Marcher dans la nature

(Crédit : cotaro70s via Flickr)

Le Dr Marc Berman, chercheur postdoctoral à l’Institut de recherche Rotman de Baycrest à Toronto, a réalisé une étude révolutionnaire sur les effets d’une promenade en nature sur le cerveau humain. Il discute des résultats avec Vert santé.

Vous avez étudié les effets de la nature sur la mémoire ainsi que sur les autres aptitudes cognitives, surtout chez les personnes en dépression majeure. Quelles sont vos conclusions?

Nous en sommes venus à la conclusion qu’une promenade à pied de 50 minutes en nature peut améliorer la mémoire et la concentration d’environ 20 %, alors qu’une promenade en milieu urbain n’améliore pas la mémoire de façon significative. Les effets sont encore plus importants chez les individus ayant reçu un diagnostic de dépression majeure.

Avez-vous découvert quelque chose qui vous a particulièrement surpris?

Un des résultats les plus surprenants fut que les effets de la nature sur la mémoire ne sont pas liés à l’état d’esprit de l’individu. Ainsi, nous avions des personnes qui marchaient à différentes périodes de l’année, en juin, quand le climat est agréable, et en janvier, quand il fait froid. Même si les randonneurs d’hiver n’ont pas apprécié leur expérience autant que ceux d’été, les bénéfices pour la mémoire furent identiques pour les uns comme pour les autres. Ce qui revient à dire qu’il n’est même pas nécessaire d’apprécier la marche pour en ressentir les bénéfices.

Comment les milieux naturels peuvent-ils avoir des effets si profonds sur les aptitudes cognitives comme la mémoire à court-terme?

Nous croyons que la présence d’une stimulation « légèrement intéressante » (comme les arbres, les feuilles et l’eau), et qui nécessite peu de concentration, permet à l’individu de se détendre et de réfléchir sur lui-même. S’assoir dans une chambre sombre n’est pas réparateur puisque c’est ennuyeux, même si cela n’exige pas beaucoup de concentration. Regarder la télévision n’est pas réparateur puisque la stimulation est trop forte et que cette activité nécessite de la concentration. D’autres milieux, comme les musées, ont aussi une capacité réparatrice. Cependant, nous trouvons que les milieux naturels sont les plus efficaces en ce qui concerne l’amélioration des aptitudes cognitives.

Qu’est-ce que vos recherches impliquent concrètement?

Nous avons beaucoup de chemin à faire, mais il pourrait y avoir beaucoup de retombées. Premièrement, selon nos résultats et ceux d’autres chercheurs, l’interaction avec la nature engendrerait des bénéfices mentaux/psychologiques, ce qui est plutôt innovateur. La nature semble bénéfique à trois niveaux: écologique, physique et psychologique. Deuxièmement, nous et les autres chercheurs, avons trouvé que les bénéfices qu’apporte l’interaction d’un individu avec la nature peuvent s’étendre aux enfants atteints du TDAH, aux adultes plus âgés, aux personnes se rétablissant d’une chirurgie et à celles ayant un diagnostic de cancer du sein. Ceci suggère qu’une simple intervention peut améliorer la santé et le bien-être des humains à tous les niveaux. Nos résultats pourraient avoir un impact sur la façon dont nous aménageons nos villes, nos écoles, nos lieux de travail, nos hôpitaux, et sur la façon dont nous traitons plusieurs maladies.

Quelle est la suite en ce qui concerne vos recherches?

MB : Tout d’abord, nous voulons découvrir les aspects de la nature qui engendrent les expériences réparatrices pour, dans un premier temps, concevoir des plans d’aménagement favorables et, dans un deuxième temps, améliorer les parcs et les zones naturelles existants de façon à maximiser les bienfaits de ces expériences. Ensuite, nous voulons utiliser la technologie IRM pour déterminer quels sont les changements neuronaux et physiologiques exacts qui accompagnent l’expérience réparatrice dans la nature.

Finalement, nous voulons comprendre comment l’exposition prolongée à la nature peut avoir un impact sur la santé et le bien-être de la population. Ainsi, nous pourrions répondre à des questions telles que : « est-ce que les résidents habitant des quartiers qui ont beaucoup d’arbres sont en meilleure santé que les résidents habitant des quartiers qui en ont moins? ». En nous basant sur les bénéfices que les zones naturelles produisent sur la santé mentale et physique des êtres humains, nous pourrions en déterminer la valeur économique et espérer que cet exercice conduise à des changements dans les politiques publiques et sociales.