Vous avez certainement vu ces publicités : des gens fuient le chaos et le brouhaha urbains, au volant de leur véhicule utilitaire sport (VUS) ou de leur camionnette, pour aller explorer des forêts immaculées. On vous vend la liberté et la connexion à la nature!
Ces messages se retrouvent partout – parce qu’ils fonctionnent. Une étude du Royaume-Uni (en anglais) a en effet révélé que la publicité fait gonfler considérablement la demande pour les véhicules polluants. En contrepartie, elle étouffe les options plus « vertes » comme le vélo et le transport en commun. Bien que les ventes automobiles mondiales aient légèrement diminué en 2022, celles des VUS ne cessent de croître depuis plusieurs années. Selon la International Energy Agency (IEA), ces derniers représentaient 46 % du nombre de ventes totales de voitures de l’an dernier.
Une étude d’Équiterre de 2021 démontre que l’industrie automobile est reine de la publicité au Canada : en 2018, elle détenait 21 % de l’ensemble des investissements en annonces virtuelles – la plupart pour des « camions légers », notamment des VUS, des multisegments, des camionnettes et des minifourgonnettes. Selon une étude (en anglais) de la Fondation David Suzuki, en 2020 et 2021, ce type de véhicule représentait 80 % des ventes de voitures neuves au Canada, contre 54 % en 2010.
La majorité des propriétaires de VUS ne s’en servent pas pour explorer la nature, surtout pas sans traces, comme le laissent entendre les publicités.
« Au Canada, entre 1990 et 2018, le nombre de voitures sur la route a augmenté de 10 %, alors que le nombre de camions légers a plus que triplé (passant de 3,4 à 13 millions) », a découvert la Fondation.
La majorité des propriétaires de VUS ne s’en servent pas pour explorer la nature, surtout pas sans traces, comme le laissent entendre les publicités. La plupart les conduisent plutôt pour aller au travail ou faire leurs emplettes, coincé.e.s dans des embouteillages aux côtés d’autres individus qui se déplacent tout aussi inefficacement dans ces machines polluantes – et dangereuses.
Les camions légers comme les VUS pèsent lourd dans l’intensification des émissions de gaz à effet de serre. Selon l’IEA, bien que la quantité d’essence utilisée mondialement pour faire rouler les voitures conventionnelles soit demeurée stable entre 2021 et 2022, celle pour les VUS s’est accrue de 500 000 barils par jour, « ce qui représente un tiers de la hausse totale de la demande en essence ».
Toujours selon cette agence, les VUS requièrent 20 % plus d’essence que les automobiles de taille moyenne. « Les émissions de CO2 provenant de la combustion de ces véhicules utilitaires ont augmenté de 70 millions de tonnes en 2022. Les 330 millions de VUS sur les routes émettent près d’un milliard de tonnes de CO2. »
Les VUS participent à alourdir la charge financière des contribuables, puisqu’ils aggravent l’usure des routes et des infrastructures.
Les VUS à essence polluent l’air, l’eau et les sols par leurs émissions de gaz et les particules issues de l’abrasion des pneus, causant des torts aux êtres humains, aux poissons et à d’autres organismes vivants. S’il est souvent acheté pour sa prétendue sécurité, ce type de véhicule s’avère pourtant plus massif et plus lourd et offre une visibilité moindre que les voitures conventionnelles. Les routes n’en sont que plus dangereuses pour tout le monde.
Selon la recherche de la Fondation Suzuki, les personnes au volant d’un VUS priorisent généralement leur propre sécurité en cas d’accidents ou d’intempéries, mais font peu de cas des dangers bien connus pour les piéton.ne.s, les cyclistes et les autres usager.ère.s. Les VUS et les camionnettes s’avèrent d’ailleurs responsables d’un nombre grandissant de dommages sur la faune (article en anglais). En effet, aux États-Unis seulement, plus de 350 millions d’êtres vertébrés sont tués sur les routes chaque année.
De plus, les activités mises en valeur dans ce genre de publicité (s’aventurer hors route pour traverser des cours d’eau et des forêts) détruisent les habitats. Sans compter que, comparés aux automobiles conventionnelles, les VUS entraînent plus de dépenses et de dettes. Rappelons d’ailleurs que tous les véhicules motorisés coûtent en soi plus cher que le transport en commun ou le transport actif comme le vélo et la marche. Ceux-ci participent également à alourdir la charge financière des contribuables, puisqu’ils aggravent l’usure des routes et des infrastructures. De par leur plus grande taille, les VUS empirent aussi la congestion dans les centres urbains.
La solution? Abandonner cette idée étrange selon laquelle chaque individu doit se déplacer dans un mastodonte de métal et d’autres matériaux. Il nous faut de meilleures options, notamment des transports public et actif améliorés.
Bien que les versions électriques représentaient 16 % des ventes automobiles mondiales de VUS en 2022, ceux-ci ne constituent pas une solution viable. Certes, ils assurent une meilleure efficacité énergétique et génèrent moins de pollution et de gaz à effet de serre que leurs homologues à essence. Toutefois, leur batterie les rend plus lourds, donc plus dangereux. De surcroit, l’extraction minière nécessaire à la production des batteries, quoique moins destructrice que l’extraction et la production pétrolières, demeure un sérieux problème – surtout dans le cas des gros véhicules, qui nécessitent beaucoup de minéraux.
La solution? Abandonner cette idée étrange selon laquelle chaque individu doit se déplacer dans un mastodonte de métal et d’autres matériaux. Il nous faut de meilleures options, notamment des transports public et actif améliorés.
De nombreux gouvernements à travers le monde ont déjà interdit la publicité pour la cigarette ou d’autres produits néfastes du genre. Pourquoi ne pas aussi interdire ces monstres de consommation de pétrole?
Les véhicules gobeurs d’essence représentent depuis longtemps un engrenage de l’industrie pétrolière, le secteur le plus rentable de l’histoire, qui fait pression pour vendre des combustibles fossiles bon marché. La lutte contre la pollution et les changements climatiques devrait idéalement passer par la transformation de nos modes de déplacement, mais les publicités pour les camionnettes et les VUS barrent la route au progrès.