous puissions tous tirer avantage de la sagesse des récits des peuples autochtones, Kimmerer met en garde contre l’appropriation généralisée. Nous devons nous inspirer des récits anciens pour nourrir un discours plus équilibré sur les relations entre les gens, les lieux et la planète.

Le choix n’est pas aussi complexe que certains le croient. Nous pouvons choisir l’humilité, l’entraide et la sagesse inspirées du savoir des peuples autochtones, des scientifiques et des experts, et assumer nos responsabilités à l’égard des autres et de la Terre en agissant de manière à créer un avenir meilleur pour tous et toutes. Ou alors nous pouvons continuer comme avant, tout en sachant que les crises auxquelles nous sommes confrontés ne feront que s’aggraver.

La capacité de l’humanité à emprunter la première voie repose sur les valeurs que nous adoptons, les récits que nous nous racontons et la force des liens que nous choisissons de tisser avec les autres et avec la Terre.

DEMANDEZ À OTTAWA DE SOUTENIR UNE RELANCE VERTE !

 

Traduction : Monique Joly et Michel Lopez