En 2008, lorsque l’effondrement du marché des actions et de l’immobilier a plongé les États-Unis et le monde dans un marasme économique, les gouvernements sont venus à la rescousse en investissant des billions de dollars pour renflouer des entreprises. Les dirigeants de la société d’assurances AIG étaient si heureux de leur soutien de 152 milliards $ US (soit plus que ce que les États-Unis et l’Europe, ensemble, ont consacré cette année-là à l’aide au développement), qu’ils ont fêté cela avec un séjour de 440 000 $ dans une luxueuse station thermale !
Tout comme durant la crise financière de 2008-2009, on a observé durant la pandémie une diminution des émissions de CO2. Toutefois, en 2009, le soutien économique et la reprise ont alimenté un regain des émissions. Peu après que les mesures eurent stimulé les secteurs en difficulté, on a rapidement vu les intérêts industriels alimenter les moteurs de destruction des habitats, de pollution, de dérèglement climatique et d’autres détériorations environnementales.
La COVID-19 révèle les fondements instables de cette reprise. Alors que les gouvernements du monde entier élaborent des plans de relance post-pandémie, nous devons faire en sorte que ceux-ci aient des effets à long terme et nous permettent de faire face aux menaces actuelles et futures, notamment sur le plan du climat et de la biodiversité.
Une étude de l’International Institute for Sustainable Development, réalisée pour le compte d’organismes environnementaux canadiens comme la Fondation David Suzuki, soutient que tout soutien financier aux entreprises devrait s’accompagner de « conditions vertes ». Les mesures pour stimuler l’économie ne devraient pas aggraver la crise climatique ; elles devraient viser plutôt un avenir durable, équitable et résilient pour tous.
…notre reprise post-pandémie sera plus solide si nous délaissons les activités qui causent le dérèglement climatique, la perte de biodiversité, la destruction de l’environnement et la propagation des maladies, sans compter l’accentuation des inégalités.
Dans le monde entier, des économistes et autres spécialistes répètent que notre reprise post-pandémie sera plus solide si nous délaissons les activités qui causent le dérèglement climatique, la perte de biodiversité, la destruction de l’environnement et la propagation des maladies, sans compter l’accentuation des inégalités.
Selon Mark Carney, ancien gouverneur de la Banque du Canada et de la Banque d’Angleterre, le monde ne peut se permettre de rater cette occasion comme il l’a fait après la crise financière de 2008. « Vous ne pouvez effacer d’un coup de baguette le risque systémique, a-t-il déclaré. En fait, un modeste investissement au départ peut contribuer à économiser énormément en cours de route ».
Des études ont démontré que les mesures de soutien de nature environnementale génèrent au moins autant sinon plus d’emplois et de bénéfices économiques que les mesures neutres ou néfastes. L’analyse des politiques de soutien américaines durant la crise financière mondiale de 2008-2009 a permis de constater que les politiques vertes avaient donné des rendements positifs, surtout si on les compare au financement d’infrastructures de combustibles fossiles.
Un sondage mené auprès de 230 économistes reconnus de 53 pays, publié dans l’Oxford Review of Economic Policy, a conclu que « les mesures de soutien vertes étaient parmi les plus bénéfiques sur le plan économique, en plus de présenter un potentiel considérable de réduction des émissions. Elles peuvent également contribuer à dissocier les émissions de la croissance, restreindre les actifs – et les emplois – périclitants et orienter l’économie mondiale vers une avenue carboneutre plus rentable. »
Une étude de l’IISD demande au Canada d’adopter un éventail de mesures qui vont d’une aide financière aux entreprises conditionnelle à un plan mesurable de réduction des émissions visant la carboneutralité d’ici 2050, à l’exigence que cette aide soutienne les travailleurs plutôt que de favoriser les primes aux dirigeants, les dividendes ou les rachats d’actions.
« Le gouvernement a le droit et le devoir d’imposer des conditions à ce financement, afin de s’assurer qu’il contribue à l’avenir que nous voulons : un Canada vert et prospère. »
Aaron Cosbey, coauteur de l’étude, affirme que les plans de relance du gouvernement détermineront notre empreinte environnementale des prochaines décennies. « En fin de compte, nous aurons consacré des centaines de milliards de dollars au soutien et à la relance, une somme sans précédent pour les contribuables canadiens. Le gouvernement a le droit et le devoir d’imposer des conditions à ce financement, afin de s’assurer qu’il contribue à l’avenir que nous voulons : un Canada vert et prospère. »
L’Union européenne a déjà entrepris de relever le défi, en formant à la demande de ministres européens de l’environnement une « alliance de reprise verte » destinée à mettre le pacte vert pour l’Europe au cœur du plan de reprise post-pandémie de l’UE. »
« À l’heure de réinvestir dans l’économie, nous choisissons d’accélérer la transition écologique, a déclaré Pascal Canfin, président de la commission de l’environnement au Parlement européen. La COVID-19 n’a pas fait disparaître la crise climatique. »
Amsterdam est la première ville à avoir remplacé notre modèle de croissance économique dépassé par le « modèle du beignet » pour orienter les décisions en matière de politiques publiques. Ce modèle, élaboré par Kate Raworth, économiste à l’Oxford University, se fonde sur le principe que l’économie doit répondre aux besoins fondamentaux de chacun, dans les limites de la planète.
Nombre de personnes subissent les effets de la pandémie – isolement, perte d’emploi, incertitude économique, maladie, décès – et rêvent d’un retour rapide à la « normale ». Or, comme nous l’avons appris en 2009, la « normale » ne suffit pas. Pour assurer notre bien-être et notre survie, nous devons rebâtir mieux. Nous avons les connaissances, les ressources et les études pour le faire. Il ne manque que la volonté politique.
DEMANDEZ À OTTAWA DE SOUTENIR UNE RELANCE VERTE ET JUSTE !
Traduction : Monique Joly et Michel Lopez