Une foule de gens qui se promène à l'extérieur d'un centre d'achat

Tant que nous continuerons à idolâtrer l’argent et le matériel, tant que l’augmentation des dépenses de consommation représentera une « bonne nouvelle », nous ne pourrons nous éloigner du gaspillage qui caractérise notre mode de vie. (Photo : Pawel L. via Pexels)

Il fut un temps où, dans le monde occidental, les fêtes de fin d’année étaient synonymes de gratitude, de l’arrivée de jours plus lumineux et du plaisir de la compagnie de la famille et des ami.e.s. On pourrait dire que, de nos jours, elles se rapprochent plutôt d’une orgie consumériste. Du Vendredi fou au Cyberlundi, en passant par le magasinage de Noël, difficile d’échapper à la frénésie ambiante. Les entreprises, petites et grandes, comptent sur cette escalade de dépenses. Les gouvernements, eux, se réjouissent de cette stimulation de l’économie.

De nombreux produits, souvent intouchés ou presque, finissent toutefois dans les dépotoirs. Autant d’éléments du consumérisme effréné, important carburant de la crise climatique. Les pays riches, particulièrement leurs habitant.e.s les plus fortuné.e.s, représentent les forces motrices principales de ce délire consommateur qui perturbe le climat (article en anglais). Un récent rapport d’Oxfam, « Égalité climatique : une planète pour les 99 % », démontre que les 1 % les plus riches ont été responsables de plus d’émissions de gaz à effet de serre que les 66 % les plus pauvres de l’humanité.

Ces émissions à elles seules risqueraient « d’entraîner la mort de 1,3 million de personnes à cause de la chaleur dans les décennies à venir », selon The Guardian. Le journal ajoute que « ces souffrances affectent de manière disproportionnée les personnes en situation de pauvreté, les communautés ethniques marginalisées, les personnes migrantes et les femmes et les filles, celles et ceux qui vivent et travaillent à l’extérieur, ou dans des habitations vulnérables aux phénomènes météorologiques extrêmes. »

De nombreux produits, souvent intouchés ou presque, finissent toutefois dans les dépotoirs. Autant d’éléments du consumérisme effréné, important carburant de la crise climatique.

Les super-riches (surtout des hommes blancs de l’Amérique du Nord et de l’Europe, avec leurs yachts de luxe, leurs jets privés, leurs immenses manoirs et leur mode de vie opulent) laissent l’empreinte écologique la plus dévastatrice. Ils « disposent également d’un pouvoir politique énorme, et grandissant : ils possèdent des organes médiatiques et des réseaux sociaux, ils embauchent des agences de publicité et de relations publiques et ils frayent avec des politiciens des hautes sphères (dont la plupart font aussi partie du 1 %). »

Le rapport « révèle une réalité de plus en plus répandue : les personnes les moins responsables de la crise climatique sont celles qui en souffrent le plus. Et les personnes qui en sont les responsables principales risquent d’être les moins affectées ».

L’éminent économiste français Thomas Piketty, lui, propose un plaidoyer pour une tarification progressive du carbone, en fonction des revenus et de la capacité à réduire ses émissions. Il propose également l’interdiction des biens et services hautement polluants, tels les véhicules de grande taille, les jets privés et les vols de courte distance.

Les effets démesurés du mode de vie de la classe excessivement nantie ne devraient toutefois pas servir à nous dédouaner de notre propre influence.

« Nos analyses des défis environnementaux en général doivent se centrer sur les questions de classe, sur l’étude des inégalités entre les classes sociales », a indiqué Thomas Piketty au Guardian.

Comme le souligne le rapport d’Oxfam, nous devons « reconnaître qu’une augmentation radicale de l’égalité constitue une condition préalable à la fin du dérèglement climatique et de la pauvreté ». Le rapport ajoute qu’un « [impôt] de 60 % sur les revenus des 1 % de super-riches à l’échelle mondiale permettrait de réduire l’équivalent en carbone d’une quantité supérieure aux émissions totales du Royaume-Uni et [d’amasser] 6,4 milliards de dollars pour financer les énergies renouvelables [et] la transition [hors] des énergies fossiles ».

« Il [faut cesser de concentrer notre attention sur] la croissance économique, quelle qu’elle soit, sur l’extraction sans fin et sur la surconsommation à tout prix », selon Oxfam. « Les populations doivent reprendre leur destin en main et ce sont les gouvernements démocratiquement élus, et non les entreprises, qui doivent façonner notre économie. »

Les effets démesurés du mode de vie de la classe excessivement nantie ne devraient toutefois pas servir à nous dédouaner de notre propre influence. Oxfam confirme d’ailleurs ce que d’autres ont conclu avant lui : les pays riches sont responsables de cent fois plus d’émissions que leurs homologues moins fortunés. Comme le souligne Piketty, ces émissions s’avèrent en majorité attribuables aux classes moyennes et élevées.

Le ralentissement est de mise. Nous devons apprendre à valoriser ce qui en vaut vraiment la peine : le temps passé en nature, les moments auprès de notre famille et de nos proches, l’espace qu’on accorde aux activités qui nous inspirent.

Il faut repenser notre vision du monde, et cette transformation commence en chacun.e de nous. Tant que nous continuerons à idolâtrer l’argent et le matériel, tant que l’augmentation des dépenses de consommation représentera une « bonne nouvelle », nous ne pourrons nous éloigner du gaspillage qui caractérise notre mode de vie. Le ralentissement est de mise. Nous devons apprendre à valoriser ce qui en vaut vraiment la peine : le temps passé en nature, les moments auprès de notre famille et de nos proches, l’espace qu’on accorde aux activités qui nous inspirent.

Comme l’exprime Kate Soper, autrice et professeure émérite de la London Metropolitan University : « La culture de la consommation était jadis perçue comme un mode d’expression de soi. Maintenant, à l’étape actuelle de son évolution, on voit mieux son vrai visage : elle sert aux grandes sociétés pour étendre leur mainmise mondiale et leur pouvoir, au détriment de la santé et du bien-être de la planète et de la plupart de ses habitant.e.s » (article en anglais).

Nous pouvons faire notre part. Devant l’imminente période des fêtes, plutôt que de contribuer au délire consumériste, cherchez à réaliser des activités porteuses de sens. Pourquoi ne pas offrir votre temps, faire du bénévolat, échanger des livres, donner de l’argent à une cause qui vous est chère? Surtout, engagez-vous dans la lutte contre le système capitaliste-consumériste qui carbure aux énergies fossiles, ce système responsable d’inégalités considérables et de la destruction de notre planète!