Récemment, j’ai réfléchi à ce que serait une vie à faible émission de carbone.
Nous nous déplacerions moins en voiture et en avion, mais davantage à vélo, à pied et en transport collectif. Nous mangerions moins de viande et davantage d’aliments d’origine végétale. Nous chaufferions nos maisons écoénergétiques à l’électricité ou à la géothermie, et nous privilégierions l’énergie éolienne ou solaire.
Cette vie pourrait aussi reposer davantage sur l’amitié.
Dans son rapport Objectif zéro émission, Tom Green, analyste des politiques à la Fondation David Suzuki, a écrit : « bien des éléments qui contribuent au bien-être, comme le temps passé avec la famille et les ami-e-s, […] n’exigent pas une grande utilisation de matières ou d’énergie ». Nous pouvons jouer au hockey-balle, faire de la randonnée ou écouter de la musique ensemble.
Si nous passions plus de temps à créer des liens, nous enrichirions notre vie intérieure et réduirions d’autant notre consommation, responsable d’émissions de carbone et de pollution. Nous sentirions moins le besoin de partir en vacances à l’étranger ou d’acheter de grosses voitures, les derniers appareils et jouets, et plus de vêtements que nous ne pouvons en porter. Pourquoi ? Parce que la satisfaction que procure l’amitié est plus profonde que celle que nous procurent les objets.
L’amitié, selon ce grand penseur, est « indispensable à la vie. Personne ne choisirait de vivre sans amis, eût-il tous les autres biens ».
Les philosophes comme Aristote savaient que l’amitié représente l’une des principales sources de bonheur. L’amitié, selon ce grand penseur, est « indispensable à la vie. Personne ne choisirait de vivre sans amis, eût-il tous les autres biens ». Notre entourage nous apporte soutien, encouragement et bien-être.
Aristote ne considérait pas les humains comme des consommateurs et était d’avis que l’acquisition de biens ne s’inscrit pas au cœur de la personne. Il insistait plutôt sur l’importance de développer des qualités comme le courage et la sagesse, ainsi que de solides amitiés. « Personne ne choisirait de vivre dans la solitude, eût-il tous les autres biens, car l’homme est un être social et politique, et sa nature l’amène à vivre avec d’autres. », expliquait-il dans son livre sur l’éthique.
Or, s’il est plus enrichissant de vivre entouré d’ami-e-s plutôt que de biens, comment cultiver une telle vie ?
Nous pourrions par exemple y consacrer davantage de temps. Pourquoi pas des « sabbatiques d’amitié » ?
Pour cela, les employeurs et les écoles devraient dédier quelques jours par année à l’amitié, pour permettre de tisser de nouvelles amitiés ou de ranimer d’anciennes. Certains organismes, notamment des syndicats et la Fondation David Suzuki — offrent à leurs employés la possibilité de faire du bénévolat auprès de groupes locaux et de contribuer au dynamisme de la collectivité. Pourquoi ne pas aussi leur offrir du temps pour renforcer leurs liens personnels ? N’est-ce pas tout aussi important ?
À l’école, on m’a appris à calculer l’aire d’un cercle, mais on ne m’a jamais enseigné à me faire un cercle d’ami-e-s.
Nous accordons généralement trop peu d’attention à cette question. À l’école, on m’a appris à calculer l’aire d’un cercle, mais on ne m’a jamais enseigné à me faire un cercle d’ami-e-s. Les enseignants présumaient que nous l’apprendrions de nous-mêmes. Cela n’a pas été le cas pour tous. Pour bien comprendre la notion de cercles, nous devons apprendre à cultiver nos liens personnels les plus gratifiants.
Cette démarche serait particulièrement utile pour les personnes moins sensibles à l’importance de l’amitié, en particulier en mi-carrière, lorsque la vie professionnelle prend souvent une dimension centrale. Une fois par année, nous pourrions changer notre message téléphonique pour : « Merci de votre appel. Je suis actuellement en sabbatique d’amitié. Si vous appelez pour amorcer ou renforcer des liens, je vous rappelle cette semaine. Sinon, je vous rappelle à mon retour. »
Cette sabbatique mettrait, ne serait-ce que pour un moment, la camaraderie au cœur de notre vie. De façon concrète, elle consisterait à : prendre contact avec des ami-e-s perdus de vue depuis des années et renouer le dialogue ; participer à une réunion d’anciens du secondaire et s’engager à garder le contact ; renforcer les liens avec des collègues de travail en les voyant à l’extérieur des heures de travail.
Il y a plusieurs années, j’ai vu dans le métro une annonce où l’on voyait un père et ses enfants, avec la légende « Jouez avec eux. » L’objectif était d’inciter les hommes à en faire plus pour se rapprocher de leurs enfants. Selon moi, il nous faudrait des annonces similaires pour les adultes : un groupe d’ami-e-s, avec la légende « L’amitié : prenez le temps. »
L’amitié n’est pas simplement une solution climatique, plus satisfaisante que le consumérisme. Nos ami-e-s nous offrent leur solidarité et nous encouragent à prendre part au mouvement militant et à parler haut et fort.
Peu d’entre nous marcheraient dans les rues année après année ou continueraient d’organiser des activités, de signer des pétitions et de protester si nous n’avions pas à nos côtés des gens que nous aimons.
Traduction : Monique Joly et Michel Lopez