Le 12 novembre 2019, Veneto, le conseil régional italien, débattait à Venise de sa politique climatique. Quelques minutes après le rejet majoritaire d’amendements budgétaires destinés à contrer les perturbations climatiques, les salles du conseil étaient inondées. Les inondations sont courantes à Venise, mais elles vont en s’aggravant. Et dans ce cas-ci, la coïncidence a été perçue comme un message.
Notre existence même est une pure merveille. Nous vivons sur une boule d’eau et de roc en mouvement, à une distance du soleil parfaite pour favoriser les cycles naturels qui ont créé les conditions propices au développement de la vie telle que nous la connaissons. Mais, l’explosion de la population humaine et de l’hyperconsommation a, en relativement peu de temps, déséquilibré ces systèmes naturels. En utilisant les combustibles fossiles sans discernement et en détruisant les puits de carbone naturels que sont les forêts et les milieux humides, nous avons perturbé le cycle du carbone à un rythme tel que nous en subissons les conséquences plus rapidement que prévu.
L’Australie est en feu. Certaines zones d’Europe sont frappées par des inondations. Dans le Nord canadien, la fonte du pergélisol fait craindre la libération du méthane capté naturellement, ce qui entraînera l’accélération du réchauffement. Les perturbations climatiques affectent l’agriculture et le mode de vie, forçant des populations à fuir leur foyer. En Inde, des villages entiers sont abandonnés en raison du manque d’eau et de températures trop élevées pour la survie des récoltes.
Le Nord canadien se réchauffe trois fois plus vite que la moyenne mondiale, et l’ensemble du pays deux fois plus vite que la moyenne.
Selon le Lancet Countdown, une recension internationale sur les conséquences des changements climatiques sur la santé humaine réalisée par 120 experts de 35 établissements universitaires, la population canadienne est confrontée à un éventail de risques pour la santé causés par les nombreux effets des feux de forêt et de la pollution, notamment l’asthme et autres maladies respiratoires. On y constate que la pollution inhérente au transport terrestre a, à elle seule, provoqué plus de 1 000 décès en 2015.
Au Canada et dans le monde entier, nous avons aggravé la situation pour les jeunes d’aujourd’hui, en condamnant nos enfants, petits-enfants et les générations à naître à un avenir incertain.
Au Canada et dans le monde entier, nous avons aggravé la situation, en condamnant nos enfants, petits-enfants et les générations à naître à un avenir incertain. Le rapport de Lancet révèle que les enfants et les aînés, de même que les personnes démunies, sont particulièrement vulnérables aux perturbations climatiques.
Le réchauffement mondial entraîne un éventail de problèmes de santé. On enregistre une augmentation des maladies et des décès de source climatique : feux de forêt et fumée ; progression vers de nouveaux territoires d’insectes porteurs de la maladie de Lyme et de la dengue notamment ; hausse de la malnutrition en raison de sécheresses et d’inondations qui affectent les cultures et créent une pénurie alimentaire ; prolifération de bactéries diarrhéiques mortelles, comme le choléra, qui frappent davantage les enfants.
« Le corps et le système immunitaire des enfants sont encore en développement, ce qui les rend plus vulnérables aux maladies et polluants environnementaux, affirme Nick Watts, directeur général du Lancet Countdown. Or, les problèmes contractés durant la petite enfance ont des effets toute la vie. Sans action immédiate de tous les pays, les changements climatiques influeront sur la santé de toute une génération. »
On pourrait croire que nous mettons tout en œuvre pour protéger nos enfants.
Or, ce n’est pas le cas.
On pourrait croire que nous mettons tout en œuvre pour protéger nos enfants. Or, ce n’est pas le cas. Ici et ailleurs, les gouvernements placent encore les intérêts du secteur des énergies fossiles devant ceux des citoyens, en plus de minimiser la crise climatique. Les climatosceptiques sont toujours aussi désinformés et crient toujours aussi fort. Les dirigeants du secteur pétrolier affirment prendre la question du climat au sérieux, tout en convenant que la demande pour les combustibles fossiles augmente et qu’il faut donc en profiter pour accroître les revenus.
Forts des connaissances et des solutions à notre disposition, pourquoi n’agissons-nous pas ? Pourquoi mettons-nous ainsi en péril l’humanité ?
En réponse à ces questions, mon ami William Rees, professeur émérite en écologie humaine et en économie verte, avance dans un article en deux volets publié dans Tyee que nous sommes encore dépendants des combustibles fossiles. Faisant écho à mes propres opinions, Rees écrit : « Un monde rationnel, bien ancré dans la réalité, aurait amorcé une stratégie à long terme de réduction il y a 20 ou 30. »
Mais, nous n’avons pas agi de façon rationnelle, et bien des gens ne le font toujours pas. Rees propose onze stratégies pour faire face à la crise, qui vont au-delà du nouveau pacte vert ou « New Deal vert ». On y note « une reconnaissance formelle de la fin de la croissance matérielle et la nécessité de réduire l’empreinte écologique humaine », de diminuer en fait la production et la consommation.
Nous ne pouvons pas revenir en arrière. Mais, grâce à un véritable effort et à l’ingéniosité humaine, nous pouvons apprendre à mieux vivre en harmonie avec la nature. Nous pouvons nous sortir de la crise climatique, mais il est trop tard pour les demi-mesures. Nous devons nous mobiliser comme jamais auparavant, davantage même que durant les grandes guerres. Nous devons sans délai nous débarrasser de notre dépendance aux combustibles fossiles, pour notre bien et celui de nos enfants.
Traduction : Monique Joly et Michel Lopez