Avec tous les problèmes dans le monde, des inégalités massives à la crise climatique, on pourrait penser que des lignes directrices volontaires pour améliorer les pratiques environnementales et sociales des entreprises seraient une évidence. Après tout, la résolution de ces problèmes critiques peut aussi améliorer les résultats financiers des entreprises.
Mais pour les entreprises dont le modèle économique repose sur des activités qui dégradent l’air, l’eau et le sol et qui créent des inégalités plus importantes, les critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) des investisseurs constituent une menace. C’est pourquoi les grandes compagnies pétrolières ripostent. Une grande partie de la rhétorique « anti-woke » que vous entendez de la part des politicien.ne.s et des médias de droite est financée par des intérêts liés aux combustibles fossiles.
Compte tenu de ce que nous savons sur les efforts déployés par l’industrie depuis des décennies pour retarder les mesures contre les changements climatiques en semant le doute et la confusion sur les preuves scientifiques claires, il n’est pas surprenant que les mêmes personnes consacrent d’énormes quantités d’argent et de ressources pour bloquer les efforts visant à introduire une plus grande responsabilité des entreprises. L’ESG encourage les investisseurs à prendre en compte des critères tels que les risques environnementaux, l’équité salariale et la transparence comptable.
Un rapport (en anglais) de Pleiades Strategy, basé aux États-Unis, a révélé qu’en 2023, l’argent provenant des combustibles fossiles était à l’origine de 165 projets de loi présentés dans 37 États « pour utiliser les fonds gouvernementaux, les contrats et les pensions comme une arme pour empêcher les entreprises et les investisseurs de prendre en compte les facteurs de risque courants lors de la prise de décisions d’investissement responsables et ajustées au risque ».
La plupart des textes législatifs, visant à restreindre l’utilisation des critères d’investissement ESG, étaient basés sur des « modèles de projets de loi diffusés par des organisations de droite qui ciblaient divers aspects de la réglementation financière des États… »
Ces organisations reçoivent une grande partie de leur soutien de la part d’intérêts liés aux combustibles fossiles. Il s’agit de quatre des groupes de réflexion les plus influents du pays : l’American Legislative Exchange Council, la Heritage Foundation, le Heartland Institute et la Foundation for Government Accountability. Tous sont affiliés au State Policy Network, qui reçoit des fonds de la famille Koch, milliardaire des combustibles fossiles, rapporte le Guardian (article en anglais).
Une grande partie de la rhétorique « anti-woke » que vous entendez de la part des politicien.ne.s et des médias de droite est financée par des intérêts liés aux combustibles fossiles.
La Texas Public Policy Foundation (qui reçoit des fonds de la part d’organisations soutenues par les Koch, ainsi que d’ExxonMobil, ConocoPhillips et Chevron) ainsi que le lobbyiste pétrolier et gazier American Petroleum Institute ont également été impliqués.
Certains ont travaillé pour faire adopter des lois afin de punir sévèrement les personnes qui protestent contre les pipelines.
L’étude a révélé que ces groupes avaient eu un succès limité, ne faisant adopter que 22 des 165 lois anti-ESG proposées, grâce à l’opposition des défenseur.euse.s des entreprises, des syndicats et de l’environnement. Mais les lois qui ont été adoptées – même celles qui ont été édulcorées – pourraient avoir un impact sur les politiques climatiques et autres mesures visant à protéger les personnes et la planète.
Connor Gibson, coauteur du rapport, a averti que le manque de succès ne dissuadera probablement pas les intérêts pétroliers. « Nous pensons que ceci est la dernière incarnation du déni climatique, de l’obstruction et du retard », a-t-il déclaré au Guardian.
Il est stupéfiant de constater que des gens mettent leurs intérêts économiques à court terme avant la santé, le bien-être et la survie des êtres humains, mais c’est ce qu’ils font avec l’écoblanchiment, les campagnes de propagande furtives et en exerçant leur influence sur les politicien.ne.s, les gouvernements et les médias.
Mais l’économie liée aux combustibles fossiles ne se limite pas à l’argent. Il s’agit aussi de consolider le pouvoir et la richesse, ce qui accroît les inégalités. Il est beaucoup plus difficile pour un petit nombre de personnes et d’entreprises de contrôler l’accès à l’énergie et la richesse qu’elle génère lorsqu’elle provient du soleil et du vent plutôt que du charbon, du pétrole et du gaz.
Il est stupéfiant de constater que des gens mettent leurs intérêts économiques à court terme avant la santé, le bien-être et la survie des êtres humains, mais c’est ce qu’ils font avec l’écoblanchiment, les campagnes de propagande furtives et en exerçant leur influence sur les politicien.ne.s, les gouvernements et les médias.
De nombreuses études montrent que la transition vers les énergies propres permettrait d’économiser d’énormes sommes d’argent dans tous les domaines, des soins de santé aux dépenses énergétiques, et que continuer à utiliser le charbon, le pétrole et le gaz deviendra de plus en plus coûteux et mortel.
De plus, abandonner les combustibles fossiles ne sera pas très difficile pour les investisseurs, selon une étude récente (en anglais) publiée dans Joule. Cette étude a révélé que dans les pays à revenu élevé, les 10 % les plus riches supporteraient les deux tiers des pertes d’investissement liées à la réduction de la production de combustibles fossiles, et les 1 % les plus riches subiraient la moitié de ces pertes. Comme la plupart des personnes fortunées ont des portefeuilles diversifiés, les pertes ne représenteraient qu’environ 1 % de leur patrimoine net.
Les chercheur.euse.s ont aussi constaté qu’il serait rentable pour les gouvernements d’indemniser les moins nanti.e.s pour leurs pertes éventuelles.
Nous avons toutes les raisons de rapidement faire la transition des combustibles fossiles vers les sources d’énergie renouvelables – ainsi que conserver l’énergie et améliorer l’efficacité. Nous constatons aussi de plus en plus que les justifications d’ordre corporatif, politique et médiatique visant à éviter ou à retarder le changement nécessaire sont fournies par l’industrie elle-même, souvent de manière clandestine.
Il est temps de sortir l’argent des combustibles fossiles de la politique et de laisser le pétrole dans le sol.