Cette année, le «Jour du dépassement» est arrivé le 22 août, la date la plus tardive des 15 dernières années. Y a-t-il lieu de se réjouir ? Depuis 1970, l’augmentation de la consommation par habitant, de la population et des émissions de gaz à effet de serre a contribué à rapprocher cette date tous les ans, jusqu’à survenir ces dernières années fin juillet ou début août.
Selon le Global Footprint Network, qui établit ce cap, « le Jour du dépassement correspond à la date à partir de laquelle la demande de l’humanité en ressources et services environnementaux dépasse la capacité de régénération annuelle de la Terre. » Malgré cette date plus tardive, nous avons consommé les ressources d’une année entière en moins de huit mois.Autrement dit, il nous faudrait 1,6 Terre pour que les écosystèmes de notre planète puissent répondre à la demande actuelle de l’humanité.
L’objectif de cette mesure est d’utiliser toutes les solutions actuelles et émergentes pour «repousser la date» le plus près possible de la fin de l’année. Or, cette année, le dépassement plus tardif que prévu est en grande partie dû à la pandémie de COVID-19 plutôt qu’à des mesures directes destinées à contrer l’urgence climatique et autres crises.
Selon le Network, le ralentissement pandémique à l’échelle mondiale a contribué à réduire l’empreinte carbone (les émissions) de 14,5 pour cent et l’empreinte des produits forestiers de 8,4 pour cent par rapport à 2019, soit une diminution globale de 9,3 pour cent de l’empreinte écologique.
Le président du Global Footprint Network, Mathis Wackernagel, voit dans les résultats de cette année le signe qu’il est possible de réaliser des progrès, mais ces progrès doivent être « planifiés plutôt que subis ».
Il compare notre comportement à une fraude dans laquelle la richesse actuelle sera remboursée plus tard par d’autres. « La plupart des pays ont adopté des lois assez strictes contre la vente pyramidale d’investissements, mais nous semblons trouver ce genre de fraude normale dans le domaine écologique, a-t-il écrit dans le Guardian. Nous ne disposons que d’une seule planète, que nous le voulions ou non. Le choix est donc simple : la prospérité ou la misère pour cette unique planète. »
Cette réalité illustre la nécessité d’une relance post-pandémique qui va au-delà d’un retour à la « normale », et de mesures de lutte contre la crise environnementale qui vont au-delà de la relance post-pandémique.
Tout commence par la reconnaissance que le bien-être et la santé de l’humanité dépendent de terres fertiles et d’air et d’eau propres.
Le Global Footprint Network cible cinq volets : la planète, les villes, l’énergie, l’alimentation et la population. Ses études et solutions rejoignent les travaux de nombreux autres organismes, notamment le Project Drawdown et la Fondation David Suzuki. Tout commence par la reconnaissance que le bien-être et la santé de l’humanité dépendent de terres fertiles et d’air et d’eau propres.
Comme les villes consomment déjà 78 pour cent de l’énergie mondiale et produisent plus de 60 pour cent des émissions de gaz à effet de serre, et comme nous devenons de plus en plus urbains, «il nous faut des plans d’urbanisme et des stratégies de développement urbain qui assurent l’adéquation entre l’approvisionnement en capital naturel et les demandes de la population.»
Une étude de la Fondation David Suzuki sur la transition énergétique conclut que la décarbonisation de l’économie est essentielle pour contrer les catastrophes climatiques. Il est également important de se tourner vers des sources alimentaires locales, d’adopter une alimentation végétarienne, d’éviter les aliments transformés et de réformer les pratiques agricoles.
La croissance rapide de la population s’avère également insoutenable, bien que la consommation constitue un problème nettement plus grave. À preuve, le fait que les 10 pour cent les plus nantis de la planète produisent près de la moitié des émissions liées à la consommation, tandis que la moitié la plus pauvre de l’humanité en produit à peine 10 pour cent.
Grâce à un meilleur accès à l’éducation et à la planification familiale, grâce aussi à plus d’équité et à de meilleures perspectives économiques, les femmes ont moins d’enfants et les ont souvent plus tard.
La recherche démontre que la meilleure façon de freiner la croissance de la population passe par l’autonomisation des femmes. Grâce à un meilleur accès à l’éducation et à la planification familiale, grâce aussi à plus d’équité et à de meilleures perspectives économiques, les femmes ont moins d’enfants et les ont souvent plus tard.
Selon Project Drawdown, la planification familiale et l’éducation des filles (que l’organisme considère comme des droits humains fondamentaux) pourraient ralentir la croissance de la population humaine d’un million d’ici 2050, ce qui éviterait l’émission dans l’atmosphère de plus de 85 gigatonnes de gaz à effet de serre.
Bien que le ralentissement de la croissance de la population soit crucial, nous ne pourrons pas résoudre la crise climatique sans réduire la quantité de ressources que nous consommons, en particulier dans les pays développés. Comme le souligne le Global Footprint Network, nous consommons les ressources à un rythme beaucoup plus rapide que la Terre ne peut les reconstituer. Il en résulte non seulement une crise climatique, mais également une profonde crise d’extinction et de biodiversité, ainsi qu’une dévastation soutenue de l’environnement.
La COVID-19 a mis l’humanité sur pause et exposé des failles de notre système actuel. Elle a aussi démontré que nous pouvons consommer moins et aspirer à quelque chose de mieux que la «normale». Nous sommes à la croisée des chemins : nous devons rapidement passer à l’action.
DEMANDEZ À OTTAWA DE SOUTENIR UNE RELANCE VERTE ET JUSTE!
Traduction : Monique Joly et Michel Lopez