Les animaux privés de leur habitat naturel ne sont plus «sauvages», ce sont des artefacts.

Les animaux privés de leur habitat naturel ne sont plus «sauvages», ce sont des artefacts. (Photo : arranging constellations via Flickr)

Nous croyons pour la plupart que les animaux sauvages comme les tigres et les loups n’ont pas leur place dans nos sous-sols ou nos cours arrières comme animal de compagnie, et ce, même si nous n’avons pas vu la série Au royaume des fauves! Heureusement, la majorité des municipalités prévoient des règlements qui interdisent cette pratique.

Ces règlements ne s’appliquent cependant pas à toutes les espèces sauvages. Les gens continuent d’adopter des animaux « exotiques » comme des reptiles et des amphibiens de toute taille et de toute forme comme des lézards, serpents, couleuvres, tortues terrestres et marines, grenouilles et salamandres. Privés de leur habitat naturel, les animaux ne sont toutefois plus sauvages; ce ne sont plus que des artefacts.

Certaines provinces canadiennes, comme l’Île-du-Prince-Édouard et la Saskatchewan, prévoient des lois une réglementation sur les animaux exotiques, mais la plupart d’entre elles en relèguent l’application aux municipalités. Plus de 200 municipalités canadiennes ont établi une liste d’animaux qu’il est interdit de garder en captivité. Cette liste comprend surtout des mammifères, peu d’oiseaux, encore moins de reptiles et d’amphibiens et rarement des poissons ou des invertébrés. Il existe peu ou pas de réglementation concernant la garde des espèces autres que les mammifères.

La vie n’est pas très amusante pour des animaux confinés ou vivant seuls dans de petites cages d’une résidence, gardés en captivité pour le seul plaisir des humains.

Ce que les propriétaires d’animaux de compagnie ne savent pas toutefois, c’est que le commerce d’animaux exotiques entraîne d’importantes répercussions sur le plan de l’écologie.

L’un des problèmes environnementaux les plus importants survient lors que des animaux exotiques sont abandonnés ou relâchés dans la nature par des personnes qui n’ont pas tenu compte de la taille ou de la longévité éventuelle de ces animaux ni des frais de garde élevés qu’ils supposent. Certaines personnes prennent le temps de trouver un refuge pour leur animal, mais rares sont les installations qui acceptent les animaux exotiques. Plusieurs croient naïvement que le fait de relâcher leur animal dans la nature est une option moralement acceptable.

Selon Marc Dupuis-Desormeaux, un biologiste de la conservation de l’Ontario, des 1 000 tortues qu’il a capturées dans le cadre d’études qu’il a souvent réalisées en collaboration avec l’Office de protection de la nature de Toronto et de la région — cinq à six pour cent d’entre elles étaient des tortues à oreilles rouges non indigènes abandonnées par leur propriétaire (ou des descendantes de tortues abandonnées). On trouve plus souvent les tortues à oreilles rouges dans les centres urbains (là où la densité de population humaine est aussi la plus élevée).

Les espèces non indigènes abandonnées comme les tortues à oreilles rouges peuvent disputer les habitats essentiels aux espèces de tortue indigènes, comme les sites de repos, et peuvent modifier l’environnement naturel. Les poissons rouges et les carpes relâchés peuvent aussi causer des dommages à l’écologie des cours d’eau. L’omniprésence d’espèces envahissantes, notamment celles issues du commerce d’animaux de compagnie, est l’une des principales causes du déclin de la vie sauvage au Canada.

La capture d’animaux sauvages à des fins commerciales, notamment pour la consommation humaine ou le commerce d’animaux de compagnie, contribue aussi à la réduction des populations d’animaux sauvages, dont la plupart voient déjà leur population et leur habitat affectés par diverses menaces. La capture légale et illégale d’animaux sauvages pour le commerce d’animaux de compagnie exerce une pression que peu d’espèces peuvent supporter. En Ontario, par exemple, six populations de tortues indigènes sur sept sont déjà menacées. De plus, plusieurs animaux sauvages meurent pendant leur capture ou leur transport pour être vendus comme animaux de compagnie.

Les animaux exotiques peuvent aussi être des vecteurs de transmission de maladies. Au Canada, les animaux sauvages sont déjà touchés par plusieurs maladies infectieuses comme la ranavirose et la chytridiomycose, cette dernière transmise par un champignon, qui sont véhiculées par des espèces envahissantes touchant les populations d’amphibiens à l’échelle mondiale. Le nombre croissant d’animaux exotiques de compagnie, qu’ils soient élevés en captivité ou capturés à l’état sauvage, augmente la probabilité qu’ils soient relâchés dans la nature et que de nouvelles maladies soient transmises aux espèces sauvages indigènes ainsi qu’aux humains (en particulier en cas de contact physique). Le risque de nouvelles épidémies ou de pandémies d’origine animale augmente lui aussi. Il s’agit d’une véritable boîte de Pandore que nous ne voulons ouvrir sous aucun prétexte.

Les animaux exotiques de compagnie font l’objet d’activités de plus en plus populaires qui prennent la forme de fermes pédagogiques ou d’animations pour les fêtes d’anniversaire, mais dans tous les cas, il s’agit de pratiques insensées.

Tortues, serpents, couleuvres, lézards, amphibiens et autres animaux sauvages sont des créatures extraordinaires qui méritent notre admiration et notre émerveillement, mais ils ne doivent pas être retirés de leur habitant pour nous divertir, nous tenir compagnie ou nous servir de symbole de prestige.

Ces créatures sont le fruit de milliers ou de millions d’années d’évolution physique et comportementale qui leur permettent de survivre dans des conditions et des habitats particuliers impossible à reproduire chez soi dans un verre ou un contenant en plastique. Elles font aussi partie des composants essentiels à la survie des écosystèmes naturels. Si on les retire de leur habitat, l’environnement s’en trouve appauvri.

Si vous êtes patient et si, idéalement, vous avez une paire de bottes de caoutchouc, vous pouvez assez facilement repérer et admirer plusieurs espèces de serpents, couleuvres, tortues et grenouilles même dans nos milieux urbains, dans les prés, les étangs, les rivières, les champs, les forêts, les lacs et les ruisseaux qui nous entourent, c’est-à-dire là où ils doivent être.