À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, célébrée le 8 mars, voici les portraits de cinq activistes autochtones qui plaident pour la sauvegarde de la culture et des langues des Premiers Peuples, ainsi que des enseignements traditionnels en lien avec la nature : Joséphine Bacon, Naomi Fontaine, Winona LaDuke, Robin Wall Kimmerer et Sheila Watt-Cloutier.
Joséphine Bacon
Originaire de la communauté innue de Pessamit et récemment nommée officière de l’Ordre du Canada, Joséphine Bacon est une autrice québécoise incontournable et une ambassadrice de la culture des Premières Nations. Son œuvre, sa vie et son univers ont d’ailleurs fait l’objet du film documentaire Je m’appelle humain de l’Abénaquise Kim O’Bomsawin, qui a été primé plusieurs fois en 2020.
Photo : Ville de Montréal / Sylvain Légaré
Le film Je m’appelle humain navigue de manière touchante la vie de Joséphine Bacon, ainsi que son rapport émouvant avec son territoire, ses racines et sa culture. Il brosse un portrait empreint d’espoir et de tendresse quant à l’histoire de son peuple et l’avenir de sa communauté. À travers le parcours de la poète, le documentaire dénonce les injustices systémiques engendrées par la colonisation et insiste sur l’importance des luttes autochtones.
Shi Tao Zhang, co-coordonnatrice du Labo conscience climatique et chargée de projets
C’est à travers l’ouvrage collectif Aimititau! Parlons-nous!, paru en 2008, puis le recueil bilingue innu-aimun / français Bâtons à message / Tshissinuatshitakana, publié en 2009, qu’elle se fait connaître. Dès lors, elle dévoile au monde son talent pour la poésie, par le biais de laquelle elle partage la parole des aîné.e.s, le nomadisme et l’innu-aimun, la langue innue.
Elle est récipiendaire de plusieurs distinctions, telles que le Prix des lecteurs du Marché de la poésie de Montréal pour son poème Dessine-moi l’arbre en 2010 et le Prix des libraires 2019 pour son troisième livre, Uiesh / Quelque part. Son second recueil, Un thé dans la toundra / Nipishapui nete mushuat est quant à lui finaliste aux Prix littéraires du Gouverneur général en 2014.
Bien que sa plume transmette sa culture et sa langue, ainsi que les enseignements des Premiers Peuples au regard de notre relation le vivant, son talent s’inscrit toutefois au-delà de l’écriture.
En effet, Joséphine Bacon est aussi réalisatrice, scénariste, narratrice, ainsi que traductrice-interprète et enseignante de l’innu-aimun. Elle a notamment réalisé les films Ameshkuatan – Les sorties du castor en 1978 et Tshishe Mishtikuashisht – Le petit grand européen : Johan Beetz en 1997 et contribué à plusieurs productions télévisuelles, comme la série Carcajou Mikun, Finding Our Talk en 2008.
Enfin, elle a récemment prêté sa voix à l’exposition immersive Nature vive, produite par OASIS immersion, en partenariat avec National Geographic et la Fondation David Suzuki (FDS).
Naomi Fontaine
Romancière et enseignante de français innue de la Côte-Nord au Québec, Naomi Fontaine s’attache à mettre de l’avant le pouvoir et l’histoire des communautés innues dans ses écrits. Elle cherche à déconstruire les stéréotypes qui leur sont portés, tout en mettant en évidence les réalités qu’elles ont vécues et le courage dont elles font preuve.
Photo : Marcorel Fontaine
Dans son premier roman poétique Kuessipan, publié en 2011, l’autrice plonge es lecteur.rice.s dans le quotidien sur une réserve innue, que ce soit via des portraits de personnes connues et aimées, ou bien des choses en lien avec la Terre. Largement salué par la critique, il a ensuite été adapté au cinéma par Myriam Verreault en 2019.
En outre, son deuxième roman, Manikanetish, paru en 2017, dépeint la persévérance, la lutte et le courage des jeunes de sa communauté, à qui elle enseigne le français. Faisant un pied de nez au misérabilisme, ce récit lumineux lui a valu d’être finaliste à plusieurs prix, tels que le Combat national des livres 2019 Radio-Canada et les Prix littéraires du Gouverneur général en 2018.
Manikanetish est le premier livre qui m’a fait découvrir Naomi Fontaine. Je suis tombé sous le charme de sa plume, de sa façon de raconter des histoires touchantes et humaines, avec à la fois un soubresaut de tristesse et une profonde résilience face à la vie.
Alexandre Huet, responsable de la mobilisation citoyenne et engagement public pour le Québec à la FDS
Son premier essai est quant à lui publié en 2019 et s’intitule Shuni. Il a été récompensé du Prix littéraire des collégiens 2020 et le Prix de création littéraire du Salon du livre de Québec 2020, dans la catégorie littérature adulte.
Winona LaDuke
Économiste, environnementaliste et autrice autochtone, Winona Laduke mobilise ses compétences pour bâtir des communautés prospères et durables, que ce soit pour la Nation White Earth au Minnesota dont elle est originaire ou bien pour l’ensemble des populations autochtones. Elle joue un rôle central lors des manifestations contre le Dakota Access Pipeline en 2016, qui cherchaient à protéger l’accès à l’eau et aux terres autochtones sacrées du Dakota du Nord.
Photo : Don J. Usner
En tant que membre Anishinaabekwe, elle défend fermement le droit des Premiers Peuples à contrôler leurs terres, leurs ressources et leurs pratiques culturelles. D’ailleurs, elle cocrée et copréside l’Indigenous Women’s Network, afin d’accroître la visibilité des femmes autochtones et de leur offrir les moyens de jouer un rôle actif.
En 1989, elle fonde le White Earth Land Recovery Project, dont l’objectif est de faciliter la récupération des terres de la réserve White Earth, tout en restaurant les pratiques traditionnelles et en renforçant la maîtrise de la langue, le développement communautaire, ainsi que l’héritage spirituel et culturel. Il s’agit aussi de favoriser le développement durable et les opportunités économiques pour la population autochtone, dans les domaines des énergies renouvelables ou de la protection de la culture locale de riz sauvage, par exemple.
De plus, elle s’est mobilisée avec le regroupement Women of All Red Nations pour rendre public le phénomène de stérilisation forcée qui a été infligé à des femmes autochtones, ainsi qu’avec les Indigo Girls, avec qui elle a fondé Honor the Earth, un groupe qui travaille au nom des organisations environnementales autochtones.
Enfin, Winona LaDuke est l’autrice de All Our Relations: Native Struggles for Land and Life, paru en 1999, et a reçu plusieurs prix, tels que le prix Alice et Clifford Spendlove de l’Université de Californie en justice sociale, diplomatie et tolérance.
Robin Wall Kimmerer
L’expertise de Robin Wall Kimmerer allie la science occidentale et les savoirs environnementaux autochtones, qui visent des objectifs communs de durabilité. Chercheuse et botaniste membre de la nation Potawatomi, elle endosse aussi les rôles d’autrice, de directrice fondatrice et de professeur émérite du Centre pour les peuples autochtones et l’environnement du Collège des sciences de l’environnement et des forêts de l’Université d’État de New York. Elle est aussi cofondatrice et ancienne présidente du volet Connaissances écologiques traditionnelles de l’Ecological Society of America.
Photo : Fondation John D. et Catherine T. MacArthur
Ses intérêts de recherche portent notamment sur le rôle des connaissances écologiques traditionnelles dans la restauration écologique, ainsi que sur l’écologie des mousses. Pour ce faire, ses étudiant.e.s et elles s’investissent à créer de nouveaux modèles. Ces derniers intègrent la philosophie et les outils scientifiques autochtones en lien avec la terre et les cultures traditionnelles, d’une façon qui respecte les connaissances des Premiers Peuples.
Elle est l’autrice de Gathering Moss : A Natural and Cultural History of Mosses, publié en 2003, qui fait dialoguer les connaissances autochtones traditionnelles et les perspectives scientifiques. Cet ouvrage a d’ailleurs été récompensé de la prestigieuse médaille John Burroughs pour l’écriture sur la nature en 2005.
Elle a également écrit Brainding Sweetgrass : Indigenous Wisdom, Scientific Knowledge, and the Teaching of Plants, sorti en 2013. Elle dévoile ici ses connaissances scientifiques des plantes et les mythes légués par ses ancêtres, tout en invitant à nourrir une relation réciproque avec le reste du monde vivant.
Sheila Watt-Cloutier
Sheila Watt-Cloutier est une représentante et militante inuite accomplie, qui est reconnue sur la scène internationale. Elle promeut la justice sociale et se mobilise contre les changements climatiques et la dégradation des écosystèmes, ce qui lui valu d’être nommée au prix Nobel de la paix en 2007.
Photo : Stephen Lowe/Right Livelihood
En outre, son ouvrage Le droit au froid, paru en 2015, témoigne de sa lutte pour protéger sa culture et a été nominé pour plusieurs prix. En effet, l’activiste est résolue à défendre le droit de son peuple à vivre dans le froid, alors menacé par la fonte du pergélisol et des calottes glaciaires en raison de la diminution de la couche d’ozone et d’événements météorologiques extrêmes. La glace fait partie intégrante du mode de vie traditionnel du peuple Inuit, constituant alors un enjeu de droits humains.
De plus, Sheila Watt-Cloutier participe activement aux négociations des Nations Unies contre l’usage des organismes polluants persistants (POP), qui menacent la santé et l’héritage culturel des communautés autochtones de l’Arctique. Elle joue d’ailleurs un rôle central dans la ratification de la Convention de Stockholm en 2001, qui restreint l’usage des POP désormais.
En 2005, elle présente une requête pour la reconnaissance du droit inuit au froid à la Commission interaméricaine des droits de l’homme. Cette première action en justice mondiale sur les changements climatiques clame que les droits de la personne du peuple inuit sont enfreints d’après la Déclaration américaine des droits et devoirs de l’homme de 1948. Elle ouvre en même temps la voie aux démarches futures liant le réchauffement planétaire aux droits ancestraux des peuples autochtones.
Sheila Watt-Cloutier reçoit plusieurs récompenses et distinctions ensuite, telles que les prix Champions de la Terre et Sophie en 2005, ainsi que le titre d’Officier de l’Ordre du Canada et un doctorat honorifique en droit de l’Université de Winnipeg en 2006.