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Le 29 novembre 2024, une large coalition d'organisations – dont la Fondation David Suzuki fait partie – a tenu une conférence de presse pour faire avancer le traité contre la pollution plastique. (Photo: Sabaa Khan)

Après sept longues journées de négociation et une séance plénière de clôture qui s’est prolongée jusqu’au milieu de la nuit, la dernière session prévue pour l’adoption d’un traité mondial visant à mettre fin à la pollution plastique s’est achevée à Busan sur un sentiment de déception et d’impasse. Malgré la présence de quelque 3360 délégué.e.s provenant de plus de 170 pays, une session de négociation supplémentaire (INC 5.2) sera nécessaire en 2025.

Un nouveau projet de texte (en anglais), élaboré par le président du Comité à partir de consultations informelles, servira de point de départ aux prochaines discussions. Cependant, ce texte a été fermement condamné par le Forum international des peuples autochtones sur les plastiques (IIPFP), pour l’inapplication de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (UNDRIP).

Malgré le fait que les communautés autochtones soient exposées de manière disproportionnée aux effets toxiques importants et systémiques de la pollution plastique, les références à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et aux droits humains figurant dans les projets de traité précédents ont été supprimées.

Au cours des derniers jours de la CIN-5, les représentant.e.s des peuples autochtones et les autres observateur.rice.s ont été tenu.e.s à l’écart des discussions informelles. Lors de la séance plénière de clôture, l’IIPFP a noté le rejet délibéré de leur souveraineté, de leurs droits et de leur leadership dans ce processus et a appelé à des changements substantiels immédiats dans le processus et dans le texte.

À ce stade, il est impératif de transformer le plus rapidement possible l’approche de l’élaboration des traités. Plus précisément, il est urgent de révoquer la carte blanche revendiquée par les États pétroliers (leurs empires pétroliers nationaux ainsi que les industries pétrochimiques et plastiques) dans la détermination de notre avenir collectif.

[…] il est impératif de transformer d’urgence l’approche de l’élaboration des traités. Plus précisément, il est urgent de révoquer la carte blanche revendiquée par les États pétroliers (leurs empires pétroliers nationaux et les industries pétrochimiques et plastiques qui y sont liées) dans la détermination de notre avenir collectif.

L’IIPFP, le Conseil circumpolaire inuit, l’Alliance Internationale des Récupérateurs et une vaste coalition de centaines de groupes de la société civile de toutes les régions du monde ont dénoncé le processus d’élaboration du traité qui perpétue des systèmes d’injustice et d’exclusion, manque de transparence et limite la participation. Ces éléments compromettent les perspectives d’un traité solide, fondé sur les droits humains et la protection de la santé dans le monde, qui s’attaque efficacement à la cause première de la crise du plastique.

UN Enviroment Program

(Photo: Sabaa Khan)

Un profond désaccord subsiste entre deux groupes d’États : ceux qui exigent un traité ambitieux qui réduira progressivement la production de polymères plastiques et limitera les produits chimiques toxiques utilisés dans les plastiques, et ceux qui veulent simplement protéger les intérêts financiers des industries pétrolières et pétrochimiques qui alimentent cette crise environnementale, sanitaire et économique à travers le monde.

La grande majorité des États ont préconisé un plafonnement de la production mondiale de plastiques, des restrictions sur les produits chimiques toxiques utilisés dans les matières plastiques et des mesures de contrôle supplémentaires sur l’ensemble de leur cycle de vie.

Les voix des peuples autochtones et de la société civile ont été presque totalement occultées tout au long des négociations, qui n’ont pas atteint leur objectif initial.

Cependant, une minorité de pays tels que l’Arabie Saoudite, la Russie et l’Iran ont catégoriquement refusé de reconnaître le corpus de preuves scientifiques et les réalités vécues par les communautés de première ligne, les peuples autochtones et les millions de personnes qui ramassent les déchets à travers le monde. Tout au long de ce processus, ces pays ont fait obstruction avec véhémence et persévérance à toute mesure susceptible d’entraver leurs investissements massifs dans le pétrole et la pétrochimie. La composition complète de ce dernier groupe de pays autoproclamés et « partageant les mêmes idées » (“like-minded countries”) n’a jamais été rendue publique. Cela ajoute encore une couche de secret à ce processus juridique international, au détriment de la santé et des droits humains dans le monde.

Les voix des peuples autochtones et de la société civile ont été presque totalement occultées tout au long des négociations, qui n’ont pas atteint leur objectif initial tel que déterminé par l’Assemblée des Nations unies pour l’environnement.

Si les Nations unies ne sont pas en mesure de respecter les normes inscrites dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, celles qui concernent la représentation et l’autodétermination des peuples autochtones ou celle sur le principe fondamental du droit international qui appelle à la participation du public aux délibérations sur les questions relatives à l’environnement dans le monde, quel type de justice pouvons-nous espérer du multilatéralisme? Si l’ONU ne peut pas reconnaître les origines profondément racistes du droit international qui a exclu les peuples autochtones de la communauté internationale (article en anglais), ou transformer l’héritage de ce sombre passé tel qu’il se manifeste dans la dynamique d’exclusion de la coopération juridique internationale contemporaine (source en anglais), quel espoir avons-nous de parvenir à la santé et à l’égalité dans le monde?

À chaque minute de retard, un million de bouteilles en plastique sont consommées. À chaque jour de retard, 1,3 milliard de bouteilles en plastique sont mises en vente sur le marché mondial.

Les institutions internationales qui pilotent le processus d’élaboration du traité contre la pollution plastique doivent admettre que l’échec qu’elles ont essuyé jusqu’à présent tient au fait qu’elles ont privilégié la voix et les intérêts d’une poignée de profiteurs au détriment de la santé de la planète, des communautés les plus touchées et des générations à venir.

À chaque minute de retard, un million de bouteilles en plastique sont consommées. À chaque jour de retard, 1,3 milliard de bouteilles en plastique sont mises en vente sur le marché mondial. Cette culture toxique du jetable, de la gratification instantanée au prix d’un préjudice perpétuel, porte atteinte de manière irréversible et prématurée à la vie de nombreuses générations à venir.

Il faut que les quelques pays qui freinent la mise en œuvre du traité mondial contre la pollution plastique réclamé par le monde entier en soient conscients. Il en va de même pour les autres pays qui ont le pouvoir de mettre un terme à cette obstruction mortelle.