
Le changement est imminent. Le prochain gouvernement canadien devra faire de notre pays un leader mondial en repensant le commerce en faveur des peuples et de la planète.
Le système commercial international tire son origine de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, adopté en 1947. À l’époque, on croyait qu’en encourageant l’interdépendance entre nations, on éliminerait ainsi les risques de guerres mondiales – 75 millions de personnes avaient péri durant la Seconde Guerre mondiale – et on protègerait notre humanité commune des atrocités associées aux génocides, aux bombardements massifs, aux famines, aux maladies et aux conflits.
Le commerce mondial s’est depuis transformé en un régime d’exploitation humaine et environnementale, de dépossession des peuples autochtones et de colonialisme économique. Le libre-échange a perpétué des systèmes mondiaux de production et de consommation toxiques basés sur l’extraction du pétrole, du gaz et du charbon. L’exploitation effrénée des ressources naturelles nous a plongé.e.s dans un monde où font rage des conflits internationaux sans précédent.
Le changement est imminent. Le prochain gouvernement canadien devra faire de notre pays un leader mondial en repensant le commerce en faveur des peuples et de la planète.
Le commerce mondial s’est depuis transformé en un régime d’exploitation humaine et environnementale, de dépossession des peuples autochtones et de colonialisme économique.
Compte tenu de notre frontière commune avec les États-Unis – la plus longue du monde –, notre prochain gouvernement devra avoir comme priorité d’empêcher que la répression des droits de la personne et de l’environnement, la déréglementation catastrophique, les attaques contre les groupes vulnérables et les politiques économiques populistes promues par notre voisin du Sud s’étendent jusqu’à nous. Par ailleurs, une révision de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM) est prévue pour 2026 : nos futur.e.s dirigeant.e.s politiques doivent saisir cette occasion unique afin d’adopter un nouveau paradigme pour le commerce canadien.
L’ACEUM a principalement servi à stimuler un modèle de croissance économique basé sur l’extraction des ressources, la dépossession des territoires et de l’eau, la dégradation environnementale et la suppression des droits autochtones. Au lieu de chercher à renégocier des améliorations progressives à cet accord, le Canada devrait repenser ses politiques commerciales dans une perspective de droits de la personne et de l’environnement et d’équité intergénérationnelle.
Notre prospérité n’a jamais été aussi intrinsèquement liée à notre capacité de soutenir des institutions démocratiques fortes, de respecter et de faire valoir les droits autochtones, d’accélérer l’action climatique et de freiner la perte de biodiversité. Or, le moment est venu pour le Canada de s’éloigner de l’emprise hégémonique des États-Unis.
Il existe certaines pistes, ouvertes par les nouvelles ententes et politiques commerciales progressistes fondées sur des objectifs environnementaux mondiaux, ainsi que des décennies de tentatives visant à réformer et à décoloniser le système commercial mondial par l’intermédiaire de l’Assemblée générale des Nations Unies.
Le Canada devrait repenser ses politiques commerciales dans une perspective de droits de la personne et de l’environnement et d’équité intergénérationnelle.
En ce sens, les gouvernements de la Nouvelle-Zélande, du Costa Rica, de l’Islande et de la Suisse ont récemment adopté un Accord novateur sur les changements climatiques, le commerce et la durabilité (ACCTS, selon son sigle en anglais), jetant les fondations d’un commerce vu à travers le prisme de la protection climatique. Malgré certaines faiblesses, il s’agit du premier traité à imposer des règles commerciales juridiquement contraignantes aux subventions destinées aux combustibles fossiles. De plus, l’accord élimine les barrières commerciales d’une quantité sans précédent de biens et de services environnementaux et énonce des directives concernant l’écoétiquetage.
Contrairement à la plupart des accords commerciaux dont les premières lignes font référence à l’importance de la libéralisation des échanges pour favoriser une croissance économique robuste, l’ACCTS souligne d’emblée « l’action urgente que doivent entreprendre toutes les nations en vue de lutter contre les changements climatiques, la perte de biodiversité, la pollution et autres graves problèmes environnementaux ».
Le préambule continue en reconnaissant « que le commerce et les politiques commerciales peuvent et doivent soutenir une atténuation des changements climatiques et une adaptation à ces derniers, une prévention et un contrôle de la pollution ainsi qu’une utilisation, une protection ou une restauration à caractère durable de la biodiversité, des écosystèmes et des ressources naturelles, notamment l’eau et les ressources marines ».
On y mentionne également « l’importance d’une gestion active, d’une tutelle et d’une protection des milieux naturels », en soulignant le « rôle essentiel que joue l’environnement dans le bien-être de la population et des communautés, dont les peuples autochtones, et l’importance de leur contribution aux efforts déployés pour remplir les objectifs de développement durable ».
Il nous faut mettre un terme aux siècles d’exploitation des ressources et de la force de travail, et non pas tenter d’apaiser des gouvernements étrangers de plus en plus fascistes.
À l’inverse, le préambule de l’ACEUM, renégocié en 2020, ne fait même pas mention d’objectifs environnementaux mondiaux. Les objectifs de libéralisation des échanges l’emportent sur la protection de la vie humaine, animale et végétale, et la protection de l’environnement est envisagée essentiellement dans une optique de renforcement de la législation environnementale nationale plutôt qu’en vue de l’adoption de règles commerciales et de politiques économiques ambitieuses basées sur la climatologie. Alors que le Canada a entamé les négociations de 2018 de l’ACEUM avec l’intention de garantir des protections accrues en matière de droits autochtones, l’accord final (en anglais) n’a même pas été en mesure de réaffirmer la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones ni même le principe fondamental du consentement préalable, libre et éclairé.
Abandonnons le paradigme de la mondialisation économique qui enrichit les industries polluantes et la classe privilégiée, au détriment des travailleur.euse.s vulnérables du monde entier. Non seulement le Canada devrait diversifier ses échanges commerciaux, mais il devrait aussi se rallier aux pays qui sont prêts à placer les droits de la personne et de l’environnement au cœur des politiques commerciales. Il nous faut mettre un terme aux siècles d’exploitation des ressources et de la force de travail, et non pas tenter d’apaiser des gouvernements étrangers de plus en plus fascistes. Le Canada devrait, à tout le moins, suivre l’exemple de pays comme la Nouvelle-Zélande, le Costa Rica, l’Islande et la Suisse et faire valoir les droits de la personne et de l’environnement dans les accords commerciaux.