Mobilisation 6600 Parc-nature MHM pour résister et fleurir

L’esprit de la forêt, fait par l’artiste Junko

L’esprit de la forêt, fait par l’artiste Junko (Photo : Mobilisation 6600 Parc-nature MHM)

Chaque mois, la Fondation David Suzuki rencontre un groupe citoyen membre du Réseau Demain le Québec. Zoom sur le mouvement collectif horizontal et décentralisé Résister et fleurir, qui existe depuis sept ans et revête multiples facettes.

Mobilisation 6600 Parc-nature MHM, qui fait partie du mouvement, s’évertue à préserver des espaces verts en friche et leurs usages libres dans le quartier Mercier-Hochelaga-Maisonneuve à Montréal, mais s’oppose aussi à des projets industrialo-portuaires et routiers. La création d’un parc-nature est revendiquée à la place.

« Le mouvement cherche à rééquilibrer le rapport de force : les citoyen.ne.s sont toujours laissé.e.s à l’écart […] On souhaite la justice climatique et la résilience écologique du territoire, qui est menacé par une réindustrialisation et se trouve à proximité de deux coopératives de logements. […] C’est un secteur industriel qui borde plusieurs secteurs résidentiels, » explique la co-porte-parole du mouvement, Cassandre Charbonneau-Jobin.

On souhaite la justice climatique et la résilience écologique du territoire.

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Membres de Mobilisation 6600 Parc-nature MHM

Membres de Mobilisation 6600 Parc-nature MHM (Photo : Mobilisation 6600 Parc-nature MHM)

Mobilisation 6600 Parc-nature MHM a non seulement réussi à dissuader Hydro-Québec d’installer un poste de transformation dans le boisé Steinberg, mais aussi à éradiquer un projet d’échangeur autoroutier qui visait à prolonger le boulevard de l’Assomption et l’avenue Souligny. Sans cela, les camions auraient circulé constamment à proximité de l’espace vert et des habitations, générant de la pollution atmosphérique, sonore et visuelle.

Le combat n’est toutefois pas terminé. En effet, le groupe citoyen souhaite que la Ville renonce au prolongement du boulevard de l’Assomption et de l’avenue Souligny, qui traverseraient les rues Hochelaga et Notre-Dame. Conséquemment, ce tronçon de route pérenniserait l’expansion portuaire et industrielle, puisqu’il permettrait de rejoindre les grands axes routiers et le fleuve.

Dans ce cadre, le mouvement s’oppose vivement au projet de plateforme de transbordement de marchandises de l’entreprise Ray-Mont Logistiques, qui vise à faire transiter des marchandises agricoles destinées à l’exportation.

« Ce projet ne répond à aucun besoin dans le quartier et va à l’encontre de ce qu’il faut faire dans un contexte d’urgence climatique. Il répond à la nécessité de croissance de l’entreprise, qui entrainera une augmentation fulgurante du camionnage et du trafic ferroviaire […] Ça sert l’intérêt privé, mais ça dessert l’intérêt collectif et le bien commun, » ajoute Cassandre Charbonneau-Jobin.

Ce projet ne répond à aucun besoin dans le quartier et va à l’encontre de ce qu’il faut faire dans un contexte d’urgence climatique.

Cette lutte a d’ailleurs inspirée la bande-dessinée Résister et fleurir, qui a été conçue par deux membres du mouvement, Jean-Félix Chénier et Yoakim Bélanger. À mi-chemin entre fiction et roman graphique, les auteurs invitent à repenser le rapport au territoire, où l’utopie de la nature s’oppose à la dystopie de la croissance effrénée.

Ray-Mont Logistiques se situe à côté de la friche de Viauville, que le mouvement souhaite par ailleurs conserver dans son entièreté et transformer en un espace de résilience écologique. Altérée par des années d’industrialisation, il souhaite la décontaminer en recourant à la phytoremédiation, et à la phytostabilisation, ainsi qu’en restaurant les milieux humides. Enfin, il est parvenu à faire zoner le boisé Vimont en tant qu’espace naturel. Maintenant public et libre d’accès, il est protégé, bien qu’il n’existe pas de statut de conservation au niveau municipal.

Obstacles

Mobilisation 6600 Parc-nature MHM est confronté à des obstacles légaux, puisque le zonage industriel évacue toute possibilité d’obtenir le soutien du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement. Plusieurs démarches ont été entreprises par le groupe dans sa lutte contre le projet de Ray-Mont Logistiques, mais toutes sont restées lettre morte. L’Association québécoise des médecins pour l’environnement a notamment réclamé à l’Institut national de santé publique que des études et une évaluation d’impacts sur la santé soient effectuées.

Conteneurs de Ray-Mont Logistiques

Conteneurs de Ray-Mont Logistiques (Photo : Mobilisation 6600 Parc-nature MHM)

Il fait aussi face à des obstacles gouvernementaux, puisque le projet de Ray-Mont Logistiques s’inscrit dans le sens de la stratégie maritime du fleuve Saint-Laurent, à savoir d’augmenter le trafic maritime et les échanges commerciaux. De plus, la multiplicité des acteur.trice.s impliqué.e.s rend les conciliations ardues.

« Tout est une bataille pour obtenir de petits morceaux de territoire et de petites concessions, » regrette Cassandre Charbonneau-Jobin.

Tout est une bataille pour obtenir de petits morceaux de territoire et de petites concessions.

Réseau solidaire

Cette lutte pour la nature et contre l’expansion industrialo-portuaire fait se côtoyer une diversité de personnes, comme des universitaires de tendance anarchiste, des chimistes à la retraite, des dames âgées qui sont nées dans le quartier ou des artistes.

L’art tient d’ailleurs une place cruciale au sein du groupe citoyen. Junko a notamment réalisé deux sculptures, Starfox, un chien-renard d’apparence métallique et L’esprit de la forêt, qui est une sorte de cheval ailé faite à partir de bois ramassé sur la friche. Il l’a ensuite placé au sommet de la butte, puis vers les jardins vagues, qui sont des bacs de culture créés par le mouvement pour occuper le territoire.

Mobilisation 6600 Parc-nature MHM recourt ainsi à de nombreux moyens d’action, tels que des interventions auprès du gouvernement municipal, des campagnes de lettres, des pétitions, des manifestations, des visites guidées, ainsi que des ateliers créatifs et scientifiques.

« On organise une panoplie d’activités d’occupation du territoire, allant de la collecte de déchets de la friche et des boisés, à des spectacles de cirque, au camp climat et à des manifestations de militant.e.s qui ont traversé le terrain de Ray-Mont Logistiques durant tout l’hiver avec des banderoles, » précise la co-porte-parole.

De plus, un réseau de solidarité se tisse par le biais de mobilisations citoyennes qui se déroulent ailleurs. Le mouvement participe entre autres à la semaine de la Rage climatique, à la manifestation pour le Jour de la Terre et aux mobilisations à Rouyn-Noranda. En outre, il soutient Littoral Est à Québec et Vigie Port de Contrecoeur, qui se battent eux aussi contre des expansions portuaires.

Création Résister et fleurir

Création Résister et fleurir (Photo : Mobilisation 6600 Parc-nature MHM)