Après les pensionnats, le réchauffement climatique et la perte de biodiversité créent de nouvelles injustices. Les découvertes de tombes non marquées par la Première Nation de Cowessess, au pensionnat de Kamloops et tout dernièrement au pensionnat de la Mission de Saint-Eugène, ont remis en évidence le génocide flagrant sur lequel ce pays a été construit.
Un génocide qui se poursuit de diverses façons, de la violence explicite du système de santé qui a conduit à la mort de Joyce Echaquan aux formes latentes et anciennes d’abus comme l’empoisonnement systématique des territoires et des moyens de subsistance autochtones par l’exploitation du pétrole et du gaz1, les industries chimiques et les sites de déchets dangereux, le manque d’eau potable, les taux élevés de tuberculose2, la pauvreté énergétique et les énormes disparités dans le soutien aux enfants et aux femmes autochtones par rapport à la population non autochtone.
L’épouvantable vérité qui s’est imposée à nous après la Commission de vérité et de réconciliation, l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, les visites des rapporteurs spéciaux des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et sur les substances toxiques, et les rapports de la Commission canadienne des droits de l’homme aux Nations unies, est une fois de plus mise en lumière. Et cette vérité, selon toute vraisemblance, est sur le point d’entrer dans une toute nouvelle échelle et dimension à mesure que la découverte de nouvelles tombes se multiplie.
Exploitation sans entraves
Si les pensionnats qui ont anéanti plusieurs générations de communautés des Premières Nations, de Métis et d’Inuits sont une relique du passé, les peuples autochtones sont aujourd’hui confrontés de manière disproportionnée à des menaces existentielles et persistantes, qu’il s’agisse des menaces pour la biodiversité que fait peser le développement des industries extractives et chimiques ou des effets désastreux du changement climatique sur leurs territoires, leurs modes de vie et leurs droits.
Pour se réconcilier avec le passé colonial du Canada, il faut tirer des leçons des techniques juridiques historiquement discriminatoires qui ont ouvert la voie à une exploitation sans entraves des ressources humaines et environnementales, et mettre en œuvre les transformations juridiques et sociétales nécessaires pour mettre fin aux injustices contemporaines qui ont un impact disproportionné sur la survie des peuples autochtones, notamment les changements climatiques, la perte de diversité biologique et la dégradation de l’environnement.
Le modèle historique de marginalisation des intérêts autochtones en matière de gouvernance environnementale persiste encore au XXIe siècle.
Dans la plupart des cas, les communautés autochtones ne sont toujours pas perçues comme des partenaires égaux dans les processus décisionnels des gouvernements fédéral et provinciaux – des processus qui continuent d’être définis par l’État, développés par l’État et dirigés par l’État. Pourtant, la majeure partie de la biodiversité intacte et saine de la planète se trouve sur des terres encore gérées par les peuples autochtones. La négociation et l’adoption de lois internationales sur l’environnement visant à contrôler les polluants organiques et le mercure ont également été catalysées par les connaissances et le formidable plaidoyer des peuples autochtones.
Ce sont là des exemples contemporains de la manière dont les peuples autochtones ont joué un rôle profond dans la protection de la santé planétaire au cours des millénaires. Pourtant, le fait est que, si les gouvernements nationaux et infranationaux ainsi que la communauté internationale ne cessent d’affirmer l’importance de la reconnaissance, du respect et de la réalisation des droits des autochtones, les processus mêmes par lesquels ils le font excluent trop souvent les savoirs, la science et la représentation des autochtones.
Tant que nous ne nous attaquerons pas à cette profonde inégalité systémique, tant que les cadres juridiques continueront à concentrer le pouvoir de manière disproportionnée entre les mains des acteurs étatiques, les peuples autochtones continueront d’être confrontés de manière disproportionnée à des menaces existentielles.
Bien que la situation ait évolué depuis l’adoption de cadres juridiques nationaux et internationaux visant à reconnaître et à protéger les droits des autochtones, les menaces existentielles qui pèsent sur les peuples autochtones n’ont pas diminué pour autant ; elles ont pris une nouvelle forme, comme l’illustrent si clairement et brutalement les crises de la perte de biodiversité et du changement climatique. Pour remédier à ces injustices, il nous faut une véritable réflexion sur le génocide, sous toutes ses formes, historique et actuel.
En outre, le Canada doit plaider – tant ici qu’à l’étranger – en faveur de la centralisation des systèmes de connaissances autochtones et du leadership autochtone dans la lutte collective contre les crises massives que sont la perte de biodiversité et les changements climatiques. Une pandémie mondiale appelle une nouvelle normalité. La découverte de ces tombes mérite la même attention en ce qui concerne le changement systémique.
1. Consultez le communiqué de la Commission de coopération environnementale