Qu’elles soient menées sur le plan personnel ou lors d’implications citoyennes, nos actions exercent une influence réelle dans la lutte contre les changements climatiques. En effet, « la meilleure façon de traiter les questions d’environnement est d’assurer la participation de tous.tes les citoyen.ne.s concerné.e.s », rappelle le principe 10 de la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement.
Dans ce contexte, le recours au droit est essentiel. Celui-ci est une manière d’officialiser l’organisation de la société et d’assurer le vivre ensemble.
Toutefois, s’il n’est plus à la hauteur des enjeux actuels, il est alors appelé à évoluer et à être appliqué en conséquence, explique l’avocate au Centre québécois du droit de l’environnement, Camille Cloutier. C’est ici que les individus ont un rôle à jouer.
Un exemple parlant à cet égard est la modification de l’encadrement du gaz naturel dans les bâtiments, comme dans la ville de Prévost. Cette révision règlementaire a été initiée par des mouvements citoyens et environnementaux, qui sont parvenus à convaincre les élu.e.s.
La population est la mieux placée pour savoir quels sont les problèmes, quelles sont les solutions et lesquelles sont à prioriser. Le droit est un outil puissant pour influencer et modifier les décisions, mais il doit être utilisé avec d’autres outils, tels que la mobilisation, les sciences et les médias.
Camille Cloutier, avocate au Centre québécois du droit de l’environnement
Information, participation, recours et moyens d’action
D’une part, tout.e un.e chacun.e a la possibilité d’accéder à l’information, que cela soit par le biais d’une demande d’accès à l’information auprès des organismes publics ou bien en consultant les registres publics mis à disposition par le Ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP).
Ceux-ci sont tenus en vertu de plusieurs lois, telles que la Loi sur la qualité de l’environnement et la Loi sur les pesticides, et répertorient les autorisations requises dans le cadre d’un projet entrepris par un.e promoteur.rice immobilier.ère, par exemple.
D’autre part, lorsqu’un projet est susceptible de présenter un risque important pour l’environnement, il est soumis à une évaluation environnementale pouvant permettre la participation du public, après quoi la tenue d’une consultation publique menée par le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) peut être demandée : elle peut prendre la forme d’une audience publique, d’une consultation ciblée ou d’une médiation.
Par ailleurs, la population a accès à plusieurs leviers juridiques, qui lui permettent d’agir légalement pour la protection de l’environnement. Ainsi, elle peut intenter des mesures de suivi au regard de l’application des normes environnementales via une demande d’enquête au MELCCFP, l’utilisation du service Urgence-Environnement et le dépôt d’une plainte auprès du Centre de contrôle de l’environnement du Québec (CCEQ).
De plus, les citoyen.ne.s peuvent demander la révision d’une autorisation ministérielle qui a été délivrée par le MELCCFP. Iels doivent toutefois avoir une raison suffisante aux yeux de la Cour pour demander un contrôle judiciaire.
En outre, la population peut saisir les tribunaux. L’action collective, qui est incarnée par un.e représentant.e défendant la cause commune d’un groupe et son avocat.e, est une procédure qui permet de désengorger les tribunaux, de minimiser les frais de justice et de modifier les comportements des entreprises.
L’action collective menée dans l’affaire Ciment du Saint-Laurent a été un succès à cet égard : une compensation pour les désagréments causés par une cimenterie a été versée à chaque membre du groupe, selon la distance entre leur résidence et l’industrie.
Les citoyen.ne.s peuvent aussi recourir à l’injonction afin d’empêcher une personne d’entreprendre ou de continuer une action portant préjudice à l’environnement. Ce droit est spécifiquement prévu par la Loi sur la qualité de l’environnement, dans le cas où le non-respect de la loi, d’un règlement et d’une condition prévue dans une autorisation délivrée par le MELCCFP est constaté.
De surcroît, les recours civils en responsabilité extracontractuelle et en troubles de voisinage sont à la portée de la population. Le premier vise à ce qu’une faute ayant causé un préjudice soit réparée, tandis que le second a pour but de se faire indemniser pour des inconvénients qui sont produits par le voisinage et considérés comme anormaux ou excessifs. Dans ce dernier cas, il n’est pas nécessaire de prouver qu’une faute a été commise.
Il est également possible de demander à la Cour supérieure de trancher une question juridique sur un enjeu spécifique, sans nécessairement qu’il y ait de litige, par le biais du jugement déclaratoire. Enfin, il est possible de recourir au pourvoi en contrôle judiciaire lorsque le gouvernement agit en défaut ou en excès de sa compétence et qu’il n’existe plus de possibilité d’appel à un tribunal supérieur. Il s’agit ici d’une situation de dernier recours.
Enfin, il est possible de recourir au pourvoi en contrôle judiciaire lorsque le gouvernement agit en défaut ou en excès de sa compétence et qu’il n’existe plus de possibilité d’appel à un tribunal supérieur. Il s’agit ici d’une situation de dernier recours.
Limites et pistes d’amélioration
Bien que la population puisse agir légalement pour la protection de l’environnement par le biais de mesures de suivi pour l’application des normes environnementales et d’actions judiciaires, des limites sont néanmoins à pointer.
En effet, il existe des obstacles à l’utilisation du droit par les groupes citoyens impliqués dans la lutte environnementale, tels que son coût financier, le temps et le niveau de littératie qu’il exige. Camille Cloutier spécifie toutefois qu’il n’est pas nécessaire que toutes les personnes qui sont membres d’un mouvement maîtrisent le droit : seule l’une d’entre elles peut faire office d’experte et défricher le jargon de la discipline.
Finalement, elle indique que peu d’avocat.e.s et de juristes prennent en charge des dossiers en lien avec l’environnement pour des raisons budgétaires et déontologiques, entre autres. Elle insiste donc sur le fait qu’il faudrait qu’il y ait davantage d’avocat.e.s qui exercent leur profession sans but lucratif. Pour ce faire, la relève doit être sensibilisée aux carrières alternatives et aux enjeux climatiques, et les universités, intégrer davantage ces aspects dans leurs formations.