Voltaire, écrivain français du XVIIIe siècle, a un jour dit : « Oui, je me répète, encore et encore. C’est le privilège de mon âge, et je continuerai jusqu’à ce que mes compatriotes guérissent de leur folie ».

À mon âge, après des décennies à exhorter les gens à se rallier pour résoudre la crise climatique en pleine accélération, je comprends. Je trouve attristant et frustrant de constater les conséquences aussi ravageuses de la combustion inutile des énergies fossiles et de la destruction des espaces verts – d’autant plus que nous connaissions les risques au moment où nous avions de bien meilleures chances de réussir à les éviter ou, du moins, à les atténuer. Nous savons désormais que les choses vont empirer si nous ne prenons pas de mesures immédiates et décisives!

Quand j’ai commencé à m’intéresser aux changements climatiques et à en parler autour de moi, je n’avais pas accès à des renseignements secrets. Au fil des décennies, mon travail de scientifique a consisté à analyser et à interpréter les données de recherche, puis à les vulgariser pour différentes tribunes publiques.

Je suis un messager. Mais il y a des messages que je répète depuis bien trop longtemps. Étant donné les avantages du désinvestissement des industries du pétrole, du gaz et du charbon au profit des énergies renouvelables (purification de l’air, amélioration de la santé, renforcement de la sécurité énergétique, stabilisation du climat), j’étais certain que nous aurions fait plus de chemin à ce point-ci.

Notre « folie » collective découle de notre accoutumance à une vie confortable et énergivore, si forte qu’elle nous rend réfractaires au changement, même s’il est bénéfique à maints égards.

Cela dit, l’industrie qui domine depuis longtemps les économies mondiales, les gouvernements et les individus ne capitulera pas sans résistance. Dans leur quête de profits aussi irresponsable qu’indécente, les têtes dirigeantes des secteurs pétrolier, gazier et charbonnier font tout leur possible pour maintenir leur emprise sur la richesse et le pouvoir, quel que soit le risque pour le reste de la vie sur terre.

Notre « folie » collective découle de notre accoutumance à une vie confortable et énergivore, si forte qu’elle nous rend réfractaires au changement, même s’il est bénéfique à maints égards. Il est difficile de ne pas se laisser bercer par la complaisance et l’acceptation du statu quo de la grosse machine des relations publiques, qui présente à tort les énergies fossiles comme étant nécessaires pour les années à venir et la transition vers l’énergie propre comme étant trop perturbatrice.

Même en contexte idéal, il est souvent difficile d’accepter les faits et la réalité. En matière de climat, la vérité est souvent camouflée par d’énormes sommes d’argent et divers artifices déployés par les entreprises gazières et pétrolières pour semer le doute et la confusion quant aux preuves accablantes du danger de leurs produits pour notre existence : publicité trompeuse, campagnes de relations publiques, articles, discours, groupes de façade, mobilisation de partenaires médiatiques et de responsables politiques.

C’est pourquoi il faut se faire entendre haut et fort : plus fort qu’Exxon, que Shell, que Chevron, que la famille Koch, que l’American Legislative Exchange Council, que le Heartland Institute, que le Fraser Institute et que de nombreux groupes au nom trompeur financés par l’industrie, comme l’International Climate Science Coalition et l’Alliance for Climate Strategies. Nous n’avons peut-être pas les ressources nécessaires pour soudoyer des figures politiques ou influencer les entreprises médiatiques, mais nous avons de précieux atouts : la vérité et la passion.

La plupart d’entre nous le savent, mais c’est plus facile de se mettre la tête dans le sable, ou de laisser le dossier entre les mains des responsables politiques et des bureaucrates, qui s’en occupent avec toute la lenteur qu’on leur connaît. Mais le temps presse.

Pas besoin d’être spécialiste de la crise climatique pour savoir qu’un changement s’impose et qu’il faut trouver de meilleures façons de vivre dans le respect des limites naturelles de la Terre; il suffit d’être un tant soit peu au courant, ou peut-être d’avoir fait l’expérience d’un dôme de chaleur, d’un incendie de forêt ou d’une inondation. Nous devons cesser de détruire les espaces verts et de brûler des carburants polluants qui perturbent le climat.

La plupart d’entre nous le savent, mais c’est plus facile de se mettre la tête dans le sable, ou de laisser le dossier entre les mains des responsables politiques et des bureaucrates, qui s’en occupent avec toute la lenteur qu’on leur connaît. Mais le temps presse.

Lorsqu’assez de gens s’expriment, manifestent et votent, les grandes figures politiques n’ont pas le choix d’écouter, d’où l’importance des grèves pour le climat, des contestations judiciaires, des pétitions, des lettres et des votes. Nous devons continuer à répéter notre message jusqu’à ce qu’il soit compris! Il faut freiner les tentatives que multiplie l’industrie gazière et pétrolière pour bloquer la transition énergétique qui s’impose.

Une transition rapide des énergies fossiles vers les énergies renouvelables est encore possible. Les avantages seraient nombreux : réduction de la pollution, amélioration de la santé, création d’emplois, ouverture de meilleurs débouchés économiques. Et, si bien exécuté, ce virage pourrait faire progresser l’égalité. Mais, comme l’a déclaré António Guterres, secrétaire général des Nations Unies : « Nous devons rattraper le temps perdu à cause des tergiversations, des moyens de pression et de l’avidité manifeste d’acteurs bien établis récoltent des milliards grâce aux combustibles fossiles ».

Je continuerai de me répéter jusqu’à ce que l’humanité soit guérie de sa folie ou que je perde la voix. Le jour où je devrai me taire, d’autres parleront à ma place. Je vous en prie : prenez la parole vous aussi!