Lorsque les insectes sont tués ou meurent, l’ensemble de la chaîne alimentaire en est affecté. Cela peut être les oiseaux, les chauves-souris et les lézards qui s’en nourrissent, mais aussi les serpents, les coyotes et les cougars qui mangent les oiseaux et les lézards, et ainsi de suite. (Photo : Karin Lewis via Flickr)

De nombreuses personnes se sentent incommodées par les insectes, et certaines en ont même peur. En tant que généticien spécialiste des drosophiles qui a consacré une grande partie de sa jeunesse à l’exploration des insectes, entre autres formes de vie des marécages de Leamington, en Ontario, ces créatures m’ont toujours fasciné. Elles jouent un rôle crucial dans l’écosystème.

Lorsque les insectes sont tués ou meurent, l’ensemble de la chaîne alimentaire en est affecté. Cela peut être les oiseaux, les chauves-souris et les lézards qui s’en nourrissent, mais aussi les serpents, les coyotes et les cougars qui mangent les oiseaux et les lézards, et ainsi de suite.

Nous n’avons toujours pas tiré de leçons du célèbre Printemps silencieux de Rachel Carson, publié il y a 63 ans. Cette œuvre littéraire a inspiré plusieurs personnes, dont moi-même, et a contribué à une prise de conscience accrue pour l’environnement. Dans ce livre, Carson dénonce l’utilisation imprudente et généralisée de nouvelles technologies ou de découvertes scientifiques qui s’effectuent sans compréhension ou prise en compte des conséquences sur les systèmes naturels interconnectés.

L’interdiction d’utiliser des pesticides a effectivement permis à certaines espèces d’insectes de se reconstituer, mais celles-ci font désormais face à une grave menace : le réchauffement planétaire.

Avant la publication du livre de Carson, le chimiste suisse Paul Mueller a créé le pesticide DDT, qui a été considéré comme un miracle chimique en raison de son efficacité contre les espèces nuisibles et les insectes vecteurs de maladies. Bien que son utilisation contre les moustiques porteurs du paludisme ait permis de sauver de nombreuses vies humaines, elle a toutefois entraîné la mort de millions d’oiseaux, notamment des pygargues à tête blanche, des balbuzards et des pélicans. Outre les effets directs sur les animaux qui se nourrissent d’insectes, en particulier les oiseaux, Carson a découvert que le DDT engendrait également une « bioaccumulation » chez certaines espèces, y compris chez les êtres humains, ainsi qu’une « amplification biologique » dans la chaîne alimentaire (source en anglais).

L’interdiction d’utiliser des pesticides a effectivement permis à certaines espèces d’insectes de se reconstituer, mais celles-ci font désormais face à une grave menace : le réchauffement planétaire. Selon plusieurs scientifiques, la biomasse des insectes pourrait réduire de 2,5 % par an. Bien que cela paraisse peu, « si cette tendance se maintient pendant seulement quarante ans, c’est près de la moitié des espèces vivantes qui disparaîtraient en une génération humaine. Ce serait un véritable désastre », prévient l’entomologiste David Wagner dans un article du Guardian.

Les pesticides (encore en vigueur), la perte d’habitats, l’activité industrielle, l’agriculture, la pollution lumineuse ainsi que celle de l’air, du sol et des eaux continuent de contribuer à la disparition d’insectes. Cependant, les récentes recherches mettent en évidence les perturbations climatiques comme un facteur dévastateur. On observe actuellement une baisse alarmante des populations d’insectes, même dans des régions exemptes de pesticides, de fertilisants et d’activité industrielle, comme dans les forêts préservées du Costa Rica. En effet, plusieurs espèces d’insectes sont extrêmement sensibles à la variation de divers facteurs environnementaux, tels que la température, l’humidité, la pluie, la luminosité ou encore les changements saisonniers. Certains phénomènes – un printemps anormalement sec, par exemple – peuvent entraver leur émergence du sol. En outre, l’accès à l’eau est crucial pour eux, car ils doivent rester continuellement hydratés.

Nous ne réalisons pas que la nature, dont nous faisons partie, fonctionne en interdépendance et que chaque perturbation anthropique entraîne des conséquences considérables.

Le déclin brutal des populations d’insectes entraîne déjà des conséquences sur l’écosystème. Une étude (en anglais) publiée en 2019 montre que, aux États-Unis, la population d’oiseaux a diminué de près du tiers, soit une perte de trois milliards d’individus depuis les années 1970, la majorité d’entre eux appartenant à des espèces qui se nourrissent d’insectes. Une étude publiée en 2018 (en anglais) a révélé qu’une baisse importante des populations d’insectes entraînait une diminution considérable des effectifs d’oiseaux, de grenouilles et de lézards dans la forêt pluviale de Luquillo, à Porto Rico.

De plus, comme les insectes sont des pollinisateurs, leur déclin peut ralentir la croissance des plantes et des cultures vivrières.

Toute personne ayant atteint un certain âge se rappellera avoir dû nettoyer fréquemment le pare-brise et la calandre couverts d’insectes lors de voyages en voiture. De nos jours, on fait rarement face à cette situation, puisque les insectes sont devenus beaucoup moins nombreux.

Notre orgueil démesuré est responsable de ce problème. Nous ne réalisons pas que la nature, dont nous faisons partie, fonctionne en interdépendance et que chaque perturbation anthropique entraîne des conséquences considérables. Nous pulvérisons donc des poisons sans discernement, nous utilisons inutilement des combustibles fossiles et nous détruisons les espaces naturels et les habitats. Or, si les insectes disparaissent, les oiseaux et les poissons qui les consomment périront également. De même, les animaux qui se nourrissent de ces derniers connaîtront le même sort.

Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour protéger les insectes.

Les changements climatiques, la perte de la biodiversité (y compris les insectes) et la pollution sont tous des problèmes qui peuvent être résolus. Cependant, ces solutions impliquent parfois de privilégier la vie aux dépens du profit, ce qui ne convient pas aux personnes faisant fortune grâce aux combustibles et aux produits chimiques polluants.

Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour protéger les insectes. Pour cela, nous devons agir face aux changements climatiques en optant pour des énergies propres et en préservant et en restaurant les espaces verts. À titre individuel, nous pouvons cultiver davantage de jardins avec des plantes indigènes favorables aux pollinisateurs, réduire notre utilisation de pesticides et d’engrais et bien plus encore.

Il est temps de montrer plus de considération envers nos amis les insectes, car notre existence en dépend plus que la plupart des gens ne le réalisent.