De nombreux politiciens veulent être perçus comme des gens d’action, à condition que cela ne nuise pas à leurs chances de réélection, plutôt que d’oser prendre des mesures dont les effets ne sont pas toujours immédiats. (Photo : Chris Yakimov via Flickr)

Les élections sont terminées, mais le temps n’est pas au triomphalisme. Les électeurs canadiens — et de nombreux citoyens trop jeunes pour voter — ont exigé que les politiciens prennent les perturbations climatiques au sérieux. Les partis et les candidats ont écouté et, pour la première fois, le climat est devenu un enjeu électoral de premier plan. Maintenant, nous devons nous assurer qu’ils s’unissent pour tenir leurs promesses et être à la hauteur de leurs ambitions.

Nous devons faire preuve de vigilance envers les élus de tous les partis, afin de contrer leur propension à se concentrer sur ce qui leur profitera le plus avant les prochaines élections plutôt que de tenter sérieusement d’endiguer un problème qui deviendra une catastrophe à plus long terme si nous n’agissons pas avec détermination. C’est une faiblesse inhérente à nos systèmes politiques. De nombreux politiciens veulent être perçus comme des gens d’action, à condition que cela ne nuise pas à leurs chances de réélection, plutôt que d’oser prendre des mesures dont les effets ne sont pas toujours immédiats.

Nous n’avons plus de temps à perdre avec les jeux politiques et les batailles d’égo. Les scientifiques nous ont avertis qu’il nous reste un peu plus d’une décennie pour réduire les émissions au niveau où elles n’entraîneront pas un réchauffement de la planète au cours des années à venir.

Tous les grands partis avaient un plan pour le climat dans leur plateforme électorale, mais aucun n’est allé assez loin. Même si le nouveau gouvernement adoptait les meilleures idées des autres partis, les failles de notre système économique et politique pourraient nous empêcher d’apporter les changements nécessaires. Parmi ces failles figure le cycle électoral. C’est en partie lui qui cantonne les politiciens et les gouvernements dans le statu quo et leur fait craindre les politiques audacieuses et transformatrices dont le pays et le monde ont tant besoin en cette période de crise climatique.

Chaque jour qui passe sans mesures décisives rend de plus en plus difficile la lutte contre le réchauffement de la planète. Pourtant, les avantages de cette lutte vont bien au-delà du maintien de la viabilité de la planète pour les humains et les autres espèces — une raison d’agir déjà suffisante en soi. Curieusement, certains prétendent que la protection de ce qui nous assure vie et santé n’est pas économiquement viable. Ils placent un système récent échafaudé par l’humain dans des conditions très différentes de celles d’aujourd’hui, au-dessus des systèmes naturels qui assurent ce qui nous est vital : de l’air à l’eau en passant par la nourriture.

Au cours des prochaines décennies, on prévoit que les mesures pour réduire les changements climatiques coûteront beaucoup moins cher que les dommages qui seraient occasionnés par ces changements climatiques aux populations, infrastructures et écosystèmes.

Ce constat démontre clairement que nos systèmes économiques sont inadéquats et qu’ils devraient être modifiés pour s’adapter à la réalité d’aujourd’hui. Mais même dans le contexte économique actuel, agir pour ralentir et arrêter le réchauffement catastrophique nous rapportera de nombreux dividendes. Une récente étude publiée dans Science par un groupe international de scientifiques conclut que : « Au cours des prochaines décennies, on prévoit que les mesures pour réduire les changements climatiques coûteront beaucoup moins cher que les dommages qui seraient occasionnés par ces changements climatiques aux populations, infrastructures et écosystèmes. »

Un rapport publié à peu près à la même époque par la Commission mondiale sur l’adaptation, qui regroupe des dirigeants du monde des affaires, des sciences et de la politique, fait écho à ce constat. Il met l’accent sur l’adaptation aux conséquences désormais inévitables des perturbations climatiques, mais n’écarte pas la nécessité d’empêcher la crise de s’aggraver.

« L’adaptation n’est pas une alternative aux efforts soutenus pour contrer les changements climatiques, mais un complément essentiel. L’absence d’initiatives en adaptation entraînera une énorme augmentation de la pauvreté et compromettra gravement les perspectives économiques mondiales à long terme », selon Adapt Now : A Global Call for Leadership on Climate Resilience.

Les chercheurs concluent qu’un « investissement mondial de 1,8 billion de dollars dans cinq domaines entre 2020 et 2030 pourrait générer un total de 7,1 billions de dollars en bénéfices nets ».

Les chercheurs concluent qu’un « investissement mondial de 1,8 billion de dollars dans cinq domaines entre 2020 et 2030 pourrait générer un total de 7,1 billions de dollars en bénéfices nets ». Ces domaines sont « les systèmes d’alerte précoce, les infrastructures résistantes au climat, l’amélioration de la production agricole dans les zones arides, la protection des mangroves à l’échelle mondiale et les investissements pour rendre les ressources en eau plus résilientes ».

L’étude de Science souligne que nous n’avons pas de temps à perdre. « L’investissement est d’autant plus convaincant qu’il est prouvé que les effets des changements climatiques se font sentir plus rapidement et plus largement que prévu il y a quelques années seulement. »

Nous devons tout faire pour ralentir et mettre fin un jour à la crise climatique, et nous adapter aux conséquences que notre inertie a déjà entraînées. Les électeurs d’aujourd’hui ont parlé et les électeurs de demain sont catégoriques : il faut que tous les élus mettent de côté leurs divergences et travaillent ensemble pour relever ce défi. Une élection n’est qu’un début.

Traduction : Monique Joly et Michel Lopez