Notre plaidoyer en faveur d’actions climatiques ambitieuses au Canada suscite beaucoup de commentaires. On nous dit : « Les émissions de GES du Canada sont minimes. Si vous voulez vraiment combattre les changements climatiques, tournez-vous vers les grands pollueurs comme la Chine et l’Inde. »
C’est vrai, le Canada génère moins de 2 % des émissions de GES mondiales. Mais s’agit-il d’un argument valable pour ne pas adopter de solides politiques climatiques orientées vers leur réduction? Non, loin de là. Les mesures prises au Canada se répercutent dans le monde entier. Voici cinq raisons pour lesquelles le pays doit agir pour le climat :
1. Si chaque pays responsable de moins de 2 % des émissions de GES mondiales restait les bras croisés, on ferait fi de la plus grande part des émissions.
Seulement six pays génèrent des émissions qui constituent respectivement plus de 2 % des émissions de GES mondiales : la Chine, les États-Unis, l’Inde, la Russie, le Japon et l’Iran (article en anglais).
Les autres pays pourraient croire que leur contribution individuelle est négligeable, comme ils produisent moins de 2 % des émissions mondiales chacun. Mais le fait est que, mis tous ensemble, ces pays pèsent lourd : ils représentent au total 36 % des émissions de GES à l’échelle planétaire, soit plus que le principal pollueur, la Chine!
Il apparaît clair que chaque pays doit faire son bout de chemin, surtout les pays dotés des moyens économiques nécessaires.
Autre fait digne de mention, la Chine installe deux fois plus d’éoliennes et de panneaux solaires que le reste du monde, ce qui lui vaut la première place mondiale dans le domaine de l’énergie éolienne et solaire (source en anglais).
2. Les pays riches ayant émis le plus de GES historiquement, comme le Canada, sont les mieux outillés pour réduire leurs émissions et sont, par le fait même, tenus moralement de le faire.
Le moteur du réchauffement climatique? Ce n’est pas le volume d’émissions de GES annuel, mais bien cumulatif, d’où l’importance de regarder l’historique des émissions pour voir quels pays ont le plus pollué au fil du temps.
Bien que relativement peu populeux, le Canada se classe au 10e rang mondial pour le total des émissions cumulées (source en anglais), ce qui signifie que le pays a utilisé plus que sa juste part du budget carbone mondial (soit le total de GES que nous pouvons émettre avant de dépasser le seuil de réchauffement de 1,5 °C). En d’autres mots, le rôle du Canada dans la crise climatique est disproportionné.
En tant que pays riche où le niveau de vie est élevé, le Canada est mieux placé que la plupart des autres pays pour assumer les coûts de l’abandon des combustibles fossiles en vue d’un virage vert. Or, nous avons la responsabilité morale de réduire nos émissions chez nous et de soutenir les pays les moins en moyens face aux coûts croissants de la lutte contre la crise climatique.
3. Les énergies fossiles que nous exportons ne comptent pas dans le calcul de nos émissions nationales.
Le Canada exporte la majeure partie de son pétrole brut et un peu moins de la moitié de son gaz fossile. Lorsque ces énergies fossiles exportés sont brûlés, 939 mégatonnes de dioxyde de carbone sont libérées dans l’atmosphère (estimation de 2022 selon le Climate Action Tracker).
C’est 1,3 fois plus que le total des GES émis par les ménages. Entre-temps, l’industrie pétrolière et gazière poursuit ses projets d’expansion de l’extraction et des exportations.
Quand on tient compte de tous ces éléments, il devient clair que le secteur de l’énergie et les politiques connexes ainsi que l’ambition climatique du Canada importent à l’échelle mondiale.
4. Nos réserves pétrolières et gazières font partie des plus importantes dans le monde.
Le Canada abrite d’immenses réserves pétrolières et gazières, lesquelles se classent en troisième place en importance dans le monde et représentent un dixième de tous les gisements mondiaux.
L’an dernier, le Canada a produit 5,76 millions de barils de pétrole par jour (source en anglais), soit 6 % de la production mondiale totale. Même avec ce haut niveau de production, selon les estimations, le Canada abriterait environ 168 millions de barils de pétrole, la majeure partie sous forme de sables bitumineux en Alberta. Ce bitume des sables pétrolifères nécessite des processus d’extraction et de traitement intensifs, qui s’avèrent extrêmement dommageables pour l’environnement.
Les gisements de gaz fossile de la formation de Montney, situés en Colombie-Britannique et en Alberta, sont d’une telle ampleur qu’ils sont considérés comme l’une des plus grandes « bombes à carbone » dans le monde.
Alors, est-il important que le Canada fasse preuve d’ambition climatique même si ses émissions représentent moins de 2 % du total mondial ? OUI! Laisser reposer sous terre nos gisements de pétrole et de gaz, aussi immenses que dommageables, contribuerait grandement à prévenir un nouveau chaos climatique.
5. Même si le total de nos émissions de GES peut sembler bas, nos émissions par habitant.e sont parmi les pires au monde – principalement en raison des émissions démesurées du secteur pétrolier et gazier.
Parmi les pays les plus polluants, l’Arabie saoudite est le seul à avoir une empreinte carbone par habitant.e supérieure à celle du Canada. Alors que des pays comme la Chine et l’Inde enregistrent un total d’émissions plus important, les émissions par habitant.e au Canada sont deux fois plus élevées qu’en Chine.
Pour combattre les changements climatiques, il faut que tout le monde se retrousse les manches.
Les changements climatiques constituent un problème planétaire qui nécessite une collaboration internationale entre petits et grands acteurs. Même si les émissions intérieures du Canada peuvent sembler minimes, il est clair que nous jouons un rôle majeur sur la scène climatique et énergétique mondiale.
Deux avenues s’offrent à nous. Nous pouvons choisir la modernisation et embarquer dans la fulgurante révolution des énergies renouvelables, synonyme de création d’emplois, d’amélioration des technologies ainsi que de sécurité et de stabilité énergétiques. Ou alors, nous pouvons continuer à mettre en péril toutes les formes de vie sur Terre avec des combustibles fossiles polluants qui détraquent le climat et coûtent de plus en plus cher.
Le choix à faire est clair.