Oilsands development in Northern Alberta (Photo : Foundation for Democratic Advancement's sur Flickr)

Quelle est la meilleure façon de répondre à un « code rouge »? Des recherches récentes nous mettent à l’épreuve. Le rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat intitulé « Climate Change 2021: The Physical Science Basis », soit la première partie de sa sixième évaluation, confirme que nous continuerons de nous diriger vers un avenir terrible si nous ne réduisons pas les émissions de gaz à effet de serre et nous ne protégeons pas les zones naturelles qui absorbent et stockent le carbone.

Selon un rapport antérieur de l’Agence internationale de l’énergie, pour empêcher le réchauffement catastrophique dans le monde et atteindre les objectifs mondiaux de zéro émission nette d’ici 2050, il faut mettre fin à l’exploration et à la mise en valeur du pétrole et du gaz et ne pas construire de centrales au charbon.

Un « code rouge pour l’humanité », comme l’a dit le rapport du GIEC, devrait faire l’objet d’une réponse unie, efficace et ambitieuse, comme dans le cas de la COVID-19. Avec autant de preuves que l’humanité fait face à une menace existentielle collective, on s’attendrait à ce que les gouvernements, l’industrie et la société civile s’unissent pour résoudre la crise, surtout compte tenu des nombreuses solutions disponibles et émergentes. Pour être juste, il faut dire que des efforts ont été déployés lors de sommets mondiaux sur le climat et d’autres événements semblables, mais il y a toujours plus de discussions que d’interventions urgentes. Ce n’est que du « bla bla bla », comme Greta Thunberg l’a si bien dit.

Comme le font remarquer de nombreux experts, nous « ajoutons de l’huile sur le feu » dans cette crise climatique, alors que nous devrions faire tout notre possible pour l’éteindre.

Selon le Fonds monétaire international (FMI), les gouvernements du monde subventionnent le charbon, le pétrole et le gaz à raison de 11 millions de dollars américains chaque minute!

Cela représentait près de 6 billions de dollars en 2020. Le Canada a été particulièrement généreux, donnant à l’industrie près de 64 milliards de dollars.

Le FMI répartit les subventions entre celles qui réduisent le prix du carburant (8 %), les allégements fiscaux (6 %), l’omission de faire payer les pollueurs pour les décès et les problèmes de santé causés par la pollution atmosphérique (42 %), et les vagues de chaleur et autres effets du réchauffement mondial (29 %).

En d’autres termes, bien que les subventions sous forme de redevances, d’allégements fiscaux, d’achats d’infrastructure et ainsi de suite soient considérables, bon nombre d’entre elles découlent du fait que des industries comme celles du charbon, du pétrole et du gaz ne tiennent pas compte des dommages coûteux qu’elles causent à la société. Leur prix ne reflète pas tous les coûts sociaux.

En utilisant des calculs qui ne tenaient pas compte des effets externes comme les dommages à la santé, à l’infrastructure et à l’environnement, un rapport d’Environmental Defence a estimé les subventions du Canada à environ 18 milliards de dollars, dont 3,28 milliards de dollars en dépenses directes et 13,6 milliards de dollars en financement public pour les sociétés pétrolières et gazières. Le rapport souligne que le total « est une sous-estimation, car le gouvernement et les sociétés pétrolières font preuve de peu de transparence envers le public en ce qui concerne ce soutien financier, notamment pour les allégements fiscaux ».

Certaines subventions étaient destinées aux pipelines. « En 2020, Exportation et développement Canada a octroyé jusqu’à 5,25 milliards de dollars en renouvellements de financement pour l’expansion du pipeline Trans Mountain, un projet public qui coûtera au moins 12,6 milliards de dollars et qui aura une forte empreinte carbone », indique un article de Narwhal.

ED fait remarquer que le gouvernement fédéral ne s’est engagé qu’à hauteur de 15 milliards de dollars pour les initiatives climatiques, et ce, sur dix ans.

Les pays du G7, y compris le Canada, promettent d’éliminer progressivement les subventions aux combustibles fossiles depuis 1990 et, en 2016, ils ont fixé la date limite à 2025! Ils ont fait peu de progrès. Selon ED, « le Canada se classe au deuxième rang des pays du G20 pour ce qui est du financement public du pétrole et du gaz » (derrière la Chine) et il affiche le pire résultat par habitant.

Le rapport du GIEC confirme que l’utilisation des combustibles fossiles et la destruction des puits de carbone naturels réchauffent la planète à un rythme sans précédent qui continue de s’accélérer, et que ce réchauffement mondial se poursuivra au moins jusqu’au milieu du siècle, peu importe les mesures qui seront prises, en raison des émissions déjà dans l’atmosphère, et qu’il dépassera 1,5 à 2,0 °C au cours du présent siècle, à moins d’une réduction rapide des émissions.

Nous comprenons le problème et nous avons des solutions. Toutefois, nous n’arrivons pas à nous défaire des mythes de la croissance constante et des moteurs économiques alimentés par les combustibles fossiles. Ainsi, le monde continue de soutenir une industrie gaspilleuse, archaïque et destructrice simplement parce qu’elle a alimenté notre société de consommation et son économie pendant des décennies.

Donner des billions de dollars à une industrie moribonde qui, selon toutes les données probantes, doit être arrêtée n’est pas la bonne réponse à un code rouge. Alors que les pays du monde sont réunis à Glasgow pour la Conférence des Nations Unies sur le climat jusqu’au 12 novembre, ils doivent reconnaître que le temps du gradualisme est révolu depuis longtemps.

Comme le dit Greta Thunberg, nous en avons assez du « bla bla bla ». Il est temps d’apporter des changements réels et transformateurs.

– FIN –

 

LIENS UTILES :

Climate Change 2021: The Physical Science Basis:
https://www.ipcc.ch/report/sixth-assessment-report-working-group-i/

Rapport de l’Agence internationale de l’énergie :
https://www.iea.org/reports/net-zero-by-2050

De l’huile sur le feu :
https://www.theguardian.com/environment/2021/oct/06/fossil-fuel-industry-subsidies-of-11m-dollars-a-minute-imf-finds

Selon le Fonds monétaire international :
https://www.imf.org/en/Publications/WP/Issues/2021/09/23/Still-Not-Getting-Energy-Prices-Right-A-Global-and-Country-Update-of-Fossil-Fuel-Subsidies-466004

Rapport d’Environmental Defence :
https://environmentaldefence.ca/report/federal_fossil_fuel_subsidies_2020/

Selon un article de Narwhal :
https://thenarwhal.ca/canada-oil-gas-pandemic-subsidies-report/

Promesse d’éliminer progressivement les subventions aux combustibles fossiles :
https://odi.org/en/publications/multimedia/are-the-g7-on-track-to-phase-out-fossil-fuel-subsidies-by-2025/

Rencontre à Glasgow pour la conférence des Nations Unies sur le climat :
https://ukcop26.org/