Quand une seule personne a plus d’argent que des pays entiers et que 81 millionnaires sont plus riches que la moitié de la population mondiale (source en anglais), c’est signe que le système cloche. Comment pouvons-nous soutenir une économie mondiale qui favorise un consumérisme effréné, le gaspillage, la quête du profit juste pour le profit et un manque de considération pour les phénomènes naturels qui nous tiennent en vie et en santé?
Les puissances coloniales se sont toujours considérées comme « supérieures » aux peuples autochtones qu’elles ont rencontrés et asservis. Mais en seulement 200 ans, la perspective colonialiste, qui fait fi de l’interconnexion de la nature, a causé des ravages partout, depuis les cours d’eau et les forêts jusqu’aux courants océaniques et au cycle du carbone. Quand on place les êtres humains au centre de l’existence sur terre, on ne voit que des ressources à exploiter plutôt qu’un réseau complexe et interconnecté essentiel à la vie.
Quand on place les êtres humains au centre de l’existence sur terre, on ne voit que des ressources à exploiter plutôt qu’un réseau complexe et interconnecté essentiel à la vie.
Au cœur de tous les problèmes de l’expérience humaine se trouve l’industrie des combustibles fossiles : le gaz, le pétrole et le charbon. Les industries mutuellement bénéfiques de l’automobile et des énergies fossiles ont, avec l’aide des acteurs politiques, bâti leur fortune selon les règles du capitalisme industriel. Pour créer un marché lucratif assoiffé de l’or noir qui jaillit en abondance des puits de pétrole au Texas et à Turner Valley, l’industrie automobile en pleine expansion a fourni de gros véhicules énergivores, tandis que les gouvernements ont favorisé l’essor de la culture automobile.
Avec le démantèlement des voies de tramway urbain et la réduction du financement du transport en commun, la conduite automobile est devenue un mode de vie, un moyen d’accéder à la « liberté » – en Amérique du Nord en particulier. La combustion de ces énergies anciennes et puissantes a non seulement facilité la vie des gens à bien des égards, mais a aussi ouvert des possibilités d’exploration aux personnes qui en avaient les moyens.
Par ailleurs, les guerres profitent aux sociétés automobiles et pétrolières, car elles mobilisent beaucoup de véhicules et de carburant considérés comme « sacrifiables ». Mais lorsqu’elles prennent fin, les économies ont besoin d’autres formes de stimuli. La société de consommation a pris une dimension politique fondamentale aux États-Unis après la Première Guerre mondiale, même si elle existait avant, et a connu un essor fulgurant après la Seconde Guerre mondiale.
Les industriels qui ont bâti leur fortune scandaleuse sur le gaz, le pétrole et le charbon ont ainsi acquis un pouvoir inouï.
Selon cette vision du monde myope et coloniale, la nature était comme un entrepôt qui se remplit à l’infini. (Hélas, cette vision n’a pas beaucoup changé depuis.) Alors que le « capital bâti » manquait pour les populations d’après-guerre en plein essor, les « ressources » naturelles abondaient. C’est ce qui a mené à la fabrication d’objets, la plupart destinés à être utilisés pendant un certain temps avant d’être jetés et remplacés. Une grande partie de ces objets étaient et sont toujours fabriqués avec du plastique, un sous-produit de l’industrie pétrolière.
Les industriels qui ont bâti leur fortune scandaleuse sur le gaz, le pétrole et le charbon ont ainsi acquis un pouvoir inouï. Pour maintenir leur emprise, ils ont investi d’énormes sommes d’argent dans des groupes de façade, des organisations industrielles, des campagnes et des acteurs politiques, des sociétés de relations publiques et des médias – en trompant souvent délibérément le public sur les dommages causés par leurs produits.
La stratégie des industriels implique non seulement de minimiser ou de nier les preuves selon lesquelles la combustion des énergies fossiles nous mène vers une catastrophe climatique, mais aussi de soudoyer les responsables politiques et de faire pression sur eux pour rendre l’environnement réglementaire plus propice à leurs activités lucratives.
Prenons l’exemple d’une affaire actuellement devant la Cour suprême des États-Unis, qui pourrait compliquer l’application par les agences fédérales de la législation sur le climat et d’autres lois environnementales (article en anglais). Le soutien à la partie demanderesse réunit un ensemble d’organisations américaines négationnistes du climat, notamment le Buckeye Institute, le Cato Institute et le Competitive Enterprise Institute, dont beaucoup sont financées par des organisations liées à la famille milliardaire Koch, un géant du pétrole. On sait qu’au moins un juge de la Cour suprême, Clarence Thomas pour ne pas le nommer, entretient aussi une relation avec le réseau Koch; c’est dire combien ses ramifications sont tentaculaires.
On nous a fait croire que le bonheur se trouvait en achetant et en prenant le volant, mais c’est faux. Il nous faut revenir à l’essentiel et apprendre à respecter les forces naturelles dont dépend notre survie.
Même si les géants des combustibles fossiles se concentrent aux États-Unis, on en trouve partout dans le monde. Ici même au Canada, on compte la personne la plus riche d’Australie, Gina Rinehart. Propriétaire d’une société minière et négationniste climatique, elle tente de convaincre le gouvernement de l’Alberta de laisser ses entreprises extraire du charbon sur le versant est des Rocheuses (article en anglais).
Mais qu’est-ce qui peut bien amener les milliardaires à semer la destruction simplement pour remplir leurs coffres déjà débordants? C’est incompréhensible, tout comme les raisons pour lesquelles nous acceptons leur puissance et leur richesse démesurées ainsi que les ravages de leurs produits sur nous. Comment expliquer notre résignation au travail inévitable et à l’écart de richesse toujours grandissant qu’alimente une économie de consommation fondée sur les énergies fossiles?
On nous a fait croire que le bonheur se trouvait en achetant et en prenant le volant, mais c’est faux. Il nous faut revenir à l’essentiel et apprendre à respecter les forces naturelles dont dépend notre survie.
C’est assez : l’ère consumériste des énergies fossiles ne peut plus durer. Un changement systémique s’impose.