Une grande partie du problème vient du fait qu'il est plus rentable de détruire la nature que de la protéger. (Photo : gryffyn m sur Unsplash)

Tout ce dont nous avons besoin pour survivre, soit la nourriture, l’eau, l’air et un abri, provient de la nature, dont nous faisons partie. Cette planète, alimentée par l’énergie du soleil, est étonnante dans sa capacité à reconstituer et à recycler les éléments de base de la vie.

Aujourd’hui, la population mondiale dépasse la capacité de la Terre à maintenir ces services essentiels. Non seulement nos systèmes économiques ignorent ce pillage insoutenable, mais ils l’encouragent. Cela a entraîné un déclin de 70 % des populations de mammifères, d’oiseaux, de poissons, de reptiles et d’amphibiens au cours des 50 dernières années. Un million d’espèces végétales et animales, soit un quart du total mondial, sont aujourd’hui menacées d’extinction.

Une grande partie du problème vient du fait qu’il est plus rentable de détruire la nature que de la protéger. Par ailleurs, des outils tels que le produit intérieur brut ne sont pas adaptés à l’évaluation de la santé économique réelle. Le PIB est « basé sur une application erronée des principes économiques », selon un examen indépendant sur l’économie de la biodiversité mené par Partha Dasgupta, professeur à l’Université de Cambridge.

D’après le professeur Dasgupta, « Une croissance et un développement économiques véritablement durables impliquent de reconnaître que notre prospérité à long terme repose sur un rééquilibrage entre notre demande de biens et de services naturels et la capacité de la nature à les fournir ». Le rapport de 600 pages, commandé par le Trésor britannique pour aider à définir le programme du plan environnemental de 25 ans de son gouvernement, indique qu’il faudrait au moins 1,6 Terre pour maintenir nos modes de vie actuels.

Le PIB mesure la production, mais ne tient pas compte des dommages aux services naturels essentiels ni de la perte de ceux-ci. Le capital produit par le développement industriel est mesuré comme étant positif, mais la perte conséquente de systèmes naturels qui absorbent le carbone, purifient l’eau et l’air, fournissent un habitat aux pollinisateurs, empêchent l’érosion des sols et offrent bien d’autres avantages, n’est pas comptabilisée, et ce, peu importe les coûts, que ce soit pour la santé humaine ou l’approvisionnement en eau et en nourriture.

En raison de ce paradigme économique dépassé et rétrograde, les gouvernements du monde entier subventionnent à hauteur d’au moins 6 000 milliards de dollars par an, des activités qui endommagent la nature.

Entre 1992 et 2014, le capital produit par personne a doublé, mais le stock de « capital naturel » par personne a diminué d’environ 40 %, selon l’Université de Cambridge. Le PIB mesure cela comme une « croissance positive », indiquant une économie florissante. En raison de ce paradigme économique dépassé et rétrograde, les gouvernements du monde entier subventionnent à hauteur d’au moins 6 000 milliards de dollars par an, des activités qui endommagent la nature.

Cette façon de penser met en danger les économies, les moyens de subsistance et le bien-être. Pour le professeur Dasgupta, « La nature est notre maison. Une bonne économie exige que nous l’entretenions mieux. »

Le rapport explique que, outre la perte de biodiversité et l’augmentation des risques liés au changement climatique, si nous continuons à dégrader et à détruire les habitats naturels, nous serons confrontés à de nouvelles pandémies encore plus graves, car la plupart des nouvelles épidémies, y compris la COVID-19, sont « zoonotiques ». Autrement dit, lorsque nous empiétons sur l’habitat, les agents pathogènes passent des animaux aux humains.

Le rapport met en évidence trois domaines dans lesquels une action transformatrice est nécessaire. Tout d’abord, nous devons réduire nos besoins afin qu’ils ne dépassent pas la capacité de la nature à continuer de les satisfaire. Cela implique d’augmenter les services naturels en protégeant et en restaurant les zones naturelles, et de réduire les formes de consommation nuisibles, comme les régimes à forte teneur en viande.

Le deuxième domaine est celui sur lequel nous écrivons depuis un certain temps, soit l’adoption de meilleurs moyens de mesurer la réussite économique. Diverses idées sont envisagées dans le monde, notamment l’« économie des beignets », développée par Kate Raworth et l’indice du « bonheur national brut » promu par le Royaume du Bhoutan.

…La comptabilité nationale doit inclure le capital naturel, mais aussi la santé humaine, les connaissances, les compétences et la communauté.

Le professeur Dasgupta affirme que la comptabilité nationale doit inclure le capital naturel, mais aussi la santé humaine, les connaissances, les compétences et la communauté.

Le troisième domaine de changement consiste à transformer les institutions et les systèmes tels que la finance et l’éducation pour permettre et soutenir les changements nécessaires. Cela signifie qu’il faut veiller à ce que l’argent serve à améliorer la nature plutôt qu’à la dégrader. Cela implique également d’intégrer les études de la nature à tous les niveaux de l’enseignement.

« Si nous nous soucions de notre avenir commun et de celui de nos descendants, nous devrions tous être en partie naturalistes », écrit le professeur Dasgupta.

Pour réaliser cette transformation, il faut mettre en place des institutions supranationales chargées de protéger les biens publics tels que les forêts pluviales et les océans et de veiller à ce que les pays les plus pauvres soient en mesure de protéger les écosystèmes sans subir de pertes économiques. Un tel changement transformateur coûterait bien moins cher que de le retarder.

Les systèmes économiques que nous avons développés il y a relativement peu de temps ont fait des ravages dans les systèmes naturels dont dépendent notre santé et nos vies. Mesurer notre réussite économique en fonction d’une croissance constante, de cycles sans fin de travail, de production et de consommation excessive, a entraîné la perte de biodiversité, l’apparition de maladies, la pollution, le dérèglement climatique, et l’aggravation du fossé entre riches et pauvres.

Le changement n’est pas seulement possible, il est impératif.