La pandémie a brièvement ralenti le transport aérien mondial, mais celui-ci reprend de plus belle. Les vols commercialisés augmentaient de façon constante avant la COVID-19, soit d’environ 5 % par année de 2000 à 2019, et l’Association du Transport Aérien International prévoit une hausse de 500 % du nombre de passagers d’ici 2050!
Cela peut sembler bon pour l’industrie, mais c’est mauvais pour le climat. Le secteur minimise son incidence, alléguant que le transport aérien contribue à seulement 2 % des émissions mondiales, mais des études montrent que si l’on tient compte du « forçage radiatif », on approche les 3,5 %. C’est énorme : si l’aviation était un pays, il serait le cinquième plus gros émetteur.
Un nombre relativement petit de personnes crée des émissions liées au transport aérien. Les grands voyageurs sont des « super émetteurs » qui représentent seulement 1 % de la population mondiale et qui ont causé la moitié des émissions de carbone liées au transport aérien en 2018. La plupart des gens, environ 90 % à travers le monde, ne prennent presque jamais l’avion.
Les émissions des vols en partance des trois plus grands aéroports du Canada (Toronto, Montréal et Vancouver) sont plus grandes que celles produites par Syncrude, l’exploitation de sables bitumineux la plus polluante du Canada.
Pendant le lancement du Plan de réduction des émissions pour 2030 du Canada le mois dernier, le premier ministre Justin Trudeau a déclaré que « nous devons prendre des mesures dans l’ensemble de l’économie » afin d’atteindre l’objectif du Canada de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 % à 45 % sous les niveaux de 2005 d’ici 2030.
Par contre, le transport aérien a, pour le moment, été exempté de toutes exigences visant à réduire ses émissions totales. Les émissions des compagnies aériennes canadiennes ont augmenté de 75 % entre 2005 et 2018, selon Transports Canada. À l’échelle mondiale, le secteur a seulement atteint l’un de ses 50 objectifs climatiques au cours des 20 dernières années.
Le Canada planifie le lancement d’un plan d’action visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre du secteur de l’aviation cette année – une occasion unique pour enfin renverser la montée des émissions du transport aérien. Espérons que ce plan sera meilleur que celui de 2012 – élaboré en collaboration avec des groupes de l’industrie des transports aériens. Il s’agissait là d’une manœuvre de diversion qui s’était soldée par le report de la réduction des émissions totales du secteur à 2050.
Et même si 23 pays ont accepté, l’an dernier au Sommet de la COP26 sur le climat, de soutenir un objectif à long terme ambitieux étant de réduire les émissions du transport aérien pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C, cet accord manque également d’engagements à réduire les émissions à court terme. De manière similaire, le plan d’élimination des émissions nettes de l’IATA reporte la plupart des mesures de réductions des émissions à 2035 et repose fortement sur les « carburants d’aviation durables » et, dans une plus petite mesure, le captage de carbone, tous deux dispendieux, controversés et actuellement non disponibles pour les besoins demandés.
Retarder les réductions, comme le font ces plans, est contre-productif relativement à la nécessité de réduire les émissions totales mondiales de 50 % d’ici 2030 afin de prévenir un réchauffement catastrophique au-delà de 1,5 °C, comme l’indique le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat.
Heureusement, quelques pays se sont engagés à réduire les émissions provenant du transport aérien à court terme. Le Danemark a promis de rendre tous les vols intérieurs sans combustibles fossiles d’ici 2030 et les États-Unis ont annoncé qu’ils couperaient les émissions de ce secteur de 20 % à pareille date.
En avril, la France a interdit certains vols à courte distance, une interdiction que d’autres pays européens songent à instaurer (62 % des Européens appuient une interdiction à travers le continent). L’Espagne et la Grande-Bretagne envisagent d’instaurer une taxe applicable aux grands voyageurs.
Le nouveau plan de réduction des émissions du Canada indique que le gouvernement s’engagera avec l’industrie et d’autres intervenants cette année à réduire les émissions du transport aérien et à décarboniser le secteur.
Le Canada élaborera-t-il un nouveau plan du transport aérien impliquant une forte participation du public? Inclura-t-il des commentaires pour réduire de façon significative les émissions du transport aérien avant 2030, conformément à ses objectifs climatiques? Ou l’élaborera-t-il loin des regards en collaboration avec l’industrie, comme le plan de 2012, en donnant la priorité à la croissance du secteur et aux profits plutôt qu’à la réduction à court terme des émissions? (Les émissions du transport aérien ont augmenté de 37 % depuis le lancement du plan de 2012.)
Il est fort probable que le scénario de 2012 se répète.
Selon Transports Canada, le ministère collabore avec des « partenaires de l’industrie » à l’élaboration du nouveau plan depuis le début de 2022, mais il n’a pas encore indiqué quand et comment les autres intervenants et le public seraient amenés à se prononcer ou s’ils seraient consultés.
Comme l’a dit le premier ministre, aucun secteur ne devrait être exempté de contribuer à la lutte contre les changements climatiques et à réduire les émissions.
Pendant des décennies, le secteur du transport aérien a été en mesure d’augmenter avec témérité ses émissions dangereuses pour le climat, accordant plus d’importance à sa propre croissance et à ses profits plutôt qu’à la santé et à la qualité de vie de la planète.
La population canadienne mérite un plan de réduction des émissions du transport aérien qui place les intérêts du public avant les profits. Nous ne pouvons attendre une autre décennie.