Chemin de fer

Les catastrophes ferroviaires ont un point commun : l’augmentation du profit au détriment de la sécurité. (Photo : Pixabay via Pexels)

Le 3 février 2023, un train de 150 wagons transportant des produits chimiques toxiques a déraillé près d’East Palestine, dans l’Ohio. Près de la moitié des 4 700 habitant.e.s de la ville ont dû être évacué.e.s alors que des gaz mortels et des fumées polluaient l’air, et que des produits chimiques contaminaient les cours d’eau.

Heureusement, aucune personne n’a été tuée (bien qu’au moins 3 500 poissons aient péri), contrairement à l’explosion catastrophique de 2013 d’un train à la dérive qui a dévasté la ville de Lac-Mégantic, au Québec, et qui a causé 47 morts.

Ces catastrophes ferroviaires et d’autres ont un point commun : l’augmentation du profit au détriment de la sécurité. Les trains deviennent plus longs et plus lourds, avec des équipages plus réduits. Ils utilisent également des systèmes de freinage à air comprimé inventés dans les années 1860.

En 2014, l’administration Obama a proposé des réglementations de sécurité pour imposer des limitations de vitesse, des équipages de train de deux personnes au minimum et des systèmes de freinage électroniques sur les trains américains transportant des matières dangereuses. Les systèmes de freinage pneumatique à commande électronique (PCE) peuvent arrêter les wagons de manière uniforme et plus rapidement que les freins à air comprimés qui sont utilisés séquentiellement et qui peuvent provoquer des coincements entre les wagons et leur déraillement.

Des entreprises, comme Norfolk Southern, qui exploitait le train qui a déraillé dans l’Ohio, ont fait du lobbying contre les réglementations, parce qu’elles « imposeraient des coûts énormes ». La plupart ont été atténuées pour ne s’appliquer qu’aux trains transportant du pétrole brut, et en 2017, l’administration Trump « a supprimé les dispositions exigeant que les wagons transportant des matières inflammables dangereuses soient équipés de systèmes de freinage électroniques ».

Des entreprises, comme Norfolk Southern, qui exploitait le train qui a déraillé dans l’Ohio, ont fait du lobbying contre les réglementations.

« Des freins PCE auraient permis d’éviter cet amoncellement monstre derrière le wagon déraillé », a déclaré Steven Ditmeyer, ancien haut fonctionnaire de la Federal Railroad Administration, à USA Today. « En fait, en fonction du moment où l’équipage a reçu la notification (d’erreur) du détecteur en bordure de la voie, l’utilisation des freins PCE aurait tout arrêté très rapidement. »

Tout en licenciant des travailleur.se.s et en faisant du lobbying contre les réglementations de sécurité, les opérateurs ferroviaires, dont Norfolk Southern, ont versé 196 milliards de dollars (ajustés en fonction de l’inflation) en rachats et en dividendes depuis 2010, soit bien plus que les 150 milliards de dollars qu’ils ont dépensés pour les infrastructures, a déclaré Martin J. Oberman, président du Surface Transportation Board, dans un discours prononcé en 2021. Norfolk Southern a réalisé un chiffre d’affaires record de 12,7 milliards de dollars l’année dernière et a versé 1,8 million de dollars aux lobbyistes. Au moins 20 de ses déraillements depuis 2015 ont généré des rejets de produits chimiques.

Dans un système économique qui récompense la croissance rapide et l’accumulation de richesses (pour une minorité), faire passer les profits avant la sécurité est une pratique courante dans de nombreuses entreprises. Dans les années 1960, la Ford Motor Company savait que le réservoir d’essence de sa Pinto pouvait se briser et exploser en cas de collision arrière. Quoiqu’elle avait breveté un réservoir d’essence plus sûr, elle avait fait du lobbying contre une norme de sécurité gouvernementale et avait adopté le modèle dangereux.

Dans un système économique qui récompense la croissance rapide et l’accumulation de richesses (pour une minorité), faire passer les profits avant la sécurité est une pratique courante dans de nombreuses entreprises.

En 1977, après plusieurs décès et blessures horribles, Ford a effectué des modifications mineures pour se conformer à la norme. Selon Mother Jones, « Ford a attendu huit ans parce que son « analyse coûts-avantages » interne, qui attribue une valeur monétaire à la vie humaine, indiquait qu’il n’était pas rentable d’effectuer les changements plus tôt ». Ford a déterminé qu’une vie humaine valait environ 200 000 $ US et que la réalisation des améliorations (pour environ 11 dollars par véhicule), qui pourraient éviter 180 décès et d’innombrables blessures par an, n’était pas rentable.

L’article ajoute : « Il y a beaucoup d’histoires similaires concernant d’autres voitures fabriquées par d’autres entreprises. »

Ces types d’analyses coûts-avantages – ainsi que des procédures précipitées et inadéquates – sont courants dans de nombreux aspects de la production dans les systèmes économiques obsédés par le profit. Souvent, ignorer la sécurité est rentable du point de vue froid des directions d’entreprise. Les profits générés surpassent généralement les coûts des procès intentés aux constructeurs automobiles, les petites amendes payées par les entreprises minières, pétrolières et gazières qui polluent les cours d’eau, ou les indemnisations versées par les compagnies ferroviaires après des catastrophes.

Ces types d’analyses coûts-avantages – ainsi que des procédures précipitées et inadéquates – sont courants dans de nombreux aspects de la production dans les systèmes économiques obsédés par le profit.

De nombreuses entreprises ne subissent aucune conséquence. Huit ans après la rupture d’une digue de résidus à la mine d’or et de cuivre de Mount Polley, en Colombie-Britannique, en 2014 – rejetant plus de 20 millions de mètres cubes d’eaux usées minières dans les cours d’eau environnants dans ce qui est considéré comme l’une des pires catastrophes minières du Canada – deux anciens ingénieurs ont dû payer 226 500 dollars canadiens ; l’entreprise n’a subi aucune sanction.

Bon nombre des entreprises les plus rentables sont en fait récompensées pour les dommages qu’elles causent. C’est particulièrement vrai pour l’industrie des combustibles fossiles, qui reste caractérisée par des bénéfices massifs et des salaires très élevés pour les directions, ainsi que de généreuses subventions, alors que ses produits attisent une crise qui menace notre survie!

Quelles preuves supplémentaires de l’échec du système nous faut-il avant de changer nos habitudes? Il est parfaitement clair que privilégier le profit, la croissance sans fin et l’accumulation absurdement excessive et inégale de richesses au détriment de la santé environnementale et humaine, du bien-être et de la survie, est suicidaire.