La revitalisation des langues autochtones, de même que la préservation et l’expansion des visions du monde des premiers peuples étaient à l’honneur lors du Festival international de musique POP Montréal et de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation.
Ces enjeux ont fait l’objet d’un échange entre la grande cheffe Kahsennénhawe Sky-Deer du Conseil Mohawk de Kahnawà:ke, ainsi que la directrice générale de la Fondation David Suzuki (FDS), l’activiste et l’anthropologue en linguistique, Severn Cullis-Suzuki, le 29 septembre 2023.
« Nous sommes ici pour célébrer la résurgence des langues et des cultures des peuples autochtones à travers le monde. Dans un contexte de crises multiples, elles sont une source d’inspiration, permettent d’unir les êtres humain.e.s et sont porteuses d’un héritage culturel que d’autres mots ne pourraient décrire, » a déclaré la directrice générale de la FDS du Québec et de l’Atlantique, Sabaa Khan, qui animait la discussion.
Les langues sont une source d’inspiration, permettent d’unir les êtres humain.e.s et sont porteuses d’un héritage culturel que d’autres mots ne pourraient décrire.
Les langues sont une source d’inspiration, permettent d’unir les êtres humain.e.s et sont porteuses d’un héritage culturel que d’autres mots ne pourraient décrire.
Sabaa Khan
« Ces éléments sont interconnectés à notre vie quotidienne. Dans notre culture, notre survie serait affectée si nous cessions d’être reconnaissant.e.s, » explique-t-elle.
Ainsi, la lune a une signification importante pour les femmes autochtones, puisqu’elle permet de mettre les enfants au monde. Il en va de même pour les étoiles, qui ont jouent un rôle central lors des cérémonies.
Environnement et résurgence des langues
La sixième extinction de masse frappe les peuples autochtones depuis l’arrivée des colons, tandis que nous commençons tout juste à reconnaître la menace qui pèse sur notre avenir si aucun changement ne s’opère.
« Le principe des sept générations promulgue que les décisions qui sont prises aujourd’hui se répercutent sur l’avenir. Si nous ne pensons, ne parlons et n’agissons pas différemment, qu’allons-nous laisser à nos enfants et à nos petits-enfants? Quel héritage et quel avenir leur offrirons-nous si les gens ne se préoccupent que de la richesse et de la consommation? Notre mère la Terre nous avertit qu’il faut changer, » appuie la grande cheffe Kahsennénhawe Sky-Deer.
En ce sens, il est impératif d’utiliser tous les outils que nous avons à notre disposition, comme le souligne Severn Cullis-Suzuki. Les langues autochtones en font partie intégrante et c’est pourquoi il est primordial de maintenir ces liens.
La langue permet de réunir nos corps, puisque nous produisons physiquement des ondes sonores, et nos esprits, car lorsque nous parlons, nous nous lions aux autres. C’est un acte sacré, mais aussi un lien avec celleux qui nous ont précédé.
Severn Cullis-Suzuki
Dans un contexte où les premiers peuples se battent pour préserver leurs territoires à travers le monde, la pratique de leurs langues leur permet non seulement d’affirmer leur résistance, mais également de tisser des relations avec la Terre et les individu.e.s. Il s’agit également d’un droit imprescriptible en lien direct avec la planète, d’où elles proviennent.
« La langue permet de réunir nos corps, puisque nous produisons physiquement des ondes sonores, et nos esprits, car lorsque nous parlons, nous nous lions aux autres. C’est un acte sacré, mais aussi un lien avec celleux qui nous ont précédé, » précise Severn Cullis-Suzuki.
Actions posées
Afin d’assurer la résurgence et la pratique des langues autochtones, la grande cheffe Kahsennénhawe Sky-Deer et Severn Cullis-Suzuki prennent toutes deux part à des actions concrètes au sein de leurs communautés, à Kahnawà:ke et à Haïda Gwaii.
La première a étudié dans un programme d’immersion en langue mohawk, qui a été créé au début des années 1980. À ce jour, plusieurs possibilités d’apprentissage destinées aux enfants et aux adultes sont proposées. Un programme de formation linguistique et culturelle d’une durée de cinq ans se destine aux employé.e.s du Conseil Mohawk de Kahnawà:ke qui souhaitent y participer sur leur temps de travail, par exemple.
« Je suis fière de pouvoir parler ma langue. Lorsque je voyage en tant que grande cheffe dans différentes communautés et que je demande aux autres s’iels peuvent parler la leur, je perçois un sentiment de fierté qui les habite si c’est le cas, et un sentiment de vide si ça ne l’est pas, » confie la grande cheffe.
Le principe des sept générations promulgue que les décisions qui sont prises aujourd’hui se répercutent sur l’avenir. Si nous ne pensons, ne parlons et n’agissons pas différemment, qu’allons-nous laisser à nos enfants et à nos petits-enfants?
Grande cheffe Kahsennénhawe Sky-Deer
Elle poursuit en disant que les peuples autochtones dépendent fortement des tantes, des grands-mères et d’autres membres de la famille qui parlent couramment la langue, pour encourager sa transmission aux générations suivantes. De plus, elle ajoute que sa communauté souhaite que le mohawk soit utilisé dans la vie quotidienne, comme à la banque ou à l’épicerie.
En outre, Severn Cullis-Suzuki nous apprend que la pratique de la langue haïda à Haïda Gwaii a disparu durant plusieurs décennies en raison de la colonisation des peuples autochtones, ainsi que des pensionnats dans lesquels les enfants ont été contraint.e.s d’aller. Les anciennes générations ont toutefois commencé à la reparler dans les années 1970 et plusieurs programmes permettent de la revitaliser à ce jour.
La directrice générale de la FDS travaille notamment avec la communauté et incite les jeunes à apprendre leur langue. Pour ce faire, un centre linguistique et une université de neuf classes ont ouvert leurs portes.
Redonner naissance aux générations future
De nombreux traumatismes intergénérationnels découlent des cycles d’abus qui ont été perpétrés à l’égard des peuples autochtones, tels que la séparation des jeunes enfants de leur foyer, leur envoi forcé dans des pensionnats à travers le Canada, les abus sexuels qui leur ont été infligés, la dévalorisation de leur langue et l’absence d’amour.
Pour autant, la grande cheffe assure que nous pouvons dessiner un plus bel avenir en ayant une meilleure compréhension du passé et en sachant comment être un.e allié.e : « la langue et la culture nous aideront à avancer sur le chemin de la guérison, car nous sommes tous.tes des êtres spirituels, » ajout-telle.
Nous pouvons ainsi en apprendre davantage sur les communautés autochtones, les réalités qu’elles subissent encore à ce jour, la Loi sur les Indiens et ses répercussions ou encore l’enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. La grande cheffe invite également chacun.e à venir découvrir la communauté lors des pow-wow, par exemple, et à nouer des amitiés entre Autochtones et Allochtones.
« Malgré tout ce qui a été subi et vécu, c’est incroyable! Une telle générosité et un tel accueil sont dus à un sens profond de l’identité et de l’honneur, » conclut Severn Cullis-Suzuki.