Beaucoup de personnes ne connaissent probablement pas le lien étroit qui existe entre les « pensionnats » autochtones au Canada et l’extraction continue de ressources sur les terres des Premières nations. En 1951, le ministère fédéral des Mines, l’agent « indien », l’église catholique et de riches propriétaires d’entreprises se sont mis d’accord pour retirer les enfants Tahltan de leurs foyers et de leurs familles, dans le but de s’emparer des riches réserves de minéraux dans les Sacred Headwaters, au nord de la Colombie-Britannique.
Ce n’est là qu’une des nombreuses révélations du nouveau et très percutant film The Klabona Keepers, sur la lutte de la nation Tahltan pour protéger les Sacred Headwaters, ou Klabona, de l’exploitation minière.
(Le film, coréalisé par mon petit-fils Tamo Campos, est le fruit d’une collaboration entre des cinéastes non-autochtones et des aîné.e.s autochtones, qui détiennent les droits de propriété intellectuelle. Tous les bénéfices sont remis à des programmes pour les jeunes des Klabona Sacred Headwaters.)
Faisant le lien entre un passé pas si lointain et le présent, la porte-parole Rhoda Quock déclare (tel que cité par son époux Peter Jakesta) : « Ils ont volé les enfants de la terre. Maintenant, ils volent la terre aux enfants ».
Ils ont volé les enfants de la terre. Maintenant, ils volent la terre aux enfants.
C’est une histoire que nous entendons trop souvent, mais elle est rarement racontée avec autant de passion que par les aîné.e.s et les familles dans ce film.
Les Sacred Headwaters sont l’endroit où naissent les rivières à saumons Skeena, Nass et Stikine. C’est l’un des derniers écosystèmes d’eau douce intacts d’Amérique du Nord. Le peuple Tahltan, qui vit dans cette région depuis des temps immémoriaux, la connaît sous le nom de Klabona. C’est une vaste région, riche en ours, caribous, orignaux et autres animaux sauvages – et, oui, aussi riche en combustibles fossiles et en minéraux.
Le film dépeint l’immensité et la beauté de la région, ainsi que la relation permanente du peuple Tahltan avec sa terre et ses eaux. C’est une relation que les gouvernements et les églises ont tenté de briser lorsqu’ils ont enlevé les enfants à leurs familles et à leurs communautés pour les placer de force dans des institutions résidentielles tout au long des années 1990. Ces horribles abus et violations des droits visaient à éteindre les langues et les cultures, et à diviser les gens afin d’accommoder les intérêts industriels et miniers.
À Klabona, comme dans tant d’autres endroits, la séparation des familles et des communautés a fait des ravages. Beaucoup des personnes qui ont été placées dans des institutions, ou les parents des enfants qui ont été enlevés, se sont tourné.e.s vers l’alcool pour engourdir la douleur et la perte qu’elles et ils ont subies.
Mais lorsque de plus en plus de sociétés minières ont commencé à s’installer à Klabona, de nombreux Tahltans ont compris qu’il était temps d’unir leurs forces, de protéger la terre et donc eux-mêmes de ceux qui détruiraient les montagnes, les vallées, les rivières et les lacs avec lesquels ils et elles vivent en harmonie depuis des millénaires. Les aîné.e.s du village d’Iskut, les Gardiens de Klabona, ont assumé cette responsabilité.
Mais lorsque de plus en plus de sociétés minières ont commencé à s’installer à Klabona, de nombreux Tahltans ont compris qu’il était temps d’unir leurs forces, de protéger la terre et donc eux-mêmes de ceux qui détruiraient les montagnes, les vallées, les rivières et les lacs avec lesquels ils et elles vivent en harmonie depuis des millénaires.
C’est une lutte permanente avec un succès mitigé. Après beaucoup d’opposition et de manifestations, la mine de cuivre et d’or de Red Chris, située au nord-ouest de Klabona, a commencé à produire en 2014. Mais à travers l’occupation des sites de forage, les manifestations et les blocages, les Tahltan ont empêché Fortune Minerals de développer une énorme mine de charbon à ciel ouvert sur le mont Klappan, au cœur de Klabona. Cela a finalement mené à l’accord Klappan de 2017, qui a protégé 286 000 hectares d’une activité industrielle majeure. Mais l’exploration minière continue d’augmenter à l’extérieur de la zone protégée.
Plus nous en apprenons sur l’histoire du Canada et sur le racisme épouvantable qui est à l’origine des incursions dans les territoires autochtones pour rechercher des richesses exploitables, plus nous constatons que les peuples autochtones ont payé le prix et récolté peu de bénéfices de notre économie axée sur les extractions – des paysages fracturés du nord de la Colombie-Britannique aux terres et eaux polluées des sables bitumineux, en passant par les rivières empoisonnées au mercure de Grassy Narrows et bien plus encore.
La façon occidentale de voir les choses compartimente et réduit les phénomènes à leurs parties constituantes, ignorant souvent la vue d’ensemble. Mais tout dans la nature est interconnecté, de sorte que même des actions apparemment insignifiantes peuvent avoir des effets en série.
À bien des égards, la science occidentale commence tout juste à rattraper les connaissances des peuples qui ont vécu sur place pendant des milliers d’années. Nous devons élargir notre vision et, ce faisant, reconnaître que la plupart, voire la totalité, des crises actuelles – du dérèglement climatique à la perte de biodiversité en passant par les inégalités croissantes – trouvent leur origine dans ces mêmes états d’esprit et valeurs étroites.
Nous ne pouvons plus nous permettre de privilégier l’économie au détriment des systèmes de survie de la planète. Consommer davantage et courir après une croissance sans fin n’apporte ni bien-être ni bonheur; accepter avec émerveillement et amour les interconnexions phénoménales qui nous rassemblent sur ce petit monde généreux est bien meilleur pour la santé et le bien-être individuels, communautaires et planétaires.