Vers un traité mondial contre la pollution plastique : les négociations de la dernière chance

Le 1er décembre dernier, l’attention était rivée sur Busan – ville côtière située en Corée du Sud – pour ce qui devait être la dernière session de négociations afin d’adopter un traité mondial contre la pollution plastique. Alors que les avancées ont été freinées par les principaux pays producteurs d’énergies fossiles, une session de négociations supplémentaire aura finalement lieu à Genève, en Suisse, du 5 au 14 août 2025.

Les espoirs étaient pourtant grands pour cet accord multilatéral, qui pourrait être le premier dans le domaine environnemental à être négocié depuis l’Accord de Paris dix ans plus tôt. Le travail du Comité intergouvernemental de négociation sur la pollution plastique (CIN en français, INC en anglais) a commencé en novembre 2022, à Punta del Este, en Uruguay. Réuni en mai 2023 à Paris, novembre 2023 à Nairobi et en avril 2024 à Ottawa, le comité a pour objectif de développer un « instrument international juridiquement contraignant sur la pollution plastique, y compris dans le milieu marin ».

Tout comme la lutte contre les changements climatiques, l’enjeu en vaut la chandelle : la pollution plastique est, elle aussi, considérée comme une grande menace pour la santé humaine et planétaire. D’après l’ONU, « chaque minute, l’équivalent d’un camion poubelle de plastique est rejeté dans nos océans ».

De nos jours, il peut être difficile de concevoir une vie sans plastique. Pourtant, l’utilisation répandue de ce matériau remonte seulement aux années 1950, une décennie durant laquelle on ne faisait que lui vanter de nombreux mérites. Dans les dernières 75 années, la moyenne annuelle mondiale de production est passée de 2 à 460 millions de tonnes de plastiques. Selon les projections, l’utilisation et la production de plastiques devraient tripler d‘ici 2060 si rien n’est fait pour les limiter.

Tout comme la lutte contre les changements climatiques, l’enjeu en vaut la chandelle : la pollution plastique est, elle aussi, considérée comme une grande menace pour la santé humaine et planétaire.

L’idée reçue veut que le plastique se recycle facilement. Néanmoins, selon un rapport de l’OCDE, seuls 9 % des plastiques ont été recyclés à travers le monde. En fait, 19 % des déchets plastiques ont été incinérés, 50 % ont fini dans des décharges contrôlées et 22 % ont été abandonnés, brûlés à ciel ouvert ou rejetés dans l’environnement.

La pollution plastique, plus communément représentée dans l’imaginaire collectif par des images aériennes de lieux terrestres et marins remplis de déchets, s’accompagne d’une pollution « invisible » tout aussi grave. Dans un rapport de 2023 (en anglais), le Programme des Nations unies pour l’environnement a révélé que plus de 13 000 produits chimiques sont présentement utilisés dans la production de matériaux en plastique. La présence de ces substances non réglementées est dangereuse pour la santé humaine et l’environnement, en plus de rendre le recyclage du plastique très complexe.

Il est difficile de fermer les yeux sur les déchets plastiques quand ces derniers ne se dégradent jamais vraiment – on les retrouve même dans nos corps. De notre cerveau, à nos reins en passant par le sang et le placenta, les microplastiques et nanoplastiques sont qualifiés par les scientifiques de « tueurs invisibles ».

L’impact de la pollution plastique sur les communautés autochtones

Dans une entrevue avec la Fondation, Lynn Konwaia’tanón:we’s Jacobs a expliqué que : « Les peuples autochtones sont touchés de manière disproportionnée par la pollution plastique à tous les stades du cycle de vie : extraction de combustibles fossiles sur les terres autochtones, exposition aux émissions toxiques des installations de production et de recyclage, accumulation de plastique dans les décharges, exportations de plastique et colonialisme des déchets, inhalation de fumées liées à la pratique de brûlage de déchets à ciel ouvert, contamination généralisée de l’environnement par les macro et microplastiques. Tous ces éléments affectent l’alimentation et la santé de toutes les espèces. »

En 2018, l’Agence internationale de l’énergie constatait que les personnes vivant dans les pays riches consommaient 20 fois plus de plastique que les personnes vivant dans des pays plus pauvres (source en anglais). Les pays, comme le Canada, ne se gênent pourtant pas pour les « exporter ».

On parle notamment de « colonialisme des déchets » qui se traduit par « l’idée selon laquelle les centres de pouvoir – historiquement, les puissances coloniales – ont besoin de la terre des autres non seulement pour extraire les ressources, comme le pétrole et le gaz naturel, mais aussi pour utiliser ces ressources afin d’en faire des sites d’élimination [des déchets] » comme l’explique Max Liboiron dans une entrevue avec Radio-Canada.

Face à tous ces enjeux, il est normal de se demander qui profite vraiment de la production de plastique. Figurez-vous qu’une industrie se frotte les mains à l’idée d’en produire encore plus que c’est le cas aujourd’hui, l’industrie pétrolière et gazière. En effet, 99 % des matières plastiques proviennent de combustibles fossiles tels que le pétrole et le gaz.

Les compagnies pétrolières anticipent une baisse de la demande de la part de leurs marchés traditionnels et investissent déjà massivement dans la production de produits pétrochimiques. Ces derniers devraient représenter à eux seuls près de 50 % de la hausse de la demande en pétrole d’ici les 25 prochaines années (source en anglais).

La pollution plastique, plus communément représentée par des images aériennes de lieux terrestres et marins presque méconnaissables, s’accompagne d’une pollution « invisible » tout aussi grave.

En décembre dernier, le Guardian mentionnait que les représentants des industries des énergies fossiles et des produits chimiques étaient plus nombreux que les personnes qui représentaient les pays de l’Union européenne et le pays hôte des négociations, la Corée du Sud.

Ces géants de l’industrie savent qu’ils peuvent également compter sur le soutien du groupe de pays qui se sont autoproclamés “like-minded countries” (« pays partageant les mêmes idées » en français) dont font fièrement partie l’Arabie Saoudite, l’Iran et la Russie. On peut leur attribuer en partie l’échec de ce qui devait être la session finale de négociations à la fin de l’année 2024.

Un échec qui s’est également manifesté par l’effacement constant des voix des peuples autochtones et de la société civile. Les mentions de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et des droits humains ont en effet été rayées du nouveau projet de texte, ce document qui servira pourtant de base aux discussions prévues cet été.

Il n’est pas trop tard pour demander au Canada qu’il démontre son leadership et exige qu’un traité mondial contre la pollution plastique soit signé.

STOPPONS LA POLLUTION PLASTIQUE À LA SOURCE