En cette journée internationale des droits des femmes, après une année de pertes et de souffrances immenses dues à une pandémie mondiale, il est important de se demander quel est l’avenir de la santé des femmes. Alors que nous préparons notre reprise verte, comment pouvons-nous s’assurer que nous préservons la santé de nos grands-mères, mères, sœurs et filles?
En entrant dans une pharmacie, il est impossible de ne pas remarquer la multitude de produits cosmétiques et de soins personnels commercialisés spécifiquement à destination des femmes. Les promesses d’une peau plus lisse, des yeux plus brillants et d’une santé rajeunie sont inscrites sur des produits enrobés de papier glacé. Il s’agit d’une industrie pesant plusieurs milliards de dollars qui est principalement commercialisée auprès des jeunes filles et des femmes. Malheureusement, il existe souvent un écart important entre les publicités et le contenu réel de ces produits.
L’huile d’argan, un produit naturel qui figure sur l’étiquette, se révèle être principalement du cyclopentasiloxane, une substance écotoxique qui s’accumule dans les poissons et les écosystèmes marins par le biais de nos systèmes de traitement des eaux usées. Pour cette raison, elle est interdite dans les produits de soins personnels similaires en Europe. Alors pourquoi n’est-ce pas le cas au Canada? L’étiquetage des produits peut être un outil puissant afin d’aider les consommateurs à prendre des décisions éclairées lors de leurs achats. Toutefois, même l’étiquetage ne suffit pas à informer correctement le public sur la toxicité des produits chimiques. En effet, il en existe des dizaines de milliers sur le marché mondial, dont les effets sur la santé humaine, animale et environnementale restent inconnus.
À l’heure où nous revoyons nos modes de vie pour construire ensemble un futur plus sain et résilient, nous devons également repenser l’industrie des cosmétiques, sa règlementation et les risques qu’elle pose sur la santé humaine, et tout particulièrement sur celle des femmes, qui sont le public cible de ces produits.
Dans les années 1950, les produits chimiques synthétiques commencent à entrer sur le marché, sous l’impulsion de campagnes de marketing de grande envergure. Des publicités pleine page dépeignent comme illimités, la facilité et le confort que l’industrie chimique apporterait à la société grâce à une vaste gamme de nouveaux produits composés de substances chimiques. En parallèle, des milliers de substances chimiques industrielles sont commercialisées sans aucune surveillance réglementaire, ni exigence de tests de toxicité. Il faut attendre 20 ans pour que les premières lois de santé publique réglementant l’industrie chimique soient adoptées aux États-Unis. 62 000 substances chimiques non testées bénéficient alors d’une clause d’antériorité : elles sont présumées sécuritaires, malgré l’absence presque totale de connaissances sur leurs effets sur l’environnement et la santé. Le Canada et les pays européens n’échappent pas à cette faille historique de la règlementation.
Depuis 50 ans, les organismes scientifiques internationaux signalent souvent à quel point nous ignorons les effets de ces produits dont nous sommes devenus dépendants dans notre vie quotidienne. Sans perdre de vue que les changements climatiques transforment la manière dont ces produits chimiques synthétiques agissent entre eux dans les milieux naturels, comme les cours d’eau ou les océans. Dans certains cas, leur toxicité ne fait que s’aggraver.
De quoi sont faits exactement les produits de consommation d’origine chimique? D’où proviennent-ils et quels sont leurs risques?
Aujourd’hui, de nombreuses multinationales sont encore incapables de suivre leur chaîne d’approvisionnement de bout en bout. De quoi sont faits exactement les produits de consommation d’origine chimique? D’où proviennent-ils et quels risques posent-ils? Les multiples niveaux de sous-traitance – souvent sur plusieurs continents – et les protections juridiques des secrets commerciaux ne permettent malheureusement pas de répondre avec certitude à ces questions.
Un changement de paradigme est nécessaire dans la règlementation des cosmétiques et autres produits de soins personnels. Les substances chimiques sont autorisées sur les marchés sur une base individuelle, sans que l’on ne comprenne vraiment comment elles s’accumulent, interagissent et transforment les écosystèmes au fil du temps.
Dans la plupart des juridictions, la prise de décision réglementaire concernant les produits chimiques commence par l’évaluation des risques. Celle-ci relève de la responsabilité juridique de l’industrie chimique ou de l’agence de réglementation. Or, les scientifiques ne s’accordent pas sur les méthodologies à employer pour obtenir les données sur lesquelles les analyses de risques se basent afin de déterminer l’autorisation ou non de ces produits chimiques sur le marché.
Résultat : le recours généralisé à des études du secteur privé – non examinées par des pairs – pour évaluer les risques posés par un produit chimique est considéré comme un problème éthique systémique.
Contrairement aux médicaments, il n’existe pas de processus d’approbation préalable à la mise en vente de cosmétiques au Canada. En fait, si un fabricant souhaite commercialiser un produit cosmétique, il est seulement tenu d’en informer Santé Canada dans les 10 jours suivant la mise en vente initiale. Cela signifie que la seule véritable surveillance des produits cosmétiques au Canada a lieu après qu’ils soient déjà vendus aux consommateurs.
À l’heure où nous revoyons nos modes de vie pour construire ensemble un futur plus sain et résilient, nous devons également repenser l’industrie des cosmétiques, sa règlementation et les risques qu’elle pose sur la santé humaine, et tout particulièrement sur celle des femmes, qui sont le public cible de ces produits. Si la chimie a révolutionné le monde de la santé et du bien-être, elle devrait aujourd’hui être au cœur de la relance verte.