Chaque mois, la Fondation David Suzuki (FDS) met de l’avant un groupe citoyen membre du Réseau Demain le Québec. Focus sur le Comité action citoyenne – Projet Northvolt (CAC), qui milite pour que le projet du futur site de l’usine de batteries au lithium de l’entreprise suédoise Northvolt, à McMasterville et à Saint-Basile-le-Grand, soit soumis à un examen environnemental du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE).
« Nous voulons que les travaux cessent afin qu’une étude du BAPE soit réalisée. Une fois que nous aurons toutes les données en main, nous formulerons nos recommandations. S’implanter sur un terrain sans présence de milieux humides, de biodiversité et d’animaux menacés, nous semble être une bonne idée », témoigne l’une des porte-paroles du CAC, Jacinthe Villeneuve.
Nous voulons que les travaux cessent afin qu’une étude du BAPE soit réalisée. Une fois que nous aurons toutes les données en main, nous formulerons nos recommandations. S’implanter sur un terrain sans présence de milieux humides, de biodiversité et d’animaux menacés, nous semble être une bonne idée.
À ce jour, la firme suédoise risque de mettre en péril 130 000 mètres carrés de milieux humides en Montérégie. Ces espaces naturels sont pourtant bénéfiques pour l’environnement et les êtres humains, puisqu’ils permettent d’absorber le dioxyde de carbone de l’air et de limiter le réchauffement climatique.
D’autres groupes citoyens engagés pour une transition écologique appuient également le CAC, tels que les Mères au front – Rive-Sud et Mobilisation 6600 Parc-Nature MHM. Tous demandent une plus grande transparence de la part du gouvernement et de Northvolt sur les différents aspects du projet.
« Le gouvernement devrait être neutre et orienté vers l’opinion populaire au vu de l’ampleur du projet, alors qu’il se positionne plutôt en faveur de l’industrie et facilite son implantation et ses activités. Le BAPE, qui est une instance impartiale du gouvernement, aurait comme rôle de le protéger de son “favoritisme” et de son manque d’impartialité », commente la spécialiste aux communications et affaires publiques à la FDS, Stéphanie Harnois.
Le gouvernement devrait être neutre et orienté vers l’opinion populaire au vu de l’ampleur du projet, alors qu’il se positionne plutôt en faveur de l’industrie et facilite son implantation et ses activités. Le BAPE, qui est une instance impartiale du gouvernement, aurait comme rôle de le protéger de son “favoritisme” et de son manque d’impartialité.
Actions entreprises
Composé de sept membres et de plusieurs collaborateur.rice.s, le CAC souhaite être le mieux informé possible à l’égard du projet du futur site de l’usine de batteries et connaître les différents points de vue. Le groupe citoyen relaie ainsi régulièrement sur sa page Facebook des informations provenant de différents médias, s’est adressé aux élu.e.s et s’est rendu aux séances d’information organisées par Northvolt, ainsi que par les villes.
De plus, il a organisé une assemblée publique le 30 janvier à Saint-Basile-le-Grand, au lendemain de la reprise des travaux de la firme suédoise, à la suite du rejet par la Cour supérieure de la demande d’injonction provisoire du Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE).
Quatre expert.e.s ont été convié.e.s à cet évènement qui a fait salle comble : Stéphanie Pellerin, professeure associée à la Faculté des arts et des sciences – Département de sciences biologiques de l’Université de Montréal; Frédéric Laurin, professeur en économie spécialisé en développement régional à l’École de gestion de l’Université du Québec à Trois-Rivières et critique économique du mode de développement de la filière batterie au Québec; et Jean Baril, ancien professeur associé à la Faculté de science politique et de droit – Département des sciences juridiques de l’Université du Québec à Montréal et auteur du Guide citoyen du droit québécois de l’environnement.
S’il n’y a pas d’étude du BAPE pour un si gros projet, quand est-ce que l’on en fera? Quand est-ce que cela sera significatif? La crainte se fait ressentir à plus long terme. Le BAPE est un outil important que l’on a au Québec afin que les enjeux environnementaux, climatiques et sociétaux soient correctement analysés
La première présentatrice s’est penchée sur les fonctions des milieux humides et leur disparition en Montérégie. Le manque actuel de données rend la prévision du futur incertain, rendant la conduite d’une étude du BAPE impérative dans le cadre du projet Northvolt. Frédéric Laurin a quant à lui avancé que dans un contexte de pénurie de main- d’œuvre, l’implantation de la firme suédoise va à l’encontre d’un développement économique régional adapté. Il a affirmé qu’il faudrait davantage soutenir les petites et moyennes entreprises, en misant sur l’innovation. L’intervention de Jean Baril a pour sa part porté sur les rouages du BAPE, en termes de modalités et de règlements.
« S’il n’y a pas d’étude du BAPE pour un si gros projet, quand est-ce que l’on en fera? Quand est-ce que cela sera significatif? La crainte se fait ressentir à plus long terme. Le BAPE est un outil important que l’on a au Québec afin que les enjeux environnementaux, climatiques et sociétaux soient correctement analysés », témoigne une membre des Mères au front – Rive-Sud, Sylvie Cantin.
Le CAC a par ailleurs organisé une « marche funèbre » le 4 février à McMasterville, pour dénoncer la reprise des travaux de construction de l’usine Northvolt. Plusieurs groupes citoyens ont mis la main à la pâte, tels que Centre de femmes l’Essentielle, la TROVEP Montérégie, Urgence climatique Montérégie, Mères au Front Rive-Sud, le Conseil central de la Montérégie-CSN et Patrick Bonin de Greenpeace en tant qu’intervenant-invité.
Pour qu’un projet d’usine de batteries soit assujetti à un BAPE, le seuil de la production annuelle était établi à 50 000 tonnes métriques. Quelques semaines avant l’annonce du projet, il est passé à 60 000 tonnes métriques, tandis que la production annuelle de Northvolt est estimée à 56 000. Étrange coïncidence…
« Pour qu’un projet d’usine de batteries soit assujetti à un BAPE, le seuil de la production annuelle était établi à 50 000 tonnes métriques. Quelques semaines avant l’annonce du projet, il est passé à 60 000 tonnes métriques, tandis que la production annuelle de Northvolt est estimée à 56 000. Étrange coïncidence… », commente Stéphanie Harnois.
Obstacles et soutien
Le CAC déplore que la tâche à accomplir soit disproportionnée, compte tenu de sa taille et du temps imparti. Il reçoit toutefois le soutien financier de la population et de certaines organisations, l’aide juridique du CQDE, ainsi que les conseils stratégiques de plusieurs groupes et citoyen.ne.s ayant des compétences en mobilisation, tels que les Mères au front – Rive-Sud, et Mobilisation 6600 Parc-Nature MHM.
De cette façon, les Mères au front – Rive-Sud appuie le CAC depuis ses débuts. Elles ont co-signé la lettre adressée à Northvolt au mois de décembre dernier, demandant qu’un examen du BAPE soit réalisé, et participé à la manifestation au conseil municipal de Saint-Basile-le-Grand le 15 janvier, entre autres.
De son côté, le groupe citoyen montréalais Mobilisation 6600 Parc-Nature MHM partage avec le CAC l’expérience qu’il a acquise au cours de sa lutte contre le projet de plateforme de transbordement de marchandises de l’entreprise Ray-Mont Logistiques. De plus, il a coordonné une lettre ouverte dans Le Devoir, qui questionnait si toutes les normes environnementales avaient été respectées à l’égard du projet Northvolt, et a offert son aide dans la rédaction de lettres destinées aux élu.e.s, par exemple.
Le gouvernement aura jusqu’au 22 mars 2024 pour demander la conduite d’une étude du BAPE pour le projet Northvolt et entre-temps, une seconde assemblée publique sera organisée par le CAC le 8 février à Beloeil.