Lorsque la crise climatique semble accablante et que la réconciliation semble difficile et lointaine, les forêts de guérison apportent proximité et réconfort. (Photo : Juliane Liebermann via Unsplash )

Si quelqu’un vous suggère de partir en randonnée, remerciez-le  et demandez-lui de se joindre à vous.

La randonnée en pleine nature n’est pas seulement bonne pour votre santé; elle peut aussi servir de toile de fond à une action intentionnelle de réconciliation entre les peuples autochtones et les non-autochtones.

Le « bain de forêt », ou l’immersion sensorielle en nature, a été popularisée au Japon dans les années 1980. Connu sous le nom de shinrin-yoku en japonais, il s’agit d’une forme d’écothérapie que plusieurs cultures connaissent et ont adoptée depuis longtemps; le contact avec la nature est salutaire.

La science confirme les bienfaits de cette pratique. Une étude réalisée en 2019 portant sur les effets physiques et mentaux du bain de forêt montre que chez des personnes en âge de travailler, cette pratique pouvait entraîner des « effets positifs notables sur la santé mentale, particulièrement chez celles étant sujettes à la dépression ». Une autre étude montre que le bain de forêt améliore de manière importante « l’état émotionnel, l’attitude et les sentiments des gens à l’égard des choses, de même que leur récupération physique et psychologique et leurs comportements adaptatifs, et contribue à un allègement évident des symptômes d’anxiété et de dépression. »

Le contact avec la nature guérit – de plusieurs façons.

Le contact avec la nature guérit – de plusieurs façons.

Dans la foulée du rapport de la Commission de vérité et réconciliation de 2015, Patricia Stirbys, une avocate non-praticienne de la nation crie Saulteau, et Peter Croal, géologue et consultant en développement au niveau international, ont financé l’initiative National Healing Forests. En combinant la réconciliation et le processus de guérison pour créer une expérience immersive, ils souhaitaient, par leur geste d’amour, créer un réseau de forêts de guérison dans l’ensemble des territoires que nous partageons.

Aujourd’hui, on compte 10 forêts de guérison au Canada. De Gibsons en Colombie-Britannique à Fitch Bay, au Québec, en passant par le Cap-Breton en Nouvelle-Écosse, des personnes et des collectivités ont aménagé de petits et grands espaces verts pour honorer la mémoire des premiers habitants de ces territoires ainsi que leurs descendants, reconnaître les enfants qui ont fréquenté les pensionnats, renseigner la population sur les événements tragiques qui ont marqué l’histoire du Canada et offrir aux gens l’occasion de commencer leur propre cheminement vers la guérison et la réconciliation.

La forme que peut prendre une forêt de guérison n’est pas définie. On demande seulement que le lieu soit constitué d’un espace vert consacré à l’esprit de réconciliation. Ces endroits permettent aux personnes autochtones et non autochtones de se rencontrer, méditer, guérir et participer à des cérémonies. On souhaite que cette initiative serve à la sensibilisation et à la compréhension de l’histoire du Canada et de la marque qu’a laissé le système des pensionnats, et qu’elle puisse aider les personnes à se rapprocher les uns des autres et prendre contact avec la nature.

Chaque forêt de guérison est différente. L’une d’elles est située sur la propriété d’une église. Une autre en bordure d’un sentier public. Peu importe la forme qu’elles prennent, elles permettent toutes aux gens de se rapprocher, de partager et peut-être de recevoir l’inspiration nécessaire pour créer leurs propres forêts de guérison.

Les étudiants de l’école Riversige à Albert Bridge en Nouvelle-Écosse ont aménagé un sentier interactif de deux kilomètres dans la forêt près de l’école qu’ils appellent « le sentier de la connaissance ». Ce sentier comprend aussi une forêt de guérison. Les étudiants ont invité les aînés autochtones à venir partager leurs histoires au centre du sentier, là où des bancs ont été installés autour d’une roue de médecine en béton. Le long du sentier décoré de maisons d’oiseaux et de jardins de fleurs, des panneaux comportant des codes QR permettent aux visiteurs d’accéder à des renseignements sur les plantes en anglais et en micmac.

Dans le parc River Valley d’Edmonton, le mouvement Reconciliation in Solidarity Edmonton a suspendu 1 000 cœurs en papier aux arbres le long d’un sentier. Plus de 300 personnes se sont rassemblées pour fabriquer les cœurs, en y inscrivant un message de réconciliation et une information sur l’histoire du Canada. Les visiteurs peuvent ainsi faire un voyage dans le temps en parcourant la forêt. Après avoir enlevé accidentellement tous les cœurs du site, la ville s’est excusée et a accordé un montant de 55 000 $ à l’organisme pour l’établissement d’une forêt de guérison permanente.

Cette année, la Fondation David Suzuki contribue à l’initiative National Healing Forests, en accordant des subventions pour l’achat de semences aux personnes et aux groupes afin de les aider à aménager des forêts de guérison dans 10 communautés.

Cette année, la Fondation David Suzuki contribue à l’initiative National Healing Forests, en accordant des subventions pour l’achat de semences aux personnes et aux groupes afin de les aider à aménager des forêts de guérison dans 10 communautés.

Lorsque nous sommes dépassés par la crise climatique, et que la réconciliation nous semble difficile et inaccessible, les forêts de guérison nous procurent des bienfaits immédiats et tangibles. Ils permettent à tout le monde de poser des gestes concrets afin de promouvoir la santé, la guérison et l’esprit communautaire. En raison des périodes d’isolement et de fermetures auxquelles les gens ont été contraints à l’échelle de la planète, les bienfaits que procurent ce type de rapprochements communautaires sont inestimables.

Pas besoin d’être un scientifique pour connaître le pouvoir de guérison de la nature.

Pas besoin d’être un scientifique pour connaître le pouvoir de guérison de la nature. Les scientifiques s’entendent néanmoins sur une chose : l’humanité vit une période cruciale où elle doit sortir pour réaffirmer son amour et son respect à la planète. Cette période est déterminante aussi pour la population du Canada qui doit relever le défi de la réconciliation.

La Terre a atteint un point de non-retour. Le temps est venu d’amorcer notre guérison, celle de notre histoire et de notre planète avant qu’il ne soit trop tard.

La prochaine fois que quelqu’un vous proposera de partir en randonnée, acceptez son invitation et proposez-lui de vous accompagner dans un parcours de guérison.