Les écologistes qui s’efforcent de promouvoir le rétablissement des plantes et des animaux menacés d’extinction doivent souvent faire face au défi de motiver au mieux le public. Devons-nous décrire le déclin alarmant d’une créature bien-aimée pour inciter à l’action, ou communiquer une réussite rare, mais inspirante, pour donner de l’espoir?
La meilleure façon d’encadrer les efforts de rétablissement des espèces en péril ne se limite pas à la manière dont nous communiquons avec les autres; elle implique également la manière dont nous abordons notre travail. Les efforts visant à inverser les tendances qui menacent la survie des espèces sauvages peuvent être difficiles à soutenir. Il est parfois très éprouvant de rester énergique et positif face au déclin continu et démoralisant des espèces.
Heureusement, on voit de plus de plus le rétablissement des espèces en péril sous un angle positif. Cette façon de voir les choses n’est pas attribuable à une équipe de communication ou à un groupe de réflexion sur l’engagement du public, comme on pourrait l’imaginer, mais à des personnes travaillant dans le monde entier pour mettre un terme à l’extinction des espèces et favoriser leur rétablissement.
L’Union Internationale pour la conservation de la nature, qui évalue le statut des espèces à l’échelle mondiale à l’aide d’une « liste rouge » qui différencie les niveaux de risque d’extinction, a introduit une « liste verte » afin d’évaluer les niveaux de faisabilité du rétablissement et le succès de la conservation.
Selon l’UICN, « Les avertissements d’extinction imminente ne sont pas le seul moyen de susciter les efforts de conservation. Nous avons également besoin d’une vision optimiste de la conservation des espèces, qui présente une feuille de route sur la manière de conserver une espèce et de parvenir à son rétablissement. »
Selon l’UICN, « Les avertissements d’extinction imminente ne sont pas le seul moyen de susciter les efforts de conservation. Nous avons également besoin d’une vision optimiste de la conservation des espèces, qui présente une feuille de route sur la manière de conserver une espèce et de parvenir à son rétablissement. Cela est nécessaire pour encourager les actions et les programmes de conservation positifs. Pour y parvenir, le processus d’évaluation de la liste rouge doit être élargi afin d’inclure des classificateurs de succès de la conservation. L’UICN crée actuellement une nouvelle série de mesures à cette fin. »
Ce cadre donne aux praticiens de la conservation une image beaucoup plus large et souvent plus encourageante que les seules évaluations du statut des espèces. Comme le décrit le magazine en ligne Yale Environment 360, même si le rhinocéros de Sumatra pourrait être maintenu dans la catégorie des espèces en voie de disparition pendant des décennies en raison de son effectif réduit, l’évaluation de son statut « vert » place son potentiel de rétablissement à long terme à près de 50 %, ce qui signifie que des efforts continus de conservation au cours du prochain siècle pourrait amener l’espèce presqu’à mi-chemin de son rétablissement complet. Il s’agit d’un changement radical dans l’histoire de cette espèce qui a longtemps été considérée comme ayant plus sa place dans un musée qu’ailleurs, ce qui pourrait bien mener à de nouveaux efforts et investissements. »
Le cadre émergent peut également jouer un rôle essentiel dans le changement des pratiques actuelles. L’approche canadienne populaire des initiatives de rétablissement menées par le gouvernement est la « gestion des menaces prioritaires ». L’étude intitulée « Prioritizing Recovery Funding to Maximize Conservation of Endangered Species », qui porte sur une région du sud de la Saskatchewan, se fonde sur un modèle pour évaluer les possibilités de rétablissement des espèces en péril en fonction, entre autres, de la rentabilité perçue des mesures de rétablissement. Comme le note le rapport, « on peut maximiser la portée des ressources limitées pour protéger les espèces menacées en donnant la priorité aux investissements dans des stratégies de gestion qui permettent de rétablir le plus grand nombre d’espèces au moindre coût. »
…la Fondation David Suzuki s’inquiète de voir la rentabilité devenir le filtre dominant de ces cadres, car cela pourrait conduire à l’exclusion d’approches de conservation indispensables et entraîner l’abandon de certaines espèces…
Cette approche peut sembler raisonnable, mais la Fondation David Suzuki s’inquiète de voir la rentabilité devenir le filtre dominant de ces cadres, car cela pourrait conduire à l’exclusion d’approches de conservation indispensables et entraîner l’abandon de certaines espèces. Par exemple, le rapport de la Saskatchewan note que la restauration de l’habitat était l’une des « stratégies individuelles les moins rentables » dans son domaine d’étude.
La restauration de l’habitat peut être une entreprise coûteuse. Pourtant, dans de nombreux cas, sinon la plupart, de menace à la survie d’espèces au Canada, les principaux moteurs ont été les activités industrielles et de développement qui, tout en fragmentant et en dégradant l’habitat, ont généré des gains économiques importants. Ces secteurs ont donc la responsabilité d’en assumer les coûts.
Le rétablissement des espèces en péril est un processus difficile. La première étape consiste à désamorcer les principales menaces. À partir de là, nous pouvons être plus optimistes pour la suite des choses, en nous fondant sur la conviction que l’humain a la capacité de faire preuve de l’imagination et de l’engagement nécessaires pour réparer ce qu’il a endommagé.
Comme l’écrivent les auteurs de l’article du Journal of Conservation Biology sur lequel repose la liste verte, « le développement et la mise en œuvre de ce système donneront à la liste rouge des espèces menacées de l’UICN une vision positive de la conservation, encourageant l’optimisme. »
« Optimisme » n’est pas un mot que l’on trouve tous les jours dans les articles de revues scientifiques sur les espèces vulnérables. Pourvu que cela continue.