Au cours des trois premiers mois de 2022, les 28 plus grandes pétrolières et gazières ont réalisé près de 100 milliards de dollars US.

Au cours des trois premiers mois de 2022, les 28 plus grandes pétrolières et gazières ont réalisé près de 100 milliards de dollars US. (Photo : Markus Spiske sur Pexels)

Alors que les températures planétaires s’emballent, les entreprises pétrolières enregistrent des profits sans précédent. Durant les trois premiers mois de 2022, les 28 plus grandes sociétés de combustibles fossiles ont empoché près de 100 G$ américains.

Au deuxième trimestre, en dollars américains, Exxon a enregistré des gains de 18 G$, Shell et Chevron près de 12 G$ chacune et BP 8,5 G$ — soit beaucoup plus que leurs profits records du premier trimestre.

Une étude récente montre qu’au cours des 50 dernières années, l’industrie pétrolière a amassé des profits de 3 G$ par jour, soit un billion de dollars par année. Comme le rapporte le Guardian, « Ces profits ne sont pas le fruit de l’illusion de la libre entreprise et d’une saine concurrence, mais plutôt leur contraire : on parle ici de cartels, de conglomérats, de l’hégémonie réglementaire des gouvernements, qui, sous le couvert de la conspiration, créent un marché libre de toute concurrence où les prix ne reflètent en rien les coûts de production réels du produit vendu. »

La consommation de ces produits, qui se résume à brûler le pétrole, le gaz et le charbon que produisent ces sociétés, a contribué au réchauffement sans précédent qu’ont connu certains pays. Au Royaume-Uni, les températures ont dépassé les 40 °C pour la première fois en juillet, une température de 10 à 15 degrés plus élevée qu’à la normale. En date du 16 juillet, 92 records de haut maximum ont été enregistrés aux États-Unis. À l’échelle mondiale, 188 records de chaleur ont été enregistrés. À Verkhoyansk en Russie, le mercure a atteint 38 °C le 20 juin, la température la plus élevée jamais rapportée pour l’Arctique. Le Canada a connu lui aussi des records de températures maximales.

Le Canada a connu lui aussi des records de températures maximales.

Cette situation a entraîné une augmentation du nombre de feux de forêt, des problèmes de santé graves et des décès, le réchauffement des océans et une augmentation de l’acidité des eaux, la fonte des nappes glaciaires, l’augmentation du niveau des mers, des épisodes de tempêtes tropicales plus intenses et plus fréquents, des évacuations massives de populations, des inondations et plus encore.

L’invasion de l’Ukraine par la Russie a fait exploser le prix du pétrole ainsi que les profits des pétrolières, ce qui montre encore une fois que notre dépendance aux combustibles fossiles déstabilise l’ordre social et les économies, ainsi que le climat.

« Il est immoral pour les sociétés pétrolières et gazières de profiter de cette crise énergétique et d’enregistrer des profits records sur le dos des populations et des collectivités les plus pauvres, à un coût faramineux pour le climat », a déclaré António Guterres, secrétaire général des Nations Unies, qui presse les gouvernements à « taxer ces profits excessifs pour utiliser ces fonds afin d’aider les populations les plus vulnérables en ces temps difficiles ».

L’invasion de l’Ukraine par la Russie a fait exploser le prix du pétrole ainsi que les profits des pétrolières, ce qui montre encore une fois que notre dépendance aux combustibles fossiles déstabilise l’ordre social et les économies, ainsi que le climat.

Faisant remarquer que « partout les budgets des familles ressentent la pression exercée par le prix des aliments, des transports et de l’énergie », M. Gutteres a aussi appelé les gouvernements à gérer la demande en énergies fossiles et à offrir un « soutien social, technique et financier » aux pays en développement afin de les aider à faire la transition aux énergies renouvelables.

Les sociétés pétrolières disent qu’elles investissent dans cette transition : « Le résultat paru aujourd’hui montre que les performances de BP se maintiennent, alors que la société est en transformation », dit son PDG, Bernard Looney. « Nous y arrivons en répondant aux besoins en pétrole et en gaz à l’échelle mondiale, tout en investissant pour accélérer la transition énergétique ».

Mais peut-on les croire lorsqu’ils parlent de transition énergétique? Les plus grandes sociétés pétrolières et gazières du monde consacrent moins d’un pour cent de leur budget aux énergies vertes. La plupart de ces argents servent à des rachats ou sont redonnés aux actionnaires. Pendant ce temps, les hauts dirigeants de ces sociétés nous disent que la meilleure façon de combattre l’augmentation des prix est de produire encore plus de pétrole. Dans une lettre envoyée au président des États-Unis, Joe Biden, Mike Wirth, le dirigeant principal de Chevron a écrit : « Je vous assure que Chevron prend des mesures pour faire face à cette situation en faisant passer ses dépenses en immobilisations à 18 G$ en 2022, soit 50 % de plus que l’année passée ».

Les dirigeants du secteur pétrolier ont exercé avec succès des pressions politiques pour obtenir de plus en plus de subventions et d’exemptions fiscales, notamment 151 G$ obtenus des gouvernements du G20 pour éponger les pertes dues à la COVID-19, et leurs sociétés dépensent des centaines de millions de dollars chaque année dans leurs efforts pour bloquer ou retarder l’adoption de politiques climatiques.

Cela a pour effet de mobiliser de plus en plus de personnes afin que non seulement des impôts exceptionnels soient appliqués sur les profits, mais aussi pour que soient mises en place des mesures comme le «Traité de non-prolifération des combustibles fossiles ». Tzeporah Berman, directeur du programme international pour Stand.earth et président de cette initiative, affirme que ce traité marquerait la « fin de l’expansion de l’industrie du pétrole, du gaz et du charbon et réduirait progressivement la production actuelle afin qu’elle permette de limiter le réchauffement climatique actuel à des niveaux acceptables, et accélérerait la transition vers des énergies équitables, là où les riches pays producteurs de combustibles fossiles aident d’autres pays à se tourner vers des énergies propres et abordables, comme les énergies solaire, éolienne et hydraulique, qui profiteraient à tous ».

Ceux qui profitent des revenus du charbon, du pétrole et du gaz n’ont aucune crédibilité pour s’occuper de la crise climatique et offrir une planète viable à nos enfants, nos petits-enfants et aux générations à venir.

Ceux qui profitent des revenus du charbon, du pétrole et du gaz n’ont aucune crédibilité pour s’occuper de la crise climatique et offrir une planète viable à nos enfants, nos petits-enfants et aux générations à venir. Les gouvernements à l’échelle mondiale doivent s’engager sérieusement et cesser de soutenir l’industrie des énergies fossiles tout en prenant toutes les mesures nécessaires pour faciliter une transition rapide vers des énergies plus propres.