Les chercheurs n’ont commencé à comprendre la « migration verticale circadienne » qu’il y a quelques décennies. Selon le périodique Scientific American, il s’agit « du plus important comportement migratoire d’êtres vivants sur Terre ».
Près de 10 milliards de tonnes de zooplancton (de petits animaux marins comme les copépodes, le krill et les larves de poisson) remontent jusqu’à 1 000 mètres chaque nuit (le terme « circadien » vient adu latin circa diem qui signifie, « presque un jour », ou cycle de 24 heures), à travers des températures, des pressions d’eau et d’autres conditions variables, pour retourner dans les profondeurs avant la levée du jour. Ils se déplacent ainsi pour se nourrir de très petites plantes, le phytoplancton, en profitant de l’obscurité de la nuit pour se cacher des prédateurs diurnes. Ils se déplacent en fonction du soleil, de la lune ou les nuages. Leurs mouvements sont déterminés par le soleil, la lune ou les nuages.
Cette migration est encore plus complexe qu’on l’imaginait, et elle revêt une importance particulière pour comprendre les changements climatiques et les processus marins. Le phytoplancton absorbe d’énormes quantités de dioxyde de carbone à partir de l’atmosphère, mais il en libère presque autant. En se nourrissant de phytoplancton, le zooplancton transporte le carbone dans les profondeurs océaniques, là où il peut être stocké pendant des centaines voire des milliers d’années.
Bien qu’inconnues, les quantités de carbone transportées et stockées sont importantes. D’après le Scientific American, « De meilleures données permettront d’améliorer les modèles climatiques, ce qui aidera à mieux comprendre les conséquences des changements climatiques sur le comportement de ces organismes, et l’incidence de ces derniers sur le climat ».
La science occidentale progresse, mais d’une certaine façon, elle commence à peine à rattraper les connaissances de nombreux peuples autochtones sur les écosystèmes, y compris les forêts. L’approche occidentale consiste depuis longtemps à considérer une forêt comme un ensemble d’arbres individuels, classés selon leur valeur en bois d’œuvre, comprenant en outre des espèces « mauvaises » ou des plantes et des arbres sans valeur économique.
La science occidentale progresse, mais d’une certaine façon, elle commence à peine à rattraper les connaissances de nombreux peuples autochtones sur les écosystèmes, y compris les forêts.
Grâce à des scientifiques comme Suzanne Simard, nous comprenons maintenant que les forêts ressemblent davantage à des communautés, dont des arbres parents, des arbres plus jeunes ainsi que d’autres plantes et champignons communiquant entre eux et partageant nutriments et mécanismes de défense au moyen de réseaux mycorhiziens complexes et d’autres moyens. Comme l’écrit Merlin Sheldrake dans Entangled Life, certains végétaux émettent des substances chimiques pour attirer les guêpes parasites qui s’attaquent aux pucerons.
La science réfute la notion darwinienne selon laquelle la nature est une question de « survie du plus apte » et confirme les connaissances acquises depuis longtemps par de nombreux peuples autochtones, à savoir que tout est interconnecté.
Lorsque Mme Simard a découvert que les aulnes peuvent aider les forêts de pins en leur fournissant de l’azote, elle s’est heurtée à la résistance de l’industrie forestière, qui avait l’habitude de traiter les aulnes comme une espèce « mauvaise ».
Au-delà de leur capacité à partager des substances et à communiquer par des processus chimiques et des réseaux fongiques, les arbres « maintiennent littéralement le monde ensemble », comme nous l’avons écrit, Wayne Grady et moi-même, dans Tree :A Life Story. « Les feuilles des arbres captent l’énergie du soleil au profit de toutes les créatures terrestres et produisent des torrents de vapeur d’eau qui retournent dans l’atmosphère. Les branches et le tronc des arbres offrent un abri, de la nourriture et un habitat aux mammifères, aux oiseaux, aux amphibiens, aux insectes et aux autres plantes. Leurs racines sont ancrées dans un mystérieux monde souterrain de roches et de sols. »
La science réfute la notion darwinienne selon laquelle la nature est une question de « survie du plus apte » et confirme les connaissances acquises depuis longtemps par de nombreux peuples autochtones, à savoir que tout est interconnecté.
À partir de ces sols et de ces roches, les arbres communiquent avec des plantes et d’autres arbres grâce à des réseaux fongiques. Les champignons jouent un rôle essentiel dans le développement de la vie, favorisent la décomposition et fournissent de la nourriture et des médicaments. Cependant, nous ne connaissons toujours qu’environ un pour cent des cinq millions d’espèces estimées, et ce n’est qu’à la fin des années 1960 qu’elles ont été classées comme un « royaume » distinct des plantes.
Nous brûlons souvent les étapes, en considérant les choses de manière isolée et en agissant comme si nous avions suffisamment de connaissances pour « gérer » et exploiter les forêts, les écosystèmes marins, le territoire et les cours d’eau. Toutefois, plus nous étudions les liens complexes et les processus qui existent au sein de la nature, plus nous réalisons qu’il nous manque des connaissances essentielles pour comprendre l’effet domino de nos actions.
La crise climatique en est l’exemple le plus grave à grande échelle. Les gens ont découvert que le charbon, le pétrole et le gaz pouvaient être brûlés dans les usines, les maisons et les automobiles, ce qui facilitait la vie de beaucoup de gens et générait des profits massifs dans un système axé sur la consommation. Même si on comprenait un peu l’« effet de serre » et ses conséquences possibles sur le dérèglement du climat, beaucoup ont rejeté l’idée que la combustion de ce carbone, qui a été stocké et comprimé pendant des millénaires dans la matière végétale et animale, était loin d’être bonne.
On ne peut pas tout savoir, mais nous en savons suffisamment pour comprendre que le pillage des ressources de la Terre n’est pas sans conséquence. Sans plancton, sans arbres ou sans champignons, nous n’aurions pas d’air à respirer. Tout ce que nous continuons d’apprendre sur l’équilibre complexe de la nature montre que nous devons reconnaître la place que nous occupons dans celle-ci et prendre soin de la planète et de ses processus comme si nos vies en dépendaient, ce qui est bien le cas.