Tandis que les scientifiques nous avertissent que nous avons poussé la planète « bien au-delà d’un environnement sécuritaire pour l’activité humaine » et que les jeunes marchent pour leur avenir, de l’autre côté, l’industrie des combustibles fossiles fait campagne pour que ses produits continuent de brûler – et le monde avec eux.
Les efforts de l’industrie pour conserver sa mainmise sur le marché mondial de l’énergie sont largement responsables de la crise climatique, ce qui n’a rien pour apaiser le cynisme ambiant. La plupart des « solutions » pour le climat sont en fait d’onéreuses façons détournées de permettre que se poursuivent l’excavation, la fracturation hydraulique, le pompage et l’accumulation des profits pendant que le monde surchauffe. Au lieu de contribuer à une transition rapide qui nous émanciperait des produits qui alimentent manifestement une crise en pleine accélération, les entreprises renoncent aux énergies renouvelables pour tout miser sur les produits polluants comme le pétrole extrait des sables bitumineux.
L’industrie n’hésite pas à présenter le méthane issu de la fracturation hydraulique comme une énergie de transition « naturelle » et à promouvoir des technologies coûteuses qui n’ont pas fait leurs preuves (pensons à la capture du carbone) pour pallier les émissions croissantes – en demandant aux contribuables de les financer –, manœuvrant ainsi pour se maintenir en vie et conserver ses profits, sans tenir compte des conséquences sur la santé humaine et la santé de la planète.
Les cadres de ces entreprises admettent que les technologies comme la capture de carbone sont conçues pour protéger leurs intérêts. Dans une conférence tenue cette année, la dirigeante d’Occidental Petroleum, Vicki Hollub, a déclaré ce qui suit : « [Ces technologies] vont permettre à notre secteur de poursuivre ses activités pour les 60, 70 ou 80 prochaines années, une période où je crois que nous jouerons un rôle nécessaire ».
Nous subissons les conséquences de notre dépendance persistante aux combustibles fossiles : dômes de chaleur, sécheresses, inondations, infestations d’insectes, pénuries d’eau, météo extrême et imprévisible, migration climatique, etc.
« Nous payons les pétrolières pour qu’elles extraient du poison du sol, puis nous les payons pour qu’elles l’enfouissent à nouveau – c’est évident qu’il ne s’agit pas d’une solution écologique », soutient pour sa part Jonathan Foley, directeur général de Project Drawdown, en entrevue avec The Guardian.
L’industrie mène aussi une campagne mondiale visant à mettre en valeur le gaz « naturel », en s’appuyant souvent sur des informations trompeuses ou fausses, alors qu’il a par exemple été démontré que les thermopompes sont beaucoup plus rentables, efficaces et écoénergétiques que le gaz, même au plus froid de l’hiver.
Aujourd’hui, nous subissons les conséquences de notre dépendance persistante aux combustibles fossiles : dômes de chaleur, sécheresses, inondations, infestations d’insectes, pénuries d’eau, météo extrême et imprévisible, migration climatique, etc. Et pourtant, les scientifiques travaillant pour l’industrie avaient déjà signalé, dès les années 1950, que l’utilisation prévue du pétrole, du gaz et du charbon risquait d’entraîner ces effets.
Nous avons eu des décennies pour passer à une économie basée sur les énergies propres, mais l’industrie et ses groupes de façade, ses alliés dans les médias, ses entreprises de relations publiques et ses marionnettes politiques ont ralenti les progrès à un point tel qu’il faut aujourd’hui un changement rapide et beaucoup plus radical.
Les limites déjà dépassées ont trait à l’intégrité de la biosphère, aux changements climatiques, aux nouvelles créations (produits et substances chimiques de synthèse, déchets et armes nucléaires, etc.), aux changements dans l’utilisation du territoire, à l’altération de l’eau douce et aux flux biogéochimiques.
Selon une évaluation publiée dans Science Advances (en anglais), six des neuf « limites planétaires » – ou seuils des écosystèmes mondiaux – sont déjà dépassées, et nous sommes sur le point d’en franchir deux autres. Par ailleurs, quatre des plus importantes limites biologiques ont atteint ou presque atteint le niveau de risque le plus élevé. C’est dire que « les systèmes ont été poussés bien loin de l’état sûr et stable dans lequel ils se trouvaient entre la fin de la dernière ère de glace, il y a 10 000 ans, et le début de la révolution industrielle », précise The Guardian (article en anglais).
Bien que ces limites ne correspondent pas à des points de bascule irréversibles, « ce sont des seuils au-delà desquels les systèmes physiques, biologiques et chimiques de maintien de la vie sur Terre sont exposés à des risques significativement accrus de changements profonds ».
Les limites déjà dépassées ont trait à l’intégrité de la biosphère, aux changements climatiques, aux nouvelles créations (produits et substances chimiques de synthèse, déchets et armes nucléaires, etc.), aux changements dans l’utilisation du territoire, à l’altération de l’eau douce et aux flux biogéochimiques. Nous nous rapprochons aussi du point critique en matière d’acidification des océans et de concentration d’aérosols dans l’atmosphère. La seule limite dont nous nous éloignons concerne l’appauvrissement de l’ozone stratosphérique, grâce au Protocole de Montréal sur les substances qui appauvrissent la couche d’ozone de 1987 – preuve s’il en est que la coopération internationale fonctionne!
Trop, c’est trop. L’heure est venue d’écouter les scientifiques, les jeunes, les Autochtones et les écologistes : nous devons refuser les mensonges de l’industrie pour envisager l’avenir autrement et vivre dans le respect de la nature et de ses limites.
« Pour garantir à la population humaine la sécurité, la prospérité et l’équité sur Terre, il faut revenir à un environnement sécuritaire, mais il n’y a pas de progrès en ce sens actuellement », souligne l’ancien directeur du Stockholm Resilience Centre, Johan Rockström, qui a mené l’équipe chargée d’élaborer le cadre des limites planétaires.
Mais comment cette absence de progrès s’explique-t-elle? La faute revient en grande partie à l’industrie des combustibles fossiles, qui a fait circuler des informations fausses et trompeuses pour semer le doute et la confusion quant aux preuves de plus en plus accablantes de son rôle dans la crise. Elle a même souvent contredit ses propres scientifiques dans le but de ralentir ou de bloquer l’action climatique. Et c’est sans parler de nos systèmes économiques dépassés, qui se fondent sur une vision réductrice de la nature et de notre place dans ce grand tout.
Trop, c’est trop. L’heure est venue d’écouter les scientifiques, les jeunes, les Autochtones et les écologistes : nous devons refuser les mensonges de l’industrie pour envisager l’avenir autrement et vivre dans le respect de la nature et de ses limites.