
Le premier ministre Carney est intelligent et possède les connaissances climatiques et économiques nécessaires pour être en mesure de mener de véritables changements, pour le Canada et pour le monde. (Photo : UN Climate Change via Flickr)
Les environnementalistes peuvent facilement tomber dans le cynisme face à l’arrivée d’un nouveau gouvernement. Beaucoup d’entre nous ont nourri de grands espoirs lorsque le premier gouvernement libéral de Trudeau est arrivé au pouvoir en 2015. Le parti avait pris des engagements fermes en matière de climat et des personnes compétentes et respectées sur le plan de l’environnement avaient été nommées au Conseil des ministres.
Puis, en 2018, le gouvernement a fait l’acquisition d’un projet d’expansion de pipeline (avec notre argent!), notamment pour apaiser l’Alberta –, objectif impossible à atteindre sans générer des perturbations climatiques catastrophiques. Initialement évalué à 4,5 milliards de dollars, le projet a finalement coûté plus de 34 milliards de dollars lors de sa finalisation en 2024. Les prévisions en matière de transport de bitume et de recettes ont depuis été revues à la baisse (source en anglais).
Bien que des politiques environnementales strictes aient été mises en place, le gouvernement a persisté à subventionner l’industrie des combustibles fossiles et à promouvoir l’expansion de la fracturation hydraulique pour l’extraction de gaz (article en anglais).
Dans la promesse de Marc Carney le soir même de son élection de « faire du Canada une superpuissance de l’énergie – qu’elle soit propre ou conventionnelle », il admet au moins que le terme « énergie » n’est pas synonyme de combustibles fossiles dépassés (source en anglais). Or, les oléoducs et l’expansion de l’industrie des combustibles fossiles font fi de la crise climatique qui s’aggrave.
Bien que des politiques environnementales strictes aient été mises en place, le gouvernement a persisté à subventionner l’industrie des combustibles fossiles et à promouvoir l’expansion de la fracturation hydraulique pour l’extraction de gaz.
Selon toute vraisemblance, Carney en est depuis longtemps conscient. Il y a plus de 10 ans, alors qu’il occupait le poste de gouverneur de la Banque d’Angleterre, Carney avait affirmé lors d’un séminaire de la Banque Mondiale (en anglais) que, pour éviter que la planète ne dépasse le seuil de deux degrés Celsius de réchauffement, « la grande majorité des réserves de combustible devraient rester inexploitées ».
Quelque temps plus tard, lors d’un discours prononcé pour la compagnie d’assurances Lloyds of London, Carney a déclaré : « Les conséquences désastreuses des changements climatiques dépasseront l’époque de la plupart des parties concernées et affecteront les générations futures, qui devront payer le prix de l’inaction actuelle, faute de mesures incitatives concrètes ».
Il avait ajouté : « En d’autres mots, une fois que les changements climatiques seront devenus un enjeu déterminant pour la stabilité financière, il sera peut-être trop tard ».
Selon Bill McKibben, auteur et militant écologiste, « l’homme qui a prononcé ces paroles audacieuses et sans équivoque se trouve maintenant à la tête d’un pays qui subit de plein fouet les changements climatiques. En plus d’avoir vu des incendies historiques dévaster ses forêts boréales au cours des dernières années, le Canada est aux premières loges du dégel de l’Arctique, la région qui fond le plus rapidement au monde ».
Il ne fait aucun doute que les énergies renouvelables pouvant être stockées sont désormais plus rentables et efficaces que les combustibles fossiles ou l’énergie nucléaire.
McKibben souligne que Carney « doit également diriger un pays qui comprend l’Alberta, cette province dont le vaste bassin de sables bitumineux en fait un des plus grands sites de stockage de carbone au monde ».
Alors que le gouvernement des États-Unis met le feu aux politiques climatiques et environnementales et précipite le pays vers une catastrophe climatique et économique, le Canada peut se saisir de l’occasion pour faire preuve de leadership à l’échelle mondiale. Du courage et de l’imagination seront toutefois nécessaires.
Les industries du gaz, du charbon et du pétrole, soutenues par des médias, du « similitantisme » et des allié.e.s politiques, ont convaincu une portion significative de la population canadienne et mondiale que les changements climatiques ne constituaient pas un problème majeur et que les combustibles fossiles seront encore nécessaires pendant longtemps. Dans l’objectif de maintenir en vie leur industrie polluante agonisante, ces industries ont insidieusement présenté le gaz issu de la fracturation hydraulique comme étant une solution climatique et ont amplement fait la promotion de technologies coûteuses n’ayant pas encore fait leurs preuves, comme le captage et le stockage du carbone (article en anglais).
Il ne fait aucun doute que les énergies renouvelables pouvant être stockées sont désormais plus rentables et efficaces que les combustibles fossiles ou l’énergie nucléaire. En effet, la transition inévitable vers des énergies plus vertes favorise non seulement l’assainissement de l’air, de la terre et de l’eau, mais elle nous libère aussi des marchés des combustibles fossiles volatiles de plus en plus onéreux.
Le premier ministre Carney est intelligent et possède les connaissances climatiques et économiques nécessaires pour être en mesure de mener de véritables changements, pour le Canada et pour le monde.
Pour accroître son indépendance énergétique, le Canada peut tirer parti de ses abondantes sources d’énergie renouvelable et améliorer le réseau électrique pour ainsi soutenir les énergies propres et le transport interprovincial. Pendant que les États-Unis semblent sombrer dans une folie peu fiable – niant des faits avérés, nous pouvons réduire notre dépendance vis-à-vis ce pays.
Il ne nous faut toutefois pas oublier les personnes qui ont bien gagné leur vie grâce à l’industrie des combustibles fossiles. Avec l’automatisation croissante du secteur et la plus grande part des profits réservée aux PDG et aux actionnaires, les entreprises, elles, ne semblent pas beaucoup valoriser leur propre personnel. Il est essentiel de veiller à ce que les travailleur.euse.s de l’industrie aient la possibilité d’améliorer leurs compétences et d’obtenir un emploi de qualité. Il est tout aussi important de repenser les systèmes économiques pour que le profit ne soit pas la mesure absolue du succès.
Nous devons trouver de meilleures manières de vivre, moins destructrices. Le premier ministre Carney est intelligent et possède les connaissances climatiques et économiques nécessaires pour être en mesure de mener de véritables changements, pour le Canada et pour le monde. Fera-t-il preuve de courage et de lucidité pour nous guider sur un chemin plus sensé? Espérons-le.