Katsi’tsakwas Ellen Gabriel, militante des droits des Autochtones et de la protection de l’environnement

Katsi’tsakwas Ellen Gabriel, militante des droits des Autochtones et de la protection de l’environnement (Photo : Alan Lissner)

Interconnectivité, entrecroisement, interdépendance, interrelation — autant de termes utilisés pour décrire les attributs des droits de la personne. Ces principes complètent les philosophies autochtones dont les enseignements nous rappellent que nous ne sommes pas distincts du monde naturel et que nous sommes liés les uns aux autres — toutes les entités humaines et non humaines. Il s’agit de termes qui reflètent une prise de conscience de tous les aspects nécessaires pour comprendre et promouvoir les droits de la personne : lorsqu’un droit est violé, tous les droits sont violés.

Porteuses de vie, gardiennes du savoir et décideuses, les femmes autochtones connaissent l’importance de cette approche holistique pour cultiver notre lien avec la nature (notre Terre-Mère), l’importance de l’eau et l’importance des cérémonies. Les enseignements traditionnels nous rappellent notre rôle dans la protection des eaux et des terres, qui fait partie de nos obligations envers les générations passées, actuelles et futures.

Notre lien avec l’environnement, à savoir cultiver une relation avec la terre, représente un principe clé de nos philosophies et de nos enseignements traditionnels. Le bien-être des peuples passe par une harmonie avec la nature. L’importance d’honorer les terres et les eaux par une utilisation respectueuse de leurs ressources, des cérémonies et des chants est une tradition bien ancrée qui n’a pas été oubliée malgré le projet de colonisation génocidaire. Tandis que notre culture et notre langue étaient contraintes à la clandestinité, notre savoir traditionnel était préservé par des femmes et des hommes courageux.euses qui protégeaient l’environnement. Selon un rapport des Nations unies sur les changements climatiques, on considère maintenant ce fait comme l’un des facteurs clés pour survivre à la crise climatique1.

Les organismes dirigés par des femmes, des universitaires et des militant.e.s de première ligne autochtones — ou défenseurs.euses des terres — incitent désormais le public et les décideurs.euses politiques à protéger l’environnement. En même temps, le système colonial des conseils de bande est toujours en place, sous la domination du gouvernement fédéral canadien par l’intermédiaire du ministère des Affaires autochtones et du Nord Canada2. Le système lacunaire des conseils de bande3 demeure l’une des causes profondes de la dépossession territoriale des peuples autochtones en raison des lois et politiques coloniales qui ouvrent la voie au racisme systémique.

Pour décoloniser, nous devons donc rétablir le respect des rôles et des pouvoirs des femmes autochtones, ce qui aidera les peuples autochtones à jouir entièrement de leurs droits fondamentaux.

Pour décoloniser, nous devons donc rétablir le respect des rôles et des pouvoirs des femmes autochtones, ce qui aidera les peuples autochtones à jouir entièrement de leurs droits fondamentaux.

Les livres d’histoire du Canada contiennent des discours coloniaux patriarcaux qui sont l’une des principales causes de la marginalisation des femmes autochtones. Les versions biaisées des événements historiques contribuent délibérément à l’effacement des contributions des femmes autochtones dans l’histoire. Les efforts des militantes et des universitaires autochtones pour corriger ces discours se sont heurtés à la résistance des gouvernements, qui sont essentiellement les protecteurs du projet de colonisation. Malgré les nombreux rapports4 qui révèlent les crimes contre l’humanité perpétrés par les entités coloniales, on combat farouchement et efficacement toute menace au discours colonial.

Depuis l’arrivée des Européen.ne.s, les enjeux de pouvoir et d’économie sont à l’origine de la dépossession des terres et des ressources des peuples autochtones. Le projet de colonisation génocidaire des fondateurs canadiens voulant faire disparaître le « problème indien » a échoué.

Aujourd’hui, les femmes autochtones s’expriment d’une voix plus forte et remettent en question le discours colonial qui les présente comme des victimes. Courageuses et défiantes, elles se placent en première ligne malgré le risque d’être brutalisées par les forces paramilitaires et militaires (une constante tout au long de l’histoire de la dépossession territoriale des peuples autochtones au Canada).

Aujourd’hui, les femmes autochtones s’expriment d’une voix plus forte et remettent en question le discours colonial qui les présente comme des victimes. Courageuses et défiantes, elles se placent en première ligne malgré le risque d’être brutalisées par les forces paramilitaires et militaires

On a cru « anormale » la résistance des peuples autochtones face au projet colonial5 et les entités canadiennes s’y opposaient par une surveillance constante, des tactiques de division pour mieux régner, la coercition et la criminalisation des défenseurs des terres. Comme la majorité des infrastructures essentielles du Canada appartiennent à des sociétés privées6, les défenseurs.euses des terres autochtones ont été considéré.e.s comme des dangers pour l’économie et la sécurité du pays.

Les manifestations restent le seul moyen de résistance pacifique face aux gouvernements qui sont constamment influencés par l’opinion de leurs électeurs.trices. Cette praxis coloniale sur laquelle le Canada fonde sa relation avec les peuples autochtones est, essentiellement, une relation autoritaire.

Aujourd’hui, la coercition et les tactiques de division pour mieux régner prédominent. Les critères et lois coloniales qui violent les droits de la personne font entrave au développement de solutions différentes aux enjeux fonciers de longue date. L’interprétation unilatérale de la « primauté du droit » contraint les peuples autochtones à engager des procès coûteux tandis que le système judiciaire appuie le racisme systémique et la dépossession territoriale.

Dans un effort de décolonisation, les femmes autochtones reprennent la place qui leur revient en réaffirmant leur rôle important et égalitaire de décideuses. Elles protègent nos droits à l’autodétermination et à l’environnement. Des hommes de nos communautés savent que la décolonisation signifie un monde dans lequel le genre n’est plus un problème — un monde où nous travaillons ensemble pour survivre à la crise climatique.

Malheureusement, l’un des plus grands défis pour les femmes est l’influence patriarcale qui est enracinée dans la société contemporaine et maintenue par la Loi sur les Indiens.

Les processus de prise de décision dans les réserves ne sont aucunement inclusifs, à moins que la communauté ne dispose d’une bonne structure de gouvernance. Sans quoi, le statu quo où les sociétés passent des coups de fil aux conseils de bande permet aux projets coloniaux de progresser.

Dans un effort de décolonisation, les femmes autochtones reprennent la place qui leur revient en réaffirmant leur rôle important et égalitaire de décideuses. Elles protègent nos droits à l’autodétermination et à l’environnement. Des hommes de nos communautés savent que la décolonisation signifie un monde dans lequel le genre n’est plus un problème — un monde où nous travaillons ensemble pour survivre à la crise climatique.

Les femmes autochtones continuent de contester le système patriarcal et raciste instauré par la Loi sur les Indiens. Nos nations continuent de vivre sur des parcelles de terre de plus en plus petites, mais nous résistons. Nos cœurs et nos esprits pleurent également les milliers d’enfants autochtones qui ne sont jamais revenus des pensionnats. De plus en plus de communautés autochtones découvrent les corps d’enfants dans des tombes anonymes et notre détermination à ce que ces événements ne se reproduisent plus jamais reste solidement ancrée dans nos traditions. C’est un pilier de notre résilience.

Le racisme systémique passé et actuel contrecarre les efforts des peuples autochtones et de leurs allié.e.s. Alors que nos territoires ancestraux sont cédés à des ressortissant.e.s étrangers.ères, le racisme systémique leur offre la protection de l’État de sécurité au Canada.

Bien que ces obstacles semblent insurmontables, nous gardons espoir.

Nous le devons, car des jeunes, des enfants et des vies qui n’ont pas encore vu le jour comptent sur nous pour créer un monde meilleur où le racisme systémique sera éradiqué. Notre rêve est de travailler avec d’autres pour laisser un héritage positif — une société qui vit en harmonie avec la nature de façon durable, ce pour quoi les femmes autochtones et leurs nations ont toujours œuvré.

En tant que femmes, nous devons nous soutenir les unes les autres et tout le monde doit se soutenir mutuellement. Nous sommes tous et toutes lié.e.s. Nous sommes tous et toutes touché.e.s par le patriarcat. Nous avons tous et toutes besoin que la société fasse partie de la solution face à l’aggravation de la crise climatique que nous traversons déjà. Nous avons tous et toutes besoin du soutien de chacun et chacune pour concrétiser la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, pour appuyer et compléter les traditions orales autochtones sur la manière de vivre en paix avec notre prochain, avec toutes nos relations et avec notre Terre-Mère.

Appuyez la première loi canadienne sur le racisme environnemental!

Notes

1 « […] les peuples autochtones interprètent les changements climatiques et réagissent à leur impact de façon créative, en s’appuyant sur les connaissances traditionnelles et d’autres technologies pour trouver des solutions qui pourraient aider l’ensemble de la société à faire face aux changements qui nous guettent. » https://www.un.org/esa/socdev/unpfii/documents/backgr_climatech_fr.pdf
2 Affaires autochtones et du Nord Canada, anciennement Affaires indiennes et du Nord Canada.
3 Concept du colonialisme de peuplement, le conseil de bande a été conçu pour renverser les formes traditionnelles de gouvernance autochtone et est appliqué en vertu de la Loi sur les Indiens, une loi raciste.
4 Commission royale sur les peuples autochtones, 1996; Commission de vérité et de réconciliation, 2015; rapport de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, 2019.
5 Policing Indigenous Movements: Dissent and the Security State, Andrew Crosby et Jeffrey Monaghan, Fernwood Publishing, Halifax et Winnipeg, 2018, p. 9.
6 Ibid., p. 74.