Place à l’imagination! Lors du premier Rassemblement du Réseau Demain le Québec (RDQ) du 19 au 21 mai, plus de 150 participant.e.s provenant de près de 85 groupes citoyens et organismes ont eu l’occasion de co-construire un récit centré sur l’action collective à venir de la mobilisation citoyenne au Québec. L’objectif? Cultiver un sentiment d’appartenance entre les groupes présents, leur permettre d’utiliser leur imagination pour représenter la force collective du RDQ et orienter ensemble les futures actions du RDQ.
Pour ce faire, cette activité a été encadrée par Conteurs à gages, la facilitatrice Marie LaRochelle et l’illustratrice Mélika.Les participant.e.s étaient réparti.e.s en quatre groupes selon leurs personnalités, d’après le graphique de l’écosystème du changement social de Deepa Iyer. Celui-ci est constitué en son centre des valeurs d’équité, de libération, de justice et de solidarité, autour desquelles dix rôles sont reliés et séparés en quatre familles de couleur.
L’écosystème du changement social de Deepa Iyer
Plus précisément, le vert rassemble les narrateur.rice.s, les guides et les visionnaires; le violet est dédié aux tisseur.sseuse.s et aux guérisseur.euse.s ; l’orange concerne les expérimentateur.rice.s, les prestateur.rice.s de « care » et les perturbateur.rice.s ; le bleu est associé aux premier.ère.s répondant.e.s et aux bâtisseur.euse.s. Chaque groupe de couleur avait pour mission de créer un personnage principal confronté à des défis.
En tant que l’une des plumes de la Fondation David Suzuki, je me suis assise à la table de l’un des quatre groupes « verts », parmi Jennifer, Leeloo, Gaëlle, Geneviève, Nomez, Kim et Elsa, du début à la fin du processus. Le premier défi? Déterminer le rôle du protagoniste « vert » de cette histoire collective.
C’est ainsi que cette équipe de narrateur.rice.s, de guides et de visionnaires a déterminé que le personnage représentant le RDQ vit dans une micro-forêt située dans une craque de trottoir au sein d’une ville immense, laide et salle, dans laquelle la nature s’y est protégée plus qu’ailleurs. Ici, il pleut des clous, de la poussière et du sel!
La communauté dans laquelle s’inscrit notre héros ou notre héroïne est constituée d’êtres qui ont toujours vécu dans la forêt. Bien que des dissident.e.s soient présent.e.s, iels communiquent avec d’autres populations semblables via un système racinaire et se nourrissent de béton, un aliment local.
Notre personnage est un.e guide ou un.e passeur.euse qui aide la jeunesse à s’engager. C’est d’ailleurs à ce moment-là qu’iel se sent le ou la plus utile! Iel apprécie particulièrement raconter des mythes provenant des autres mondes. De plus, une coutume spéciale est vivement attendue chaque année : le passage du premier vélo au printemps, sur lequel iels s’accrochent pour rejoindre les autres communautés et semer des graines sur leur passage.
Trois autres familles « vertes » ont quant à elles déterminé l’apparence, le caractère et l’histoire de notre protagoniste. Il s’agit donc d’une espèce nouvelle ou non découverte, appelé Niamed-Le Licorno, dont le physique change selon les besoins et le contexte planétaire. Iel ressemble à une fourmi avec de grandes ailes colorées, à mi-chemin entre un oiseau et un papillon. De plus, ses écailles lui servent d’armure et cachent son aura qui lui permet de rassembler les foules.
Notre héros ou notre héroïne est visionnaire, doté.e d’une bonne appréhension du présent et du futur. Bien qu’iel sache articuler ses idées et communiquer, iel craint pourtant de ne pas pouvoir réaliser ces idéaux et d’être intolérant.e envers celleux qui ne partagent pas sa vision des choses. Iel doute parfois de lui-même ou d’elle-même, mais a foi en l’humanité. Iel est né.e dans un bateau, puis s’est retrouvé.e sur l’île flottante qu’est le sixième continent.
Jusque-là, les éléments amenés par chaque famille verte ont permis de créer un personnage de plus en plus complet. Cet exercice permettait également de faire des liens directs avec la réalité des membres du RDQ, en précisant comment les participant.e.s se représentent sa force collective et les défis auxquels il fait face. Il en ressort qu’il est essentiel de soutenir les jeunes dans leurs mobilisations, de s’adapter aux besoins des groupes citoyens et de les faire se rencontrer, par exemple.
Enfin, le second défi consistait à imaginer comment Niamed-Le Licorno était parvenu.e à contrôler l’eau, dans un contexte où la pollution au Québec a atteint des niveaux quasi pré-industriels. C’est ainsi qu’iel a obtenu ce pouvoir, tout comme les autres membres de sa communauté, en descendant dans les nappes phréatiques en mangeant le bitume. Le battement de leurs ailes leur permet non seulement de voler mais aussi de faire remonter l’eau à la surface de la Terre.
Notre personnage principal a cependant été confronté à un obstacle majeur : le débat entre celleux qui désiraient continuer à se nourrir de bitume et celleux qui souhaitaient tout changer. Ceci reflète la présence de dilemmes auxquels font face les groupes citoyens mobilisés pour la transition socioécologique. En effet, les groupes peuvent parfois avoir l’impression que le changement n’arrive pas assez vite ou bien qu’il est trop tard… En même temps, les changements systémiques peuvent souvent prendre du temps à se mettre en place et il est crucial de continuer à se mobiliser sur le long terme. C’est exactement pour cette raison que le RDQ a été créé : non seulement bâtir des communautés basées sur la justice sociale et environnementale, mais aussi soutenir et connecter les initiatives citoyennes et les groupes locaux afinqu’ils réalisent leurs objectifs, développent leur pouvoir d’agir et fassent partie d’un mouvement collectif.