Fort McMurray, Alberta (Photo: Kris Krüg via Flickr)

Pour certains politiciens, la protection des intérêts d’un secteur en déclin s’avère plus importante que la protection des citoyens qui les ont élus. En Australie, l’industrie du charbon s’impose dans les politiques gouvernementales. Au Canada, l’exploitation des sables bitumineux et du gaz de schiste fait la pluie et le beau temps. Aux États-Unis, ce sont tous ces secteurs qui priment. Heureusement, certaines personnes, en particulier des jeunes, se font les porte-voix d’un discours rationnel qui reconnaît l’immense potentiel des énergies propres et de la diversification économique.

Les politiciens justifient souvent leur appui indéfectible au secteur des combustibles fossiles par leur volonté de protéger les emplois et l’économie, mais cet argument ne tient pas la route.

Malgré les allégations de certains élus australiens et américains, il n’y a pas d’avenir pour le charbon et il n’existe pas de « charbon propre ». Au Canada, les opposants aux oléoducs, les communautés autochtones et les groupes environnementalistes ne mettent pas en péril les emplois de l’industrie des sables bitumineux ; son déclin est attribuable à l’automatisation, aux tendances du marché et aux changements causés par la crise climatique.

Suncor Energy a récemment mis en place un système automatisé de roulage à sa mine de sables bitumineux de North Steepbank et entend porter à 150 le nombre de ses camions sans conducteur dans ses installations au cours des cinq prochaines années, ce qui supprimera des centaines d’emplois. D’autres entreprises emboîtent le pas. Elles adoptent également des technologies automatisées, notamment des drones, pour un éventail de tâches, de l’arpentage à l’inspection des oléoducs. En 2017, Kieron McFadyen, alors vice-président directeur de Cenovus Energy, a déclaré à des investisseurs que l’entreprise visait à long terme une automatisation totale de l’exploitation des sables bitumineux.

Les tendances du marché ont également des effets considérables sur les emplois et les perspectives économiques du secteur des combustibles fossiles, en particulier des produits extrêmement polluants que sont le charbon et le pétrole sale et difficile à extraire comme le bitume. Plusieurs facteurs affaiblissent le marché du bitume. La surproduction mondiale de pétrole, alimentée notamment par la croissance du pétrole de schiste aux États-Unis, a provoqué la chute des prix, surtout de produits de moindre qualité comme le bitume.

Le calcul du « rendement énergétique sur l’énergie investie » — la quantité d’énergie produite par rapport à la quantité d’énergie nécessaire pour la produire — est l’une des raisons qui expliquent le faible prix du pétrole lourd par opposition au pétrole conventionnel. Ce dernier a généralement produit 30 unités par unité investie, bien que ce chiffre tende à diminuer avec l’épuisement des sources faciles d’accès. Des données récentes démontrent que l’énergie éolienne peut atteindre ce même rapport, tandis que le solaire enregistre un rapport d’au moins 9:1. Dans le cas des sables bitumineux, ce ratio est de 5:1 ou moins en raison des importantes quantités d’énergie nécessaires à l’extraction, au traitement et au raffinage, ce qui en fait un produit coûteux et inefficace qui émet beaucoup plus de carbone que le pétrole conventionnel.

Des données récentes démontrent que l’énergie éolienne peut atteindre ce même rapport, tandis que le solaire enregistre un rapport d’au moins 9:1.

Le transport du bitume par oléoduc est également coûteux : chaque volume de dix barils de bitume doit être dilué au moyen de trois barils de condensat, ce qui le rend plus cher que le brut léger. En raison de leur coût et de leur inefficacité, les produits des sables bitumineux sont moins recherchés sur les marchés mondiaux.

Ce sont cependant les changements climatiques qui constituent la principale menace à l’avenir des énergies comme le bitume et le charbon. Dans le cadre de l’Accord de Paris, tous les pays se sont engagés à réduire leurs émissions, afin de limiter la hausse de la température moyenne mondiale en deçà des 2 oC par rapport au niveau préindustriel, l’objectif étant de 1,5 oC. Or, nous enregistrons déjà une hausse de près de 1 oC ! Cela signifie que nous ne pouvons pas brûler la majeure partie du pétrole, du charbon et du gaz encore sous terre. Les technologies énergétiques propres progressent rapidementon observe un désinvestissement croissant dans le secteur des combustibles fossiles et les gens trouvent de nouvelles façons de réduire leur consommation d’énergies polluantes.

Pourtant, plutôt que de tenir un débat rationnel sur la transition vers des énergies plus propres sans trop de conséquences pour les travailleurs et la société, des médias et des politiciens sans vision nous abreuvent d’arguments fallacieux et de théories conspirationnistes absurdes sur le financement des personnes et organismes qui aspirent à un avenir prospère, à une stabilité climatique et à un air, une eau et des sols propres.

Un réel souci des travailleurs consisterait à les aider à trouver de nouvelles façons d’exercer leurs compétences et à en acquérir de nouvelles, ainsi qu’à les inciter à occuper des emplois dans les énergies propres, un secteur en expansion. C’est ce que vise le gouvernement canadien avec la mise sur pied de son Groupe de travail sur une transition équitable pour les travailleurs et les collectivités du secteur canadien du charbon. Tous les partis politiques devraient explorer des façons de réformer les politiques d’emploi dans une optique de réduction des déchets, des inégalités et du consumérisme rampant, notamment un meilleur équilibre travail-famille par une réduction de la semaine de travail.

Un réel souci des travailleurs consisterait à les aider à trouver de nouvelles façons d’exercer leurs compétences et à en acquérir de nouvelles, ainsi qu’à les inciter à occuper des emplois dans les énergies propres, un secteur en expansion.

Les dirigeants qui se soucient des gens qu’ils représentent, qui comprennent la science, les tendances sociales et le potentiel technologique savent qu’un avenir sobre en carbone promet sur le plan de la santé, de la vie et de la résilience économique. Le secteur des combustibles fossiles est encore le plus rentable (et parmi les plus destructeurs) de l’histoire humaine, mais cette ère arrive à terme. Les vrais dirigeants comprennent cette réalité.

 

Traduction : Monique Joly et Michel Lopez