Ce n’est pas le moment de normaliser l’inacceptable. Ce n’est pas le moment de se taire. (Photo : Robbie Palmer via Unsplash)

La semaine dernière à Montréal, l’air était lourd.

Et ce n’est pas qu’une image : le smog causé par les feux de forêt au Manitoba et en Saskatchewan voilait le ciel.

Mais il n’y avait pas que le ciel qui était étouffant. Le climat politique l’était aussi.

On ne peut pas défendre le climat sans défendre la démocratie. Et la semaine dernière, les deux ont été mis à mal.

La semaine avait pourtant commencé avec un mince espoir — celui que François Legault tienne bon devant les premiers ministres du Canada, réuni.e.s à Saskatoon, et qu’il défende l’opposition ferme des Québécois.es à tout projet de pipeline sur le territoire.

Mais dans la déclaration finale, on tombe sur un langage franchement inquiétant. On peut y lire « pipelines », « projets nucléaires », « énergie conventionnelle » et même… « pétrole décarboné ».

On ne peut pas défendre le climat sans défendre la démocratie. Et la semaine dernière, les deux ont été mis à mal.

Un oxymore si absurde que j’en aurais ri… s’il ne s’agissait pas du futur de mes proches. Et des vôtres. Premier coup dur. Mais on garde espoir.

Sauf que vendredi dernier, ce qu’on redoutait est arrivé.

À Ottawa, le gouvernement Carney a déposé le projet de loi C-5, censé accélérer les projets dits « d’intérêt national ».

Mais c’est quoi, exactement, l’intérêt national?

Parce qu’aux dernières nouvelles, brûler du pétrole et du gaz, c’est encore la principale cause de la crise climatique. Et on voit les pires effets en ce moment même, alors que des milliers de personnes voient littéralement leur communauté et tous leurs avoirs partir en fumée. Est-ce que jeter de l’huile sur le feu, c’est ça l’intérêt national?

À première vue, le projet de loi semble s’attaquer frontalement à la démocratie et à la science : non seulement il met de côté les évaluations environnementales rigoureuses et les consultations publiques, mais il contourne aussi les droits des peuples autochtones.

Mais on garde espoir.

On se réconforte à l’idée qu’il n’y a pas encore de promoteur…

Cette réforme aurait pu faire du Québec un leader de la transition énergétique. Le maintenir à l’avant du peloton.
Mais elle deviendra plutôt le symbole d’un rendez-vous manqué.

Comme si ce n’était pas assez, le Toronto Star a révélé que le règlement fédéral sur les émissions du secteur pétrolier — promis depuis 2021 et pratiquement finalisé — pourrait être abandonné si l’industrie lançait un vaste projet de capture et de stockage de carbone à 16,5 milliards de dollars, une technologie qui n’a toujours pas fait ses preuves pour réduire les émissions à grande échelle. Encore un non-sens qui ne profiterait qu’à une poignée de personnes. Encore des discussions à huis clos.

Au même moment, à Québec, la menace d’une adoption précipitée sous bâillon du projet de loi 69, qui planait depuis des jours, s’est concrétisée. Adopté sans même que tous les amendements aient été adéquatement étudiés, ce projet de loi ouvre la porte à la privatisation de notre énergie renouvelable, qui fait pourtant la richesse du Québec depuis près d’un siècle.

Un autre déni de démocratie pourtant réclamée sous forme de débat public par la société civile depuis plus de deux ans et une victoire des intérêts privés sur l’équité, l’abordabilité, la décarbonation et surtout les besoins des ménages québécois.

Cette réforme aurait pu faire du Québec un leader de la transition énergétique. Le maintenir à l’avant du peloton.
Mais elle deviendra plutôt le symbole d’un rendez-vous manqué.

Et pendant ce temps, la société civile, qui se bat sans relâche pour de véritables projets d’avenir, encaisse encore.

Celles et ceux qui, chaque jour, défendent le bien commun, la justice, le climat, la santé publique… sont ignoré.e.s, épuisé.e.s. C’est sans parler des personnes qui subissent le plus les effets de cette crise multiple au quotidien. Inévitablement, ce sont celles qui peinent à payer leur logement mal isolé ou encore celles qui ont vu leur maison être inondée ou décimée par les feux de forêt.

Nous étions sur le bon chemin. Pas encore à destination. Peut-être juste à Anjou si on veut se rendre à Québec depuis Montréal. 
Mais on avançait.

Cette semaine, on a tenté de nous faire faire demi-tour. Les lobbys financiers et industriels espèrent qu’on va s’essouffler.

Ça n’arrivera pas. Ce n’est pas le moment de normaliser l’inacceptable. Ce n’est pas le moment de se taire.

Parce qu’au milieu du brouillard, on sait ce qu’on défend :

  • une démocratie vivante ;
  • une société plus juste et équitable, où il ne faut pas être riche pour vivre dignement;
  • où tout le monde peut respirer de l’air pur;
  • où tout le monde peut vivre en santé et en sécurité ;
  • en communion avec la nature.

Peut-être que c’est ça, l’intérêt national?