« On entre en Minganie comme dans un pays de légende », pouvait-on lire dans le récent livre Demain, le Québec. Pour le vivre, l’équipage de la Mission Plancton Cosmique accoste au port de Mingan, appelé Ekuanitshit par la communauté innue qui habite ce territoire.

Notre goélette en bois de 19 mètres ne passe pas inaperçue. Marcelin Rousselot, un pêcheur, nous accueille et partage spontanément du poisson. D’autres bateaux accostés nous offrent du homard, des pétoncles et des bourgots. Quelle générosité! Des parents, avec leurs enfants assis devant, vont et viennent en quatre-roues sur le quai. Le port est en pleine effervescence.

Premier soir à Mingan

Au soleil couchant, Sylvie Basile, une émissaire du conseil de bande, monte à bord. Notre capitaine Lancelot, qui nous avait présenté les îles Mingan au début du voyage, écoute attentivement les noms traditionnels innus de l’archipel que lui récite notre invitée. Tout l’équipage est suspendu à ses lèvres tandis qu’elle nous raconte comment ses ancêtres naviguaient d’une île à l’autre en canots d’écorce pour y récolter des œufs, chasser le canard Eder ou encore le loup marin. Les saisons rythmaient la vie, la chasse et la pêche. En été, la communauté vivait sur les côtes et les îles, tandis qu’en hiver elle se repliait sur les terres, dans la forêt boréale.

La lune éclaire le quai et nous soupons avec Sylvie pour la remercier. Pendant ce temps, visite impromptue de deux archéologues curieux attirés par le navire. Jean-Christophe et Chavin collaborent avec la communauté pour les aider à retracer et valoriser la riche histoire de l’occupation de l’archipel.

À la recherche de l’Histoire

Au lever du soleil, on se rend en zodiac au site de fouille situé sur l’île du Havre de Mingan. À quelques dizaines de mètres du rivage, un ancien poste de traite datant de 1650 avait déjà été exposé par une équipe d’archéologues universitaires. Mais les secrets qui relatent l’histoire des Innus ainsi que la préhistoire de leurs ancêtres étaient restés terrés.

Parmi les perles bleues, les ustensiles de cuivre et les tessons de céramique d’origine européenne, on retrouve des morceaux de terre cuite et autres objets usuels autochtones. Soudain, un petit cri d’excitation retentit. Une Innue au visage illuminé présente sa trouvaille : une pointe de flèche! Ce projet entièrement financé par la communauté sert aussi à former des stagiaires innus. « Voilà un projet qui marie judicieusement science et savoirs traditionnels », se réjouit Chavin.

Tranche de vie

Sur le continent, la Maison de la culture innue nous ouvre ses portes. La poétesse Rita Mestokosho nous accueille. « Ceux qui viennent de la mer portent beaucoup de choses en eux », dit-elle. Propulsant de la fumée de sauge et de cèdre avec des plumes d’aigles, sous le rythme des chants de gorge, Rita invite les esprits à soigner nos âmes. Elle nous raconte ensuite comment avec son tambour elle a un jour appelé la baleine sur l’Île Nue. En rêve, elle a plongé vers les profondeurs marines avec ce géant pour y découvrir un espace qui lui rappelait le ciel. Le soleil, son grand-père, et la lune, sa grand-mère, côtoient ses frères et sœurs les étoiles. « La cosmogonie et les légendes permettent au peuple innu de transmettre des valeurs selon les traditions orales aux enfants couchés sous les tentes », se rappelle Rita. Pour elle aussi, il faut marier les savoirs traditionnels aux connaissances scientifiques afin de mieux comprendre notre monde. « Si les scientifiques distinguent la rivière de la mer pour mieux les comprendre, moi je les vois comme deux facettes d’un continuum. »

Cette interdépendance entre les hommes, les plantes, les animaux, les rochers et l’eau est l’une des leçons à retenir des enseignements autochtones si l’on veut préserver l’environnement pour les sept prochaines générations. Avant de sombrer dans un sommeil bercé par les vagues, l’équipage a visionné La terre vue du cœur produit par notre coéquipière Marie-Dominique Michaud et mettant en vedette le philosophe Hubert Reeves. Ce film, à l’instar des apprentissages que nous avons faits dans ce territoire de Minganie, montre bien comment un regard différent sur notre monde s’avère plus que jamais essentiel. Plancton cosmique, une mission qui allie le cœur, la science et l’esprit poursuit sa navigation vers de nouvelles découvertes.